Elections : abstention abyssale, quelles peuvent être les causes et que faire ?

par Daniel MARTIN
mercredi 30 juin 2021

Comme pour les élections municipales, à l’issue des élections régionales et départementales, la classe politique n’a cessé de déplorer dans son ensemble l’abstention abyssale, pour laquelle les oppositions de droite et de gauche ont rendu responsable le Président de la république et son gouvernement. Mais est-ce la seule explication qui vaille pour justifier ce "séisme civique" ?

Avec un tel taux d’abstention abyssal, un véritable « désastre civique »

Après celui des municipales, le naufrage démocratique était si fort au premier tour des élections régionales et départementales que la très légère amélioration au second paraît logiquement cosmétique. Avec 65 % d’abstention au second tour, contre 66 % au second tour, la crise démocratique aux élections territoriales a été tristement confirmée. Rien n’y a fait. Ni les appels à la mobilisation de l’ensemble des candidats, tous persuadés de pouvoir trouver leur salut chez les abstentionnistes. Ni la campagne du gouvernement sur les réseaux sociaux à l’adresse des plus jeunes électeurs, qui sont aussi les plus absents.

Comme au premier tour, les commentaires ont tourné sur les résultats des partis. LR et PS gardent leurs régions. Contrairement à ses espoirs, le RN n’en gagne aucune et enregistre un net reflux. Ce parti a enregistré presque moins de 10 points qu'en 2015, année où il était en tête dans cinq régions au soir du premier tour. Contrairement à ce que ses dirigeants affirme, la forte abstention n’explique pas tout.

Pour LREM ce fut une déroute, car presque toutes leurs listes furent éliminées au soir du premier tour. Éliminées dans les Hauts-de-France, en Auvergne-Rhône-Alpes et en Occitanie, à peine à plus de 10 % dans les autres régions au premier tour et encore moins au second tour, lorsque les listes LREM se sont maintenues. Les listes de LREM et de ses alliés ont connu un sévère désaveu, leur ôtant ainsi toute possibilité d'être « faiseur de roi ».

LREM se voulait toutefois modeste, espérant recueillir 15 % des voix, peut-être même davantage dans certaines régions, comme certains sondages optimistes le prédisaient. Las : le parti présidentiel n'a convaincu qu'environ 10 à 11 % des électeurs qui se sont déplacés aux urnes et encore... Sans réelle implantation sur le terrain, dans les faits, ce parti n’est resté qu’une « écurie présidentielle » au service d’Emmanuel Macron.

Etat des lieux après une abstention abyssale

Comme au soir du premier tour, on ne parle désormais de l’abstention que pour la regretter, avant de passer à autre chose, c’est à dire aux résultats obtenus par chacun en pourcentage qui est marqué par une Prime aux sortants aux sortants LR ou PS dans la plupart des régions.

Malgré la très faible participation, les résultats du premier tour qui donnaient une vraie prime à la plupart des sortants LR ou PS se sont confirmés au second tour. LR conserve ses 7 régions de la métropole, mais en perd une dans les DOM- TOM avec la Réunion qui bascule à gauche. Le PS conserve ses 5 régions en métropole et en gagne une dans les DOM-TOM avec la Réunion. Les barons locaux, Xavier Bertrand LR dans les Hauts-de-France, Laurent Wauquiez LR en Auvergne-Rhône-Alpes, Carole Delga PS en Occitanie, Valérie Pécresse LR en Ile-de-France, Alain Rousset PS en Nouvelle Aquitaine ou Renaud Muselier en PACA, même si ce fut plus difficile pour lui où le front républicain face au RN a quand même fonctionné, tous ont obtenus leur réélection à l’issue du second tour des élections régionales.

Elu(e)s, certes légalement, mais que dire de leur légitimité ?

