Echec et... MATHS

par Allexandre
samedi 14 mars 2015

L’échec scolaire, chronique d’une réalité annoncée.

Aujourd’hui, plus de 150.000 élèves sortent du système scolaire sans aucun diplôme et avec une maîtrise de la langue française plus qu’aléatoire. Tout n’est pas à jeter dans la science pédagogique, mais bien des méthodes révolutionnaires ont jeté les bases de cet échec, notamment en primaire. Ecrire cela est presque une lapalissade, tant les apprentissages en CP et CE1 seraient à repenser rapidement. Mais la conscience de cette réalité n’a toujours pas enrayé le phénomène, au contraire. Mais nous sommes-nous toujours posés les bonnes questions ? Les échecs du primaire sont-ils seuls en cause ?? Depuis bientôt 50 ans, il est un sujet sacro-saint qui n’a jamais été remis en question : celui des mathématiques et de leur parent pauvre, la physique-chimie. Ces deux matières sont devenues les curseurs de l’enseignement secondaire, et les mathématiques dominent impérialement le système. L’excellence ne saurait être dissociée de cette discipline-reine. Seulement voilà, tout le monde n’a pas la bosse des maths. Pourtant, les mentalités, en France tout particulièrement, ont associé les maths à la réussite et à l’ouverture des portes après le BAC. L’élève qui n’est pas bon en math, et qui par malheur, n’est pas bon non plus en français, va se voir reléguer selon un schéma pyramidal très sélectif et élitiste.

Il existe aujourd’hui trois types de baccalauréats : général, technologique et professionnel. Nous pourrions les décliner de haut en bas. Au sommet de la pyramide, il y eut longtemps la série C (celle de l’excellence où l’élève aligne des résultats mirobolants dans toutes les matières, latin et grec compris), suivie de la série D, un peu moins matheuse et plus marquée par la biologie, une science plus « humaine » donc. Puis venait, résidu d’un passé marqué par les humanités, la série A dans laquelle primaient la littérature, la philosophie et les langues étrangères. Enfin la série AB, vaguement économique, considérée comme le rebut. Les portes des grandes écoles s’ouvraient largement pour les lauréats de la série C, a fortiori s’ils obtenaient la mention « très bien » (mais le nombre de mentions TB n'avait rien à voir avec celui de ces dernières années). Pour les autres, l’université offrait des possibilités, à une époque où la réussite au bac ne voisinait pas avec les 90%. Mais le temps a passé et du collège unique de Haby en 1975 à la démocratisation du BAC dans les années 80, bien des choses ont changé. Sauf une : les maths demeurent le curseur indéboulonnable. Certes, on a voulu revaloriser les séries générales à caractère littéraire et économique. La série A est devenue L comme littéraire, la série AB, ES comme économique et social et les séries C et D se sont fondues dans la série S…comme scientifique (1993). On a modifié les coefficients, comme si un coefficient pouvait leurrer les parents sur une réalité bien établie !! Non, mon fils ou ma fille fera S. « Ca ouvre toutes les portes » entend-on. Plus de distinction entre C et D. Ils sont tous scientifiques. A ceci près, tout de même, qu’il existe une hiérarchie dans les spécialités avec maths, physique-chimie et SVT (anciennement biologie). Les meilleurs étant souvent ceux qui font spécialité maths avec l’adoubement de la plupart de leurs enseignants qui ont la main haute sur le choix lors des conseils de classe. Et si le français remplaçait les maths dans cette hiérarchie ?? Qu’en serait-il ?? Mais ne rêvons pas. Un élève n’ayant pas les capacités pour une série S peut bien aller en ES ou en L, qu’importe son niveau en français ou en histoire-géographie et en langues !! Ainsi, l’orientation par défaut a-t-elle marqué les deux dernières décennies, voire les trois dernières. Mais les élèves qui franchissent le seuil de la série S sont-ils pour autant tous des scientifiques ? Oh certes non !! Combien sont là par décision et vanité parentales ? Un certain nombre assurément. La sélection et une forme d’élitisme sont toujours d’actualité malgré le discours officiel et l’effondrement des exigences scolaires en général. Démagogie, démagogie quand tu nous tiens.

