Education nationale : témoignage sur un désastre

par Le Hérisson
mercredi 22 octobre 2008

Non, mon propos n’est pas, ici, de vous raconter « Entre les murs », de Laurent Cantet. Je voudrais juste vous dire ce que je ressens, ce que je suis en train de vivre avec mon épouse, à propos de ma fille, Juliette, qui se trouve en classe de troisième au collège.
Dimanche dernier, les enseignants, paraît-il, manifestaient. A quel sujet ? J’ai coupé le son avant d’entendre l’ensemble du commentaire de France Info. J’imagine que nos chers enseignants souhaitaient plus de moyens, comme d’habitude… Les moyens, les moyens… je ne veux pas ici disculper le gouvernement, mais, à vivre au quotidien la vie scolaire de ma fille, j’ai bien l’impression que les profs se cachent aujourd’hui derrière n’importe quoi. Et que le mot « moyen » est le petit doigt derrière lequel ils cachent leur incompétence ou, du moins, le manque de passion pour leur métier.
 
Juliette est plutôt bonne élève à l’école. Pour être exact, il est vrai que, depuis son enfance, elle a montré des signes d’enfant « hyper actif ». Attachante et demandeuse à la fois, car elle en veut toujours plus. Jusqu’à aujourd’hui, c’est-à-dire, jusqu’à la classe de troisième, son enseignement a plutôt été une réussite. Mais nous avons également noté qu’elle portait de moins en moins d’intérêt au collège alors que, paradoxalement, elle s’intéresse à de plus en plus de choses.
 
Le degré zéro de l’éducation

Depuis le milieu de la quatrième, nous sentions qu’elle se désintéressait des cours. Cela s’est accentué avec la rentrée en troisième de cette année. Nous avons donc voulu savoir. Il y a bien quelques associations de parents d’élèves en son collège. Mais, leur principale revendication, au diapason des professeurs, est que le collège manque de moyens… Ah ! Le manque de moyens. Qu’il a bon dos !
 
Le week-end dernier, j’aidais ma fille à faire ses devoirs. Je suis allé de surprise en surprise. Quelques exemples. La matière qu’elle préférait le plus était le français. Jusqu’en quatrième, elle avait loisir de s’exprimer librement en réalisant, par exemple, des rédactions sur les sujets les plus divers et le professeur avait l’intelligence de proposer des thèmes qui pouvaient passionner ses élèves. Pour être moi-même journaliste et amoureux de notre langue, je pense également que l’apprentissage du français passe d’abord par l’imaginaire, la créativité, l’art en un mot. Inutile de dire que toutes ces notions, qui me paraissent pourtant indispensables, sont ignorées superbement aujourd’hui : inutile d’apprendre le français en cultivant la créativité d’un élève. Il faut, au contraire, lui faire entrer dans le crâne des histoires de subordonnées et autres conjonctions de je ne sais quoi, que nul auteur, ni écrivain, n’a jamais pris au sérieux ! Ainsi, l’enseignement de la langue française se résume à une histoire mécanique sans intérêt et qui décourage les élèves : le degré zéro de l’éducation, c’est-à-dire l’abandon de toute passion dans ce que l’on fait.
 
Histoire des enjeux du XXe siècle : connais pas !

Juliette s’intéresse aussi, entre autres, à l’histoire. Au programme de son année figure le XXe siècle. Nous lui avons fait réviser, le week-end dernier, ce qu’elle était censée apprendre sur la révolution russe de 1917. Là aussi, j’avoue que nous avons été assez abasourdis. Ce qu’elle avait à apprendre se résume à une suite de dates, sans rapport, les unes entre les autres. Nicolas II, Lénine, Staline… A aucun moment, le professeur n’a daigné resituer ces événements dans l’histoire même du XXe siècle, marqué, comme chacun le sait, par l’affrontement meurtrier entre les trois philosophies politiques : marxisme, fascisme, capitalisme… Une suggestion idiote : Alexandre Soljenitsyne est mort l’été dernier et Juliette m’avait alors demandé des renseignements sur cet écrivain quand les médias se sont fait l’écho de son décès. La moindre des choses, pour un professeur d’histoire, qui souhaite captiver son auditoire, n’aurait-elle pas consisté à resituer l’histoire de la révolution russe au regard de cet événement ? Que nenni. L’enseignant n’avait que pour but de faire ingurgiter des dates, tel un gavage d’oies. Quant au reste, au respect des élèves, à leur émancipation par l’éducation ou la culture, il semble bien que l’éducation nationale s’en fiche royalement…
 
La réunion avec les professeurs : les matons de l’Education nationale
 
Aujourd’hui était organisée une réunion entre les professeurs de la classe de ma fille Juliette et les parents. J’avoue piteusement que j’ai évité de m’y rendre par peur d’emportement. C’est donc mon épouse, au demeurant fort tolérante et conciliatrice, qui s’y est rendue. Elle en est revenue catastrophée ! A toutes les questions posées, la réponse est simple : les profs et les programmes ont toujours raison ! Et si jamais ils ont tort, c’est le gouvernement qui est responsable… Elle a bien essayé de faire comprendre aux professeurs (tout en prenant les précautions nécessaires oratoires face à cette armée de « pédagogues ») qu’il importait aux enseignants d’enseigner la passion, que c’était avant tout ce que notre fille demandait, que c’était même la condition de sa réussite, de sa joie de venir apprendre chaque jour… Ce à quoi, les enseignants, tous aussi décourageants les uns que les autres, y compris la principale, lui ont répondu : programme, rien que le programme… Quant à l’intérêt de l’élève, son épanouissement, il semble que les enseignants ne savent plus ce que cela signifie… Leur unique objectif est que les élèves se tiennent tranquilles, comme s’il s’agissait de jeunes enfermés dans une prison.
 
Je suis aujourd’hui un parent « désastré »… Quand on aime ses enfants, que l’on souhaite qu’ils se passionnent à apprendre (alors qu’ils en manifestent l’envie), on s’aperçoit très vite que le système éducatif met tout en œuvre pour les décourager. Chaque maillon, à commencer par les professeurs, est responsable de cette situation. Si, moi-même, dans mon métier, je faisais preuve de si faible motivation, je changerais vite de métier.
 
Mesdames et Messieurs les professeurs, devant un tel désastre, qu’attendez-vous ? Avez-vous seulement lu, Madame le professeur de Français, Chagrin d’école de Pennac ? Je ne le crois pas. Quand je vois que ma fille souffre de vos faiblesses, j’ai envie de hurler vos règles de français obsolètes !

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