Électeurs de François Hollande, avez-vous compris ?
par LilianeBaie
vendredi 28 décembre 2012
C'était si tentant de le croire, ce candidat de gauche qui allait nous délivrer de l'ennemi du peuple qu'est la finance. Il a été élu pour nous débarrasser du Président des riches, mais certains ont espéré du même coup qu'il serait le Président du Peuple. Ils se sont trompés. Est-ce vraiment une surprise ?
Nous sommes un certain nombre à vous avoir prévenus. Mais quelques voix tentant d'ouvrir les yeux sur la position droitière du PS valaient peu en face d'une machine médiatico-politique qui fait tout, depuis des décennies, pour vous convaincre du contraire, faisant miroiter à chaque instant le mirage d'une prétendue alternance.
Donc, pour aider ceux qui hésitent encore, décryptons la doxa qui s'est infiltrée dans (presque) chaque chaumière :
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« On ne peut pas s'opposer à l'économie de marché »... A part que toute activité humaine peut être régulée, et que l'arsenal législatif est là pour ça, ou doit être modifié pour le faire. Notons d'ailleurs que, sans régulation, dans quelque domaine que ce soit, c'est le plus fort qui gagne. Nous le constatons, hélas, tous les jours, dans la lutte effroyable que la finance mène contre les populations. La droite ne veut pas de régulation. La gauche devrait tout faire pour freiner l'appétit sans limite des plus riches. Or...
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« L'UMP et le PS sont les seuls partis de gouvernement »... A part que, si l'on considère qu'un parti n'est « de gouvernement » que parce qu'il a gouverné, cela veut dire que nous n'aurions, jusqu'à la fin des temps, que ces deux alternatives ! Heureusement que l'histoire a prouvé abondamment qu'un parti devenait de gouvernement à partir du moment où il a le pouvoir. Point. Cela me rappelle ce que l'on disait de Dominique Strauss-Kahn avant ses mésaventures hôtelières « Il a la stature d'un homme d’État ». Il l'a prouvé... On peut énoncer qu'un parti (ou un homme) est "de gouvernement" quand il a participé à un gouvernement : ce n'est pas une qualité, c'est un fait.
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« Ne pas soutenir le PS quand on est de gauche, c'est promouvoir le Front National »... Celle-là, en tant que formulation perverse, elle est parfaite. Dénoncer la dérive droitière du PS reviendrait à soutenir des idées d'extrême-droite ? Ceux qui croient cela, et qui, malheureusement, votent PS à cause de cela, oublient que chaque voix qui se porte sur le candidat d'un parti, c'est une voix de plus pour ce parti, et donc une parcelle de pouvoir de plus pour ce parti. Le reste est littérature et manipulation d'opinion. Le spectre savamment entretenu du choix Le Pen-Chirac sert d'épouvantail toujours réactivé. C'est dramatique que tant de personnes se laissent contaminer par ce leurre. En réalité, plus l'électorat populaire votera pour ceux qui le défendent, moins le risque d'une droite radicale sera présent. Je suppose juste que, si des personnes de droite quittent l'UMP, c'est parce qu'elles sont insatisfaites de ses prestations. Et on les comprend. S'il n'y avait pas une telle diabolisation du Front de Gauche peut-être qu'un certain nombre de ces déçus ne voterait pas contre eux-mêmes (ou cesserait de s'abstenir) et le rejoindrait.
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« Les Grecs se sont engraissés et ont profité du système, maintenant, c'est normal qu'ils paient l'addition »... A part que ce ne sont pas les mêmes, ceux qui paient l'addition, et ceux qui ont abusé du système. Pour ces derniers, ne vous inquiétez pas, ils sauront rebondir, même dans un pays en faillite.
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« Si les banques s'effondrent, l'économie aussi, et c'est la récession, qui conduit à un appauvrissement généralisé. Il faut donc, en premier, sauver les banques ». Mais non : si les banques s'effondrent, l’État peut les nationaliser et repenser l'économie, notamment en gelant le remboursement des dettes. Ce sont surtout les actionnaires et les gros épargnants qui y perdront. En revanche, il faudrait que l'on m'explique comme programmer l'appauvrissement des peuples, et l'assèchement de l'économie, donc la récession, va empêcher ces deux fléaux de s'installer durablement ? C'est traiter le mal par le mal ? Du genre, on ne pourra pas aller plus bas ? Mais si, on pourra aller plus bas. Alors les banques n'investiront plus dans quoi que ce soit : elle se contenteront juste de racheter les biens publics pour une bouchée de pain, et de les faire fonctionner avec des salariés mercenaires payés au lance-pierre...
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« L'inflation, c'est le mal absolu ! A éviter par tous les moyens ! ». C'est surtout vrai pour les possédants, les actionnaires des fonds de pension... Pour les autres, les petits, que l'argent ait moins de valeur, ou qu'ils en gagnent moins ne fait pas une énorme différence. Mais de vrais économistes peuvent m'expliquer que j'ai tort sur ce point, je serai intéressée d'avoir leurs arguments.
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« Il faut faire alliance avec l'Allemagne, qui est la locomotive de l'Europe ». A part que l'Allemagne n'a pas une politique pro-européenne, mais pro-allemande. Ceci dit, personne dans l'Europe ne met les intérêts de l'Europe avant ceux de son propre pays. Ah, si, la Commission Européenne, et les dernières créations de l'Empire, TSCG, MES, règle d'or, FMI, BCE... Donc, en fait, les marraines d'une Europe au service de la finance sont nombreuses, et le Parlement Européen, seul lieu où siègent les représentants des peuples d'Europe, a fort peu de marge de manœuvre. Si la France avait pris le parti d'une politique d'union politique socialiste avec les chefs de gouvernements qui prétendent l'être, un changement d'optique de la construction européenne aurait pu voir le jour, avec une opposition au développement du pouvoir de la finance, et un retour à des principes démocratiques(cependant, sur la liste des chefs de gouvernements européens, on voit beaucoup de « sociaux-démocrates » : s'ils sont sociaux-libéraux, comme chez nous, cela n'aurait pas marché de toute façon). Avec le vote du TSCG et du MES, c'est l'inverse qui s'est passé : un boulevard a été ouvert aux banques, qui, sous la couverture de la Troïka, vont dicter les politiques de destruction des systèmes de protection sociale et de redistribution. Merci qui ? Merci François Hollande.
J'hésite à aller plus loin, à propos des reculades (ou de l'immobilisme) du gouvernement en matière de politique « socialiste » : le SMIC, les retraites, l'emploi, l'industrie, les Roms, la non-séparation des activités de dépôts et de spéculation des banques, la sécurité, la psychiatrie... Mais on ne tire pas sur une ambulance : encore moins sur un corbillard !
Cet article a paru aussi sur Mediapart.