Electricité, renseignements téléphoniques : vive la privatisation !

par Olivier Bonnet
vendredi 20 juillet 2007

Grand classique de la pensée unique qui veut que du libéralisme viennent tous les bienfaits, le postulat que la privatisation d’un service public serait profitable à l’usager. Forcément, nous assène-t-on : au lieu d’engraisser une armée de fonctionnaires payés à ne rien faire, le passage au secteur privé et sa fameuse concurrence libre et non faussée aurait pour effet de faire baisser les prix et d’augmenter la qualité du service, conditions nécessaires à la conquête du marché. Sauf que c’est faux.

On l’a vu pour l’électricité : "Ces nouvelles dispositions apporteront des bénéfices réels en termes de concurrence, de prix et de compétitivité", annonçait en 2001 Loyola de Palacio, commissaire européenne chargée de l’énergie, se félicitant par avance de la fin des monopoles publics. Libéralisation en deux temps, d’abord pour les entreprises, puis récemment pour les particuliers. On comprend que ces derniers ne se bousculent pas : un changement d’opérateur interdit définitivement de revenir au tarif régulé et l’expérience des professionnels ayant sauté le pas est édifiante. Alléchés par un tarif du MégaWatt/heure proposé à moins de 30 euros, alors qu’il était réglementé à 33 euros, ceux qui ont sauté le pas ont vu ensuite leur facture augmenter chaque année. Et pas qu’un peu : plus de 60 euros en 2005 ! On se demande pourquoi ce désastre n’a pas empêché de poursuivre dans la même voie et d’étendre la libéralisation aux particuliers. C’est bien que le dogmatisme économique sévit à Bruxelles comme dans la droite française - et une bonne partie de la dite "gauche socialiste". Quand bien même les exemples étrangers devraient inciter à la prudence  : "En Suède, les prix durant les hivers rudes flambent de 250 %. En Californie entre 2001 et 2002, la facture électrique a explosé et les Californiens ont été soumis à des coupures sauvages", écrit par exemple François Soult dans son ouvrage EDF, chronique d’un désastre inéluctable. Hervé Laydier livrait pour Attac-Rhône en juillet 2005 une analyse imparable : "En fait, les offres des différents producteurs ne différent en rien des paquets de lessives des rayons de nos supermarchés : produits identiques mais emballages « marqués ». Du coup, les budgets « force de vente, communication et marketing » explosent afin de gagner des parts de marché et de relooker son image ! Les vendeurs de vents font fortunes, les médias encaissent le prix de leur allégeance et des millions d’euros sont dépensés pour élargir le marché en réduisant à néant les maigres efforts visant à limiter la consommation. Et tout cela, c’est le client qui en payera le coût ! Cette multiplication de dépenses touche aussi les infrastructures puisque chaque entreprise développe son réseau de vente, ses centres de recherches, ses plate-formes d’appels téléphoniques, etc. En fait, la concurrence risque fort de coûter plus chère que le monopole du fait de ces gaspillages inutiles. Ainsi, le secteur électrique pourrait reproduire le système libéral de santé américain qui coûte deux fois plus cher aux citoyens que notre archaïque caisse nationale d’assurance maladie ! Mais esquisser cette interrogation dans les médias semble tabou. La croyance dans une concurrence qui fait baisser les prix ne doit surtout pas être remise en cause !"
Cette explication des hausses de tarifs liées à la libéralisation s’applique parfaitement aux renseignements téléphoniques. L’organisation de défense des consommateurs UFC-Que Choisir a ainsi publié mardi les résultats de son enquête réalisée auprès des quatre opérateurs se partageant plus de 90 % du marché de feu le 12 : 118 218 (Le Numéro), 118 000 (Telegate), 118 712 (Orange) et le 118 008 (Pages Jaunes). Elle en livre les conclusions dans un communiqué au vitriol, titré Un vrai fiasco ! Il constate "une augmentation de 25 % pour une qualité de service similaire" en ce qui concerne les téléphones fixes et "entre 1,54 euro et 2,15 euros" pour les mobiles, dénonce "l’opacité tarifaire la plus totale" qui aboutit à ce que "les prix affichés ne correspondent jamais au prix réel du service" et accuse "l’arnaque de la mise en relation" : "les opérateurs 118 ajoutent des pièges tarifaires absolument invisibles sur les services associés. La mise en relation est systématiquement gratuite mais la communication qui suit est surtaxée à 0,11, 0,22, ou 0,34 euro/minute selon l’opérateur. Ainsi, pour un consommateur abonné à SFR qui appelle le 118 000 puis accepte la mise en relation et téléphone 5 minutes, il lui en coûtera : le prix du service de renseignement et le prix de la communication mobile soit 2,15 euros puis après la mise en relation la surtaxe du 118 sur toute la durée de l’appel ainsi que le prix de la communication mobile sur cet appel, soit 3 ,97 euros pour un total de 6,15 euros et donc un prix/minute de 1,04 euro !". UFC-Que Choisir proteste enfin contre "une valse d’augmentations de prix"  : "Alors que tous les opérateurs avaient promis de modérer et de stabiliser leurs prix, tous, en catimini, font supporter aux consommateurs des hausses de prix à répétition". La solution pour ces derniers ? "Se tourner vers le 12, c’est-à-dire le 118 711, soigneusement maintenu dans l’ombre des campagnes publicitaires". Tout est résumé dans cette dernière phrase : France Télécom communique sur le 118 712, son numéro Orange qui rapporte, mais fait silence sur celui à prix encadré, le plus intéressant pour le consommateur. Vive la publicité, vive la privatisation, vive le marché !

Illustration empruntée au syndicat SUD-PTT.


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