Édouard m’a tuer !

par Pale Rider
mardi 3 juillet 2018

Comment on transforme un paisible automobiliste en suspect perpétuel ; et comment le plaisir de conduire s’est mué en véritable corvée.

Il y a un an exactement, je me suis laissé tenter par une 607 Peugeot qu’un ami me vendait pour un prix… d’ami. Magnifique automobile, la plus belle que j’aie jamais eue. Un confort merveilleux, un silence extraordinaire, un sentiment de sécurité jamais atteint. Hélas, cette béatitude a été de courte durée puisque deux radars se sont intéressés à cette belle voiture, pour de petits excès de vitesse qui m’ont déjà coûté trois points.

Highway to hell

 Il se trouve que je forme mon fils en conduite accompagnée (NB : j’ai eu les félicitations du moniteur de l’auto-école avec qui je suis pleinement en phase jusque dans les subtilités de la conduite automobile). Comme je dois lui faire faire 3 000 kilomètres, je me suis dit : zut alors ! j’ai une belle voiture, et je ne vais même pas pouvoir en profiter.

 Grâce à Édouard Ier, vice-roi de Macronie, j’ai entièrement changé d’avis : je n’ai plus envie de conduire. Je regrettais aussi que mon travail actuel me cantonnât à mon domicile alors qu’auparavant je circulais assez loin pour des raisons professionnelles. Aujourd’hui, je m’en réjouis. Dans mon « château fort », je vais rester en sécurité, à l’abri, à cultiver mon jardin et à tailler mes arbres. Nous sommes revenus à la Guerre de 100 ans : les routes ne sont plus sûres, les brigands et les pièges sont partout…

Jusqu’ici, conduire était un plaisir (déjà relatif). Désormais, c’est devenu un jeu sinistre, comme Dans la vie est belle de Roberto Benigni, où on fait semblant de gagner des points dans un univers concentrationnaire ; où on a les yeux rivés sur le compteur de lenteur, sur Wase, sur le Coyote ou le Tomtom, sur les panneaux 30, 50, 70, 90 et désormais 80, où on fait tout sauf s’occuper de maîtriser son véhicule. Et je ne parle pas des chicanes, des ralentisseurs (dont certains ne sont franchissables qu’au pas), etc. Oui, c’est la guerre : il faut passer au travers des balles, des entraves et des obstacles, voilà. Édouard Ier qui, du temps où il était grand échevin du Havre, s’était fait prendre à 151 km/h dans une zone limitée à 110, sait mieux que personne qu’il nous impose quelque chose d’impossible, sauf pour lui qui a une voiture avec chauffeur et, évidemment, une impunité de fait.

 Quarante-trois années à rouler sans le moindre accrochage, bonus d’assurance au max depuis les débuts, et se laisser tyranniser par des quadragénaires immatures qui s’arrogent les pleins pouvoirs sans même passer par la représentation nationale (dont ils savent qu’elle leur est hostile), c’est intolérable. Nous sommes beaucoup à ne jamais avoir ressenti un tel sentiment d’étouffement et de dictature pour une mesure coercitive qui concerne le quotidien de chacun d’entre nous. Il faut bien soigner les traumatismes de Madame Perrichon et les actionnaires de Vinci autoroutes.

Quelques moyens de résistance

 Il va donc falloir organiser la résistance. Non pas pour avoir le droit de tuer son prochain –ce n’est évidemment pas ce que nous réclamons. D’ailleurs, si Édouard était sincère, il donnerait aux gendarmes la consigne de sanctionner les comportements et non de piéger les automobilistes pour quelques kilomètres-heures de plus. Je n’oublierai jamais ce jour où les flics étaient au bord d’une belle ligne droite plate avec les jumelles pour faire du chiffre. Au retour, j’avais vu un accident terrible : dépassement en haut de côte. Mais à ces endroits, les gendarmes ne se trouvent jamais, parce que c’est moins rentable. Cela, tout le monde le sait, tout le monde en a été témoin ; et voilà pourquoi ce 80 uniforme, que ce soit sur les routes sportives de Corse ou sur la RN 20 avec la Beauce à perte de vue, est inacceptable et inaccepté.

 Je propose donc quelques mesures simples qui, si elles sont appliquées, devraient être efficaces :

 Je plains la génération qui me suit, qui risque de vivre dans un climat de répression toujours plus asphyxiant ; je plains mes enfants condamnés aux Google cars qui piloteront à leur place sur les petites routes de la Creuse et y écraseront quelques moutons non équipés de GPS. La Macronie est l’avant-goût saumâtre d’un monde aseptisé où, peut-être, on mourra plus tard mais après une vie sans goût et entièrement télécommandée par Big Radar.

 Enfin, vous observerez l’absurdité de cette succession de panneaux que j’ai récemment photographiée : on essayera d’en rire…


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