Economie : Coussins pour bulles
par Michel Koutouzis
jeudi 15 juillet 2010
« L’Europe doit se préparer pour le cas de cessations de paiements » vient de déclarer André Sapir, conseiller du président da la Commission au journal El Pais. En ligne de mire la politique toujours hasardeuse des banques. Directeur général de la BIS, Monsieur Karouana, indiquait se référant aux banques : « la perpétuation de politiques d’appui en vers ce secteur génère des dangers d’ordre éthique ». « Continuer à garder les taux très bas, cela a un prix qui ne fait qu’augmenter avec le temps : l’expérience nous prouve que garder longtemps les taux à des niveaux minuscules ajoute de l’ombre aux évaluations de probables dangers, stimulent des besoins de performances et retardent des politiques visant l’équilibre » En d’autres termes, et de manière moins diplomatique, le conseiller affirme que les banques empruntent sans fin au coût des cacahouètes et continuent à miser cet argent à des investissement de produits à haut risque puisque, de toute façon, si ça va mal cela ne leur coute pas grand-chose tandis qu’elles empochent les gains si ça va bien. Karouana « conseille » la FED et la BCE d’augmenter les taux d’intérêt envers le secteur bancaire, comme celui ci le fait vis à vis des Etats.
Les crach test devront être généralisés (de 60 à 120 institutions bancaires) et ne plus concerner que les fleurons du système (une vingtaine). « On se rendra compte dans ce cas » dit-il, « que les choses sont bien plus graves qu’on ne le croit ». Les banques devront aussi prouver leur solidité en cas de faillite de certains pays membres. Suivez mon regard : à pousser les Etats à emprunter à des taux de plus en plus élevés, c’est votre propre tombe que vous creusez. Et quel est le pays où les banques sont les plus exposées ? On s’en doutait : l’Allemagne. D’après Pricewaterhouse Coopers, les banques allemandes sont exposées à des prêts qui dépassent les 213 milliards d’euros. C’est à dire une somme qui a plus que doublé en espace d’une seule année. (2008-2009). « Il est normal que personne ne veuille parler de cela, de peur d’effaroucher le marché » poursuit le conseiller. « Mais il est plus que urgent de se préparer à partager les pertes entre pays membres, en cas de désastre ». En contradiction avec la Commission qui applaudit des deux mains la création d’un coussin par le gouvernement grec pour aider ses banques en cas de difficultés, il « s’interroge » « je ne sais pas, et je ne veux pas savoir si quelqu’un à la commission réfléchit à la répartition proportionnelle des pertes probables, mais j’ose espérer que ce quelqu’un existe ». Georges Soros proposait déjà de mettre en quarantaine l’Allemagne et ne pas accepter sa politique de rigueur quitte à ce que l’Europe s’en sépare : « la sortie de l’Allemagne de l’union monétaire pourrait sauver le reste de l’Europe » déclarait-il. Veux pieux bien sûr mais qui indique les tensions et les dangers d’une nouvelle "bulle financière" bâtie sur la politique des Etats membres envers le secteur bancaire.
En tous les cas, même si Soros s’en va en guerre contre Berlin, ses constatations ne sont pas anodines : « nous ne vivons pas une crise financière, ni même budgétaire ; ce que nous vivons c’est une nouvelle crise bancaire ». En effet, il n’y a qu’a observer la courbe des emprunts bancaires : rien qu’en Espagne les banques, en Mai - Juin ont emprunté à la BCE 85 milliards d’euros c’est à dire ce que la Grèce, pour sortir de la crise compte emprunter en trois années… Le gouvernement espagnol vient de céder par ailleurs 11 milliards d’euros (de son propre budget) aux caisses de dépôts pour éviter leur faillite due aux prêts immobiliers désormais insolvables. Yurgen Stark, membre du conseil d’administration de la BCE enfonce le clou : « un an pour rien ; nous sommes retombés à la situation où les banques ne font plus confiances les unes au autres. Elles préfèrent rendre à la BCE leurs liquidités de surplus plutôt que de le prêter à d’autre banques ». Elles ne font pourtant que suivre les conseils de la BIS : « cessez de prêter à d’autres banques de l’argent bon marché ». Le système mondial de confiance « a fini par en pâtir ».
Les « coussins » mis en place, de part et d’autre de l’Atlantique, par certains pays membres aussi, avaient comme objectif de générer de la confiance. Il semblerait que ils sont en train de créer des nouvelles paniques et à renforcer des bulles dans les quelles s’engouffre le marché, inconscient des conséquences. Le « non répondant » des prêts dénude le secteur bancaire de peu de confiance qu’il avait péniblement acquis, et annonce la énième catastrophe.