Du charivari à la casserolade
par Fergus
mardi 25 avril 2023
Les « casserolades » qui accompagnent désormais les prises de parole et les déplacements d’Emmanuel Macron et de ses ministres marquent le retour d’une ancienne pratique : le « charivari ». Et elles n'ont rien de festif...
Dès 20 heures, la soirée du lundi 17 avril a été marquée par deux évènements concomitants : D’un côté, l’allocution prononcée dans un salon feutré de l’Élysée par un président de la République de plus en plus coupé des réalités sociales de notre pays. De l’autre, les concerts de casseroles organisés dans près de 150 villes de France par les opposants à sa politique néolibérale, et notamment par ceux qui, tôt ou tard, auront à souffrir* de sa très injuste réforme des retraites, promulguée dans l’urgence 3 jours avant, sitôt connue la décision du Conseil Constitutionnel.
De l’allocution prononcée le lundi 17 avril par Macron, il n’y a pas grand-chose à retenir, comme l’ont souligné la plupart des politologues et des éditorialistes. Les Français ont assisté, sous la forme d’un copié-collé de programme électoral démagogique et irréaliste, à une pitoyable tentative de relance d’un quinquennat très mal engagé avec l’adoption au forceps, – et de manière détournée via le rejet d’une motion de censure – d’une réforme massivement rejetée par nos compatriotes. À cet égard, les éléments de langage repris par le chef de l’État après avoir été assénés ad nauseam par sa Première ministre et ses porte-parole sur les bienfaits à attendre de ladite réforme n’ont pas la moindre chance d’imprimer dans les esprits.
Insensibles au discours du président de la République, nombre de nos concitoyens se sont mobilisés le 17 avril pour, armés de casseroles, de poêles à frire et autres ustensiles de cuisine, aller donner devant les mairies des casserolades les plus bruyantes possible. Ces actions ne visaient pas à couvrir la voix du chef de l’État sur les ondes radio-télé, c’eût été mission impossible, mais à dénoncer de manière symbolique le déni de démocratie auquel il s’est livré en usant d’artifices constitutionnels, et qu’il a tenté d’évacuer en formulant une nouvelle fois des promesses fallacieuses pour l’avenir.
Depuis, le plus souvent accompagnées de slogans virulents, les casserolades se sont multipliées dans le pays, ce dont Emmanuel Macron a pu se rendre compte lors de ses visites à Sélestat (Bas-Rhin) et à Ganges (Hérault), de même qu’Élisabeth Borne, François Braun, Éric Dupont-Moretti, Olivier Dussopt, Olivia Grégoire et Pap N’Diaye. Nul doute que ces casserolades vont se poursuivre dans les prochaines semaines, voire les prochains mois, à l’image des « concerts » donnés dans plusieurs villes le lundi 24 avril pour « fêter » l’anniversaire de la réélection par défaut du président de la République.
À moins que les préfets – sur ordre exprès ou par la manifestation de ces excès de zèle dont ils sont coutumiers – n’interdisent, comme ce mardi à Vendôme (Loir-et-Cher) à l’occasion de la venue du chef de l’État, « les cortèges, défilés et rassemblements » ainsi que l’usage de « dispositifs sonores amplificateurs de son ». Certes, « Le ridicule ne tue pas », dit le proverbe, mais il discrédite toujours plus celui que les valets du pouvoir entendent protéger de la voix du peuple, qu’elle soit ou non soutenue par des concerts de casseroles !
Le charivari est une vieille tradition qui remonte à plusieurs siècles. Il consiste à organiser un défilé ou un rassemblement le plus bruyant possible pour protester, ici contre un mariage inconvenant, là contre des conditions de vie inacceptables, ailleurs contre une décision politique inique. Le charivari, malgré une apparence parfois trompeuse, n’a rien de festif : il est une expression de la colère populaire, renforcée par l’usage symbolique d’ustensiles de cuisine en accompagnement des huées des manifestants.
Les casserolades d’aujourd’hui ne sont rien d’autre que les charivaris d’hier. Et le président de la République ferait bien de les entendre pour ce qu’elles sont – de possibles préludes à des climats d’émeute – au lieu de les moquer en attisant délibérément, du haut de sa suffisance de classe, la colère des victimes de sa gouvernance. Il arrive un moment où le mépris devient insupportable ! Et nul ne peut savoir sur quoi peut déboucher un mouvement insurrectionnel !
* Rappelons que la réforme de Macron aura pour effet de faire des deux meilleures années de retraite (celles où l’on est encore en assez bonne forme) les deux pires années de travail (celles de l’usure physique et morale).