Si les dernières élections territoriales (municipales, départementales, métropolitaines régionales ) illustrent bien la situation, où un très fort taux d’abstention et quel que soit le résultat obtenu par le vainqueur en fonction du nombre de listes maintenu au second tour, il sera certes légalement élu et aura toute latitude pour faire ce qu’il souhaite pendant la mandature, se servant parfois du programme électoral de sa campagne électorale comme « paravent », mais que dire de sa légitimité ?...

Selon les oppositions de droite et de gauche, l’abstention serait imputable au seul président de la république et à son gouvernement, mais n’est-ce pas un raccourci trop simpliste ?

Pour la petite histoire, bien que démentis cette fois encore, les sondeurs n’en formulent pas moins de nouvelles prédictions pour la présidentielle, ce qui satisfait évidemment les responsables politiques que cela arrange avec la fin du « nouveau monde » de Macron , ainsi prévu ... Le même Emmanuel Macron président de la république et son gouvernement, que les oppositions de droite et de gauche rendent comme seuls responsables de cette abstention abyssale, oubliant au passage leur rôle joué pendant plusieurs décennies entre « affaires » et promesses non tenues. Mais cela ne sauraient pour autant masquer les actuelles erreurs et parfois mépris affiché par l’actuel Président de la république qui a quand même du gérer une crise sanitaire dans des situations difficiles, pour laquelle, malgré quelques contradictions dans les mesures prises, d’autres auraient-ils pu faire mieux ?...

Par ailleurs, pour justifier la responsabilité du gouvernement et du président de la république, certains font observer que depuis 2017 il n’y a pas eut une élection avec plus de 50 % de votants. C’est oublier qu’au 1er tour des régionales de 2010 il n’y avait que 46, 33 % de votants et bien que les 50 % soient frôlés au premier tour en 2015, avec 49,91 de votants, les 50 % ne furent donc pas dépassés.

Il faut que la classe politique Française se rende à l’évidence : Depuis des années, la vie politique Française, comme celle des pays voisins doit se plier aux diktats de la mondialisation économique et du monétarisme où veille la Bourse et les agences de notation ont pris le pouvoir économique et financier. Les Etats de l’UE perdant le contrôle du pouvoir bancaire au profit de la banque centrale Européenne et des banques privés pour l’octroi des prêts sur les marchés financiers. Mais aussi aux exigences de l’Union européenne, dont les dirigeant(e)s ne sont pas élu(e)s, mais simplement désignés par les gouvernements de l’UE à la suite de « marchandage de tapis », même si le parlement Européen est consulté et doit donner son accord. Si on y ajoute le « mille feuille à la française qui est une exception en Europe par le nombre de communes avec des enchevêtrements de compétences entre communes, intercommunalités ou métropoles, départements, régions, parfois totalement incompréhensibles par nos concitoyens « la messe est dite »...

Mettre un terme au « mille feuilles » à la Française, Une urgence !

Concernant le nombre de communes, il faut rappeler que la France est le pays qui compte le plus de communes en Europe ( près de 50% des communes de l’Union européenne). Au 1er mars 2021, la France compte 34 965 communes dont 34 836 en France métropolitaine et 129 dans les DOM.

A titre de comparaison, l’Allemagne Fédérale qui avait 24272 communes en 1952 est passée depuis la réunification à 11 197 en 2013 (83,16 millions d’habitants en 2016). L’Italie a 8092 communes en (61 millions d’habitants). L’Espagne avec 46,6 millions d’habitants a 8109 communes. La Pologne 38,6 millions d’habitants compte 2459 communes. 581 communes en Belgique pour une population de 11,5 millions d’habitants. Il en va ainsi pour tous les autres pays de l’Union Européenne.

Avec environ 17 000 communes françaises de moins de 500 habitants en 2021, cela représente pratiquement la moitié des communes de l'Hexagone mais à peine un tiers du territoire et seulement 6 % de la population, Dans certains départements, ce sont même 8 ou 9 communes sur 10. Plus de 2500 communes ont moins de 100 habitants, plus de 5 000 ont entre 100 et 200 habitants et environ 10 000 entre 200 et 500 habitants. La population médiane d’une commune française est de 423 habitants contre, par exemple, 2300 en Italie et 11 000 en Belgique.

