On l’a vu pour l’électricité : "Ces nouvelles dispositions apporteront des bénéfices réels en termes de concurrence, de prix et de compétitivité", annonçait en 2001 Loyola de Palacio,
commissaire européenne chargée de l’énergie, se félicitant par avance
de la fin des monopoles publics. Libéralisation en deux temps, d’abord
pour les entreprises, puis récemment pour les particuliers. On comprend
que ces derniers ne se bousculent pas : un changement d’opérateur
interdit définitivement de revenir au tarif régulé et l’expérience des
professionnels ayant sauté le pas est édifiante. Alléchés par un tarif
du MégaWatt/heure proposé à moins de 30 euros, alors qu’il était
réglementé à 33 euros, ceux qui ont sauté le pas ont vu ensuite leur
facture augmenter chaque année. Et pas qu’un peu : plus de 60 euros en
2005 ! On se demande pourquoi ce désastre n’a pas empêché de poursuivre
dans la même voie et d’étendre la libéralisation aux particuliers.
C’est bien que le dogmatisme économique sévit à Bruxelles comme dans la
droite française - et une bonne partie de la dite "gauche socialiste".
Quand bien même les exemples étrangers devraient inciter à la prudence
: "En Suède, les prix durant les hivers rudes flambent de 250 %. En
Californie entre 2001 et 2002, la facture électrique a explosé et les
Californiens ont été soumis à des coupures sauvages", écrit par exemple François Soult dans son ouvrage EDF, chronique d’un désastre inéluctable. Hervé Laydier livrait pour Attac-Rhône en juillet 2005 une analyse imparable : "En
fait, les offres des différents producteurs ne différent en rien des
paquets de lessives des rayons de nos supermarchés : produits
identiques mais emballages « marqués ». Du coup, les budgets « force de
vente, communication et marketing » explosent afin de gagner des parts
de marché et de relooker son image ! Les vendeurs de vents font
fortunes, les médias encaissent le prix de leur allégeance et des
millions d’euros sont dépensés pour élargir le marché en réduisant à
néant les maigres efforts visant à limiter la consommation. Et tout
cela, c’est le client qui en payera le coût ! Cette multiplication de
dépenses touche aussi les infrastructures puisque chaque entreprise
développe son réseau de vente, ses centres de recherches, ses plate-formes d’appels téléphoniques, etc. En fait, la concurrence risque fort
de coûter plus chère que le monopole du fait de ces gaspillages
inutiles. Ainsi, le secteur électrique pourrait reproduire le système
libéral de santé américain qui coûte deux fois plus cher aux citoyens
que notre archaïque caisse nationale d’assurance maladie ! Mais
esquisser cette interrogation dans les médias semble tabou. La croyance
dans une concurrence qui fait baisser les prix ne doit surtout pas être
remise en cause !"
Cette
explication des hausses de tarifs liées à la libéralisation s’applique
parfaitement aux renseignements téléphoniques. L’organisation de
défense des consommateurs UFC-Que Choisir a ainsi publié mardi les
résultats de son enquête réalisée auprès des quatre opérateurs se
partageant plus de 90 % du marché de feu le 12 : 118 218 (Le Numéro),
118 000 (Telegate), 118 712 (Orange) et le 118 008 (Pages Jaunes). Elle
en livre les conclusions dans un communiqué au vitriol, titré Un vrai fiasco ! Il constate "une augmentation de 25 % pour une qualité de service similaire" en ce qui concerne les téléphones fixes et "entre 1,54 euro et 2,15 euros" pour les mobiles, dénonce "l’opacité tarifaire la plus totale" qui aboutit à ce que "les prix affichés ne correspondent jamais au prix réel du service" et accuse "l’arnaque de la mise en relation" : "les
opérateurs 118 ajoutent des pièges tarifaires absolument invisibles sur
les services associés. La mise en relation est systématiquement
gratuite mais la communication qui suit est surtaxée à 0,11, 0,22, ou
0,34 euro/minute selon l’opérateur. Ainsi, pour un consommateur abonné
à SFR qui appelle le 118 000 puis accepte la mise en relation et
téléphone 5 minutes, il lui en coûtera : le prix du service de
renseignement et le prix de la communication mobile soit 2,15 euros
puis après la mise en relation la surtaxe du 118 sur toute la durée de
l’appel ainsi que le prix de la communication mobile sur cet appel,
soit 3 ,97 euros pour un total de 6,15 euros et donc un prix/minute de
1,04 euro !". UFC-Que Choisir proteste enfin contre "une valse d’augmentations de prix" : "Alors
que tous les opérateurs avaient promis de modérer et de stabiliser
leurs prix, tous, en catimini, font supporter aux consommateurs des
hausses de prix à répétition". La solution pour ces derniers ? "Se tourner vers le 12, c’est-à-dire le 118 711, soigneusement maintenu dans l’ombre des campagnes publicitaires".
Tout est résumé dans cette dernière phrase : France Télécom communique
sur le 118 712, son numéro Orange qui rapporte, mais fait silence sur
celui à prix encadré, le plus intéressant pour le consommateur. Vive la
publicité, vive la privatisation, vive le marché !
Illustration empruntée au syndicat SUD-PTT.