C’est ainsi toute la perception de l’enseignement et des disciplines enseignées qu’il faut revoir de fond en comble. Quelle justification peut-on apporter au fait que les mathématiques soient considérées comme la matière phare de notre enseignement ? En quoi seraient-elles plus importantes que l’Histoire ? N’est-il pas plus important d’avoir une connaissance décente d’un passé, si important pour le présent et le futur, qu’il alimente l’esprit critique, que celle de savoir résoudre une équation à deux inconnues ? Non que les mathématiques n’aient pas leur importance, mais jusqu’où va cette importance ? A l’heure où la mondialisation nous est imposée, maîtriser certaines langues, entre autres l’anglais, n’est-il pas plus fondamental ?? Deux heures d’anglais par semaine en S, est-ce suffisant ? Et ensuite, on se lamente sur le niveau des Français en langues étrangères : mais rassurons-nous, Mme Vallaud-Belkacem annonce une deuxième langue dès la 5 ème. Il n’est ni judicieux, ni légitime de procéder ainsi. En aucun cas nous ne devrions pas procéder par élimination à partir des maths. Et je ne parle pas du sentiment dévalorisant pour l’élève qui n’a pas la « bosse des maths » : il éprouve vite le sentiment d’une « infériorité » à l’égard de celui qui brille dans la science pythagoricienne. Et le pire dans tout cela, c’est que même dans les séries L et ES, les maths jouent un rôle pervers. Le fait de prendre la spécialité « math » vous garantit une plus grande crédibilité. C’est tellement vrai, que les nouvelles options offertes en terminale ES à partir de la rentrée 2012 ont joué le même rôle. Aux bons en math l’option math (ils sont peu nombreux), aux moyens l’option « éco » et à tous ceux qui ne sont pas acceptés par les profs de mathématique et de SES, il reste l’option « sciences politiques ». Mais là, on ne demande pas souvent son avis au professeur d’Histoire qui pourrait avoir à en émettre un. Absurdité d’un système sensé préparé des élèves à la réflexion historique, économique, sociologique et politique. Eh bien non, l’option « sciences politiques » constituera le groupe le plus nombreux et le plus hétérogène, pendant que le groupe math pourra travailler en petits effectifs entre élèves « doués ». Nous sommes en train de réitérer les mêmes erreurs, mais ça n’est pas grave. Qui décidera de refondre notre système d’enseignement, en remettant les mathématiques à la place qui leur revient vraiment, c'est-à-dire égales aux autres matières enseignées, voire même en dessous de certaines, comme le français et l’histoire-géo ? Les mathématiques, la physique et la chimie ont été à l’origine des progrès fulgurants de la mécanique, de l’industrie électrique et de la technologie en général....mais aussi de la finance, dont les traders super matheux sont l'exemple même. Les progrès médicaux en résultent aussi. Ainsi en un siècle et demi, l’humanité a dépassé ses limites en innovations et découvertes en tous genres, révolutionnant ainsi notre confort quotidien et un certain bien-être que l’on ne saurait nier. Cependant, ces mêmes progrès n’ont-ils pas accru notre aliénation ? N’ont-ils pas fragilisé notre capacité à réagir face à des situations nouvelles, compromettant ainsi notre liberté ? Peut-on envisager aujourd’hui d’entrer dans une pièce obscure sans pouvoir appuyer sur un interrupteur éclairant instantanément cette même pièce ? D’ouvrir un robinet dispensateur de cette eau potable, si évidente pour nous, mais si aléatoire pour d’autres ? Alors oui, la science est merveilleuse, mais elle a ses côtés sombres et inhumains (inutile d’évoquer les progrès de l’armement et le juteux, mais apocalyptique, marché qui en découle). Mais à côté de cela, les disciplines éveillant l’esprit d’analyse et la critique ont été reléguées au second rang. Comme si les choses de l’esprit étaient teintées d’une certaine « inutilité », ne rapportaient rien sur le plan marchand. Les sciences et le commerce (S et ES) ont une valeur marchande bien plus lucrative. Il n’est que de voir la composition sociologique des différentes séries générales. La série L concentre un nombre de filles très supérieur, environ 70 % des effectifs. Pourquoi ?? Le garçon, selon des schémas inconscients et archaïques, est celui qui doit être pragmatique et rapporter l’argent à la maison. Il doit donc choisir des séries « sérieuses ». Les filles en revanche, affublées de leur douceur et de leur sensibilité inhérentes à leur genre, peuvent se permettre de s’adonner à la littérature, de philosopher, de réfléchir, de se consacrer aux arts, puisqu’elles ne sont pas prioritairement destinées à faire vivre le foyer, ou seulement secondairement. Bien sûr ceci est une tendance lourde et pas une généralité, mais observez la composition des classes de lycée et vous verrez que le constat mérite d’être fait et analysé. Fort heureusement, les générations actuelles commencent à invalider cette « vérité » et les filles choisissant la série scientifique sont de plus en plus nombreuses et leur réussite en la matière, tout aussi patente. Mais que les changements mentaux sont lents !!! Bien plus que les progrès scientifiques. Et cela prouve bien la nécessité de revaloriser les sciences humaines, la réflexion et l’ouverture d’esprit qui peuvent en découler. Toutes les matières du tronc commun devraient être à égalité. La connaissance poussée de notre passé doit prendre plus de place dans l’enseignement, ne serait-ce que pour assumer nos responsabilités de citoyens et ne pas nous laisser manipuler comme c’est le cas par les pouvoirs en place, démocratiques ou non. Mais est-ce vraiment dans leur intérêt ? La discipline et la rigueur mathématiques ne sont-elles pas plus rassurantes que l’esprit de rébellion généré par la réflexion philosophique ou historique ? Il faut croire que si puisque l’année 2010 a vu la suppression de l’enseignement obligatoire de l’histoire et de la géographie dans la série S (réintroduite en 2014) ; comme si les scientifiques (mais le sont-ils vraiment tous ?) ne devaient pas avoir accès à une connaissance, elle-même porteuse d’analyse critique. Et nous allons donner des leçons de démocratie aux autres pays, du Sud de préférence. Quant à nos dirigeants, ils n'écoutent rien ni personne, et continuent allègrement le saccage de notre jeunesse, et donc de l'avenir du pays.


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