Si le nombre de certaines de ces petites communes a toutefois diminué depuis quelques années, c’est du essentiellement au fait qu’elles ont fusionné avec d’autres où, par leur urbanisation, elles ont franchi le seuil des 500 habitants, mais cela ne modifie en rien la configuration générale.

Les Intercommunalités

Au 1erjanvier 2021, la France métropolitaine et les départements d’outre-mer (DOM) comptent 1253 EPCI à fiscalité propre, soit un de moins qu’en 2020. Depuis la forte réduction (-39%) du nombre de ces structures au 1erjanvier 2017, liée à la mise en œuvre des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) prévus par la loi NOTRe, la carte intercommunale ne connaît que quelques changements marginaux chaque année.

Les 1 253 EPCI à fiscalité propre se compose de 21 métropoles, 14 communautés urbaines, 223 communautés d'agglomération et 995 communautés de communes. Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont des regroupements de communes ayant pour objet l'élaboration de « projets communs de développement au sein de périmètres de solidarité ». Ils sont soumis à des règles communes, homogènes et comparables à celles de collectivités locales.

Regrouper par fusion les communes et supprimer les intercommunalités

Il faut ramener leur nombre à environ 10 000, voire moins et supprimer les intercommunalités en tant communautés d’agglomérations et communautés de communes, seules seraient maintenues les 21 métropoles et 14 communautés urbaines. Les intercommunalités supprimées n’étant plus que des « communautés de projets ». Les maires, reprendraient les compétences qui leur avaient été retirées et attribuées à ces intercommunalités... Les « communautés de projets » perdant leur statut d’EPCI à fiscalité propre ne pourraient plus prélever des impôts locaux. Pour des réalisations c’est le principe de mutualisation et solidarité par les communes qui prévaudrait (chaque nouvelle commune participe financièrement à partir de son propre budget). Ainsi, rien n’empêcherait que ces « communautés de projets », éventuellement élargies, continuent de gérer les services à la population les plus coûteux  : Eaux, assainissement, ordures, développement des infrastructures de transport, ainsi que certains grands équipements sportifs ou culturels.Les nouvelles communes participant financièrement au prorata de son nombre d’habitants.

Revenir à des régions géographiquement et culturellement plus cohérentes, et plus accessibles pour les citoyens

Quelles que soient les raisons de l’abstention aux élections territoriales, mécontentement à l’égard de l’offre politique ou manque d’intérêt pour un scrutin perçu comme insignifiant, n’est-ce pas en réalité le fonctionnement de la vie locale, censée répondre au besoin de proximité, qui est contesté ?... Redessinées en 2015 autour des grandes métropoles, les nouvelles grandes régions sont peut-être mieux adaptées aux enjeux de l’économie que les anciennes, mais leur taille a contribué à éloigner le citoyen des élu(e)s. Le fonctionnement des assemblées régionales reste opaque et peu adapté à la demande de participation citoyenne sur des sujets qui touchent pourtant de près à la vie quotidienne, au premier rang desquels les mobilités avec les transports, l’environnement, les établissements scolaires...

Avec la création de 13 régions, au lieu des 22 existant en France Métropolitaine on a parfois obtenu des résultats inverses à ce que l’on pouvait espérer. Il est vrai que les 22 régions Métropolitaines d’alors et leur contour géographique, souvent fantaisiste pour certaines d’entre elles, justifiait d'être redécoupées de manière à obtenir un résultat le plus possible consensuel par une cohérence territoriale qui soit en adéquation avec celui des aspirations des populations et de son histoire, mais aussi avec les nouvelles contraintes écologiques. Le bilant est aujourd’hui loin d’être satisfaisant.

