Élections locales et spéculations nationales

par Paul ORIOL
jeudi 1er juillet 2021

Les élections municipales et régionales sont accompagnées de commentaires avant, pendant et après, qui visent plus à orienter l’opinion publique qu’à l’éclairer.

Dés le départ, ces élections ont donné lieu, avec l’aide des sondages, à des pronostics sur les résultats, ce qui est compréhensible mais toujours avec l’arrière pensée de la présidentielle. De la part des partis, des sondages, des commentateurs. Avec de grandes erreurs, largement partagées : l’importance négligée des abstentions ; une poussée du RN qui n’a rien conquis et perdu des voix ; une inversion du rapport EELV-PS, prolongeant le succès des municipales qui n’a pas eu lieu !

Tout le monde sait que la participation aux élections diminue depuis des années et surtout aux élections locales. Lors du second tour, au niveau national, le pourcentage des abstentions s’élevait à 65,31 % en 2021, contre 41,59 % en 2015. Si on ajoute les votes blancs 2,57 % et les votes nuls, 1,62 %, ce sont 69,5 % des inscrits sur les listes électorales qui n’ont pas participé à la dernière consultation. Pour être complet, il faudrait compter aussi les personnes non-inscrites ! Les abstentionnistes sont, depuis des années, le premier parti de France qui ne cesse de croître.

Devant ces faits, la légitimité de la démocratie représentative réellement existante est mise en question par les commentateurs quelques instants puis les choses reprennent leur cours normalement. Il faudrait ajouter à ce désamour la grande lune de miel en pleine expansion de la presse écrite et audiovisuelle avec les puissances de l’argent. Qui a conquis un nouvel espace avec l’information biaisée en continue. La représentation de la population malmenée associée à une information biaisée que reste-t-il de démocratique dans la démocratie réellement existante ?

Les compétents, politiques, commentateurs, sondeurs, après avoir fait preuve de leur expertise, s’empressent de faire à nouveau des prévisions pour l’élection présidentielle qui aura lieu dans un an, sans tenir compte des erreurs passées. On peut considérer cela comme une addiction ou un service obligatoire à rendre pour justifier leur rémunération.

Les compétents ont présidentialisé ces élections en mettant des candidats qui se veulent présidentiables et souvent des questions qui ne sont du ressort ni des conseils départementaux, ni des conseils régionaux mais de la présidence ou du parlement. Ils se sont livrés à leur sport favori, le concours de pronostic pour une élection qui n’était pas unique mais mais faite d’une élection par département et par région. Les résultats et l’échec connu de leurs prévisions, ils ont repris leur concours avec, même, un sondage pour la présidentielle le soir des résultats !

Il se trouve que ceux qui ont voté, semblent avoir voté à des élections départementales et régionales. Pour des personnes ou des listes qu’ils connaissaient, plus ou moins. Les résultats ont été plus favorables aux sortants qui, le plus souvent, ont été reconduits. Rien d’étonnant à ce que les partis qui n’avaient pas d’implantation locale se retrouvent aussi nus à l’arrivée qu’au départ. Malgré le battage fait autour d’eux.

Le RN ne fait pas la percée annoncée, ne conquiert aucune région mais perd des voix par rapport au FN lors de élections régionales précédentes, en nombre absolu comme en pourcentage et voit le nombre de ses élus diminuer fortement : en 2015, le FN avait obtenue 6,8 millions de voix (40,24%) et 358 sièges. En 2021, le RN obtient 2,9 millions (19,5 %) et 252 sièges.

La REM n’a pas évité le sinistre en partie annoncé , malgré la mobilisation de plusieurs ministres : il fut un temps, ancien, ou un ministre battu démissionnait… Aujourd’hui, il reçoit la médaille des braves, il a osé, il n’a pas eu peur du ridicule…

Dans l’hexagone, la répartition des conseils régionaux entre mal élus de droite et de gauche n’a pas changé. La droite classique a conservé ses acquis malgré la présence de l’extrême droite et de la REM. A gauche, c’est plus souvent une union de tout ou partie de la gauche qui a permis de sauver l’essentiel. Même si , en Occitanie, la sortante a bien obtenue sa reconduction sans faire d’alliance ni avec EELV, ni avec LFI. Outre-mer, 3 nouveaux présidents de région et collectivités territoriales ont été élus à la Réunion, à la Martinique et en Guyane qui ont connu une alternance mais les commentateurs les oublient le plus souvent.

Contrairement à ce que pouvait faire espérer le succès aux municipales, EELV n’a pas réalisé une nouvelle percée, en emportant la direction d’une région. Mais, grâce à des listes unitaires de configuration variable, EELV a obtenu au niveau départemental et régional plus de sièges que dans les conseils sortants, confirmant une progression dans son implantation locale. Les attaques de la droite contre quelques mesures des nouvelles municipalités qui ont fait du bruit et contre l’alliance avec les extrémistes ont pu jouer. A gauche, événement électoralement peu important mais historique, le PC a perdu la dernière assemblée départementale qu’il présidait.

Les jeunes et les plus défavorisées sont ceux qui, traditionnellement, votent le moins mais la tendance s’est cette fois accentuée. Sans vouloir interpréter l’orientation de votes qui ne se sont pas exprimés, la participation moindre des jeunes doit avoir son importance dans le non renouvellement des conseils.

Reprenant leurs mauvaises habitudes, à partir des résultats, les compétents tirent des conclusions sur la présidentielle de 2022, où le nombre de votants sera plus élevé même s’il n’atteint pas les sommets. Ils ne savent pas quels seront les candidats, ni les circonstances politiques de cette consultation, ni même la situation sanitaire qui n’est pas sans conséquence sur le déplacement des citoyens… Cependant, les spéculations hasardeuses vont continuer à structurer le débat et, aussi, à l’orienter.

Hier on ne savait pas qui, un ou plusieurs, serait candidat pour la droite à la présidentielle, Seul Xavier Bertrand avait annoncé que sa candidature dépendait de ses résultats à la régionale. On ne savait pas qui serait candidat pour la gauche, éventuellement pour EELV. Ces élections n’ont servi de primaire pour personne, rôle que les compétents voulaient leur faire jouer. Et rien n’a changé quant à la candidature d’Emmanuel Macron ou à celle de Marine Le Pen : même si certains les pensent affaiblis par ces élections locales qui ne préjugent en rien du comportement de l’électorat à la présidentielle.

En quoi les candidats, élus ou non, les commentateurs… ont-ils éclairé les citoyens sur le rôle, la place, les politiques des départements, des régions. Sur l’importance de la participation électorale ?

La seule conclusion de ces élections semble être que la démocratie ne se porte pas mieux aujourd’hui qu’hier.

 
 

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