Le résultat espéré du redécoupage aurait du permettre de maintenir des régions de tailles très hétérogènes. A cet effet, on pouvait imaginer des régions s’appuyant, pour certaines, sur les découpages des provinces de l’ancien régime... avec quatre, cinq départements actuels au maximum, et des régions à deux départements Alsace, Savoie, ou des collectivités territoriales plus petites encore se complétant avec leurs homologues frontalières Catalogne, Pays Basque français… Ce qui n’aurait pas pour autant créer une situation prêtant le flan à des résurgences de nationalismes régionaux…

Mais, la nouvelle carte des Régions fut préparée par une poignée de hauts fonctionnaires de « l’Enarchie » ministérielle sur les seuls critères de compétition économique Européenne, ou encore pour mieux favoriser les investisseurs Chinois comme l’avait indiqué le Ministre de l’époque en charge du dossier Mr. Vallini, alors que les citoyens, comme les élu(e)s locaux furent furent tenu(e)s à l’écart et interdit(e)s de consultation, ce qui relevait d’un déni de démocratie.

L’idée qui prévalait était de fusionner des régions riches et des régions moins riches pour réaliser un ensemble « fort » est tout aussi absurde qu’inopérant que de fusionner deux régions plus pauvres pour en faire une seule « plus compétitive »… Prenons l’exemple de la fusion Auvergne- Rhône Alpes, les choses sont claires. Le Conseil Régional est installé à Lyon, avec les élus et le personnel Régional, ainsi qu’un grand nombre de services, y compris dans le domaine médical et social. Outre l’absence de cohérence territoriale et culturelle, quel rapport entre la Savoie et le cantal ? Cela n’a certainement pas empêché la désertification de certains secteurs d’Auvergne qui se fait au profit de la région Rhône-Alpes et de Lyon en particulier. L’Auvergne avec des zones désertifiées par les transports ferroviaires, lorsque les populations ont besoin d’un service un peu pointu, notamment sur le plan médical ils doivent toujours courir à Lyon. Au lieu de faire des économies, cela coûte d’ailleurs plus cher, car il faut payer des transports supplémentaires. Avec augmentation importante des déplacements médicaux par VSL, la sécu n’a qu’à bien se tenir...

Revenir à des découpage de régions territorialement et culturellement plus cohérentes, au plus près des citoyens, donc plus nombreuses et de taille inférieure implique aussi la suppression des départements

Il faut faire la distinction entre la notion du département district administratif d’Etat et le Département collectivité territoriale. Les Préfets et les services de l’Etat ne seraient pas concernés par la réforme, ce sont les conseillers généraux qui le serait par leur suppression. Les départements ne seraient plus des collectivités territoriales. Les fonctionnaires territoriaux des départements actuels qui connaissent le terrain continueraient à exercer les mêmes compétences, mais pour le compte de la Région, ou des nouvelles communes. Par contre les économies à prévoir sur les indemnités des conseillers généraux, de leurs collaborateurs et sur les frais de fonctionnement des conseils généraux qui sont de l’ordre de 11 Milliards d’euros environ par an, une très grande partie de cette somme serait une économie importante faite annuellement sur le budget de l’État…

Parmi les transfert de compétence, et par soucis de simplification, si l’entretien des écoles primaires serait à charge des nouvelles communes, comme les collèges et à l’instar des lycées l’ensemble de ces établissements d’enseignement scolaire relèveraient de la compétence régionale. Si l’ensemble du réseau routier devrait relever de la compétence de l’État pour les autoroutes, tout le reste du réseau routier relèverait de la compétence des régions.

Pour conclure

Le séisme démocratique qui vient de se produire lors des dernières élections territoriales n’est pas forcément transposable à l’élection présidentielle. Mais, pour les parties en présence, la persistance d’une forte défiance à l’égard des représentants politiques constitue un avertissement. La gauche et surtout la droite ont beau rêver d’un retour dans le jeu, la faiblesse de leur projet et l’absence d’une procédure actée de départage entre ses prétendants les maintiennent pour le moment dans une situation de grande vulnérabilité, comme LREM, d’ailleurs.


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