Elysium se moque de la Terre ou quand la France tente de révoquer le mandat politique de l’Exécutif
par Renaud Bouchard
mardi 20 novembre 2018
Fièvre Jaune et révolte « liquide » : la légitimité perdue du Président Macron ?
« Macron est le spasme d’un système qui repousse son trépas, sa dernière solution, l’unique moyen de déguiser une continuité devenue intolérable au reste de la société »
Frédéric Lordon, Macron, le spasme du système, Le Monde Diplomatique, 12 avril 2017
« La modernité s'est vouée d'emblée à ‘faire fondre les solides’ : non par hostilité de principe, mais parce que les solides hérités du passé n'étaient pas jugés assez solides. Il fallait liquider, ou du moins liquéfier, les structures et les modèles transmis par l'Ancien Régime pour les refondre dans des formes plus durables, et même permanentes. Mais aujourd'hui, cette liquidation ou liquéfaction n'est plus considérée comme un "stade intermédiaire" devant mener à terme à un "état de perfection" où aucune amélioration ne serait plus nécessaire. (...) La ‘modernité liquide’ est un état de la société qui – comme tous les liquides – ne peut (ni ne veut !) conserver longtemps sa forme. »
Zygmunt Bauman, 2007
« L’homme sage sait quand il n’a plus de pouvoir et il n’en dit rien au monde car il veut être réentendu ».
Danton à Camille Desmoulins, dialogue du film La Révolution Française (1989)
- Ne pas se tromper de détonateur et d’inspirateur.
En 2018 (2154), comme l’indique le synopsis du film Elysium, il existe deux catégories de personnes : les très riches, qui vivent sur la parfaite station spatiale crée par les hommes appelée Elysium, et les autres, ceux qui vivent sur la Terre devenue surpeuplée et ruinée (ou dans une France un peu esquintée et mal en point). La population de la Terre (la France) tente désespérément d’échapper aux désordres, aux difficultés économiques, à l’incertitude politique, aux crimes et à la pauvreté qui ne cessent de se propager et rendent la vie difficile, dangereuse et compliquée pour beaucoup de gens. Max, un homme ordinaire (un Gilet jaune à sa manière) pour qui rejoindre Elysium est plus que vital, est la seule personne ayant une chance de rétablir l’égalité entre ces deux mondes. Alors que sa vie ne tient plus qu’à un fil, il hésite à prendre part à cette mission des plus dangereuses - s’élever contre la Secrétaire Delacourt et ses forces armées – mais s’il réussit, il pourra sauver non seulement sa vie mais aussi celle de millions de personnes sur Terre.
Quittons la dystopie de l’excellent film de Neill Blomkamp et revenons dans le District France.
Le succès de ces micro-manifestations locales SANS leader NI coordonnateur national menées par les "Gilets jaunes" durant la journée du 17 novembre 2018 partout en France est beaucoup plus qu’un sérieux avertissement pour le Président et le gouvernement sourds et aveugles dont les deux carburants sont la matraque fiscale et surtout la matraque idéologique. La macronie avec les reproches populaires d’utopies et de mépris ne fait plus rêver les Français…lesquels ne sont pas prêts à écouter et choisir n’importe quoi pourvu que cela soit autre chose, mais bien au contraire sont dans l’attente de quelque chose de solide, de constructif pour conserver les avantages de la classe moyenne à laquelle ils ont accédé et dont ils sont en train de décrocher sans qu'Elysium puisse ou veuille venir à leur secours.
En effet, du rêve à la réalité, il est fort probable que la confrontation des Français au Réel puisse encore les décevoir.
Le Premier ministre a dit entendre « la colère » des Français mais assure que le cap du gouvernement sera maintenu. « Les Français veulent des résultats », a-t-il également indiqué. A croire que l’employé des Pompes Funèbres n’a manifestement rien vu et rien compris de l'irruption de boutons jaunes.
Société de services, applications, start-ups, GAFA, data, algorithmes, systèmes pour déclencher les achats, les besoins, la courbe d’utilité de chacun est accessible par données , goûts, préférences, types, genre, sexe, religion, opinions, cartes premium pour tout le monde, réseaux sociaux, Instagram, Facebook, Snapchat, Amazon, incitations incessantes, mais il manque quelque chose pour « marger » au maximum et assurer le surplus, l’offre maximum : l’argent, le pouvoir d’achat, biaisés par les jobs inutiles, sous-payés, l’incertitude des choix à long terme, l’insolvabilité rampante, les dépenses incompressibles et les trappes à pauvreté telles que les loyers (logement, téléphonie), la santé, les vacances projetées, le chômage, les menaces aux biens, l’insécurité ambiante, le terrorisme, l’immigration, et la fiscalité qui attend chacun au coin du bois, de chaque carrefour, de chaque route, avec les limitations de vitesse, les radars, les contrôles techniques, les choix écologiques qui condamnent à la casse les véhicules déjà hors de prix, impossibles à remplacer. L’impasse, en quelque sorte.
Les impôts, la dette, les économies, le coût de la vie, voilà que les USA « redressent » leur économie et font du business en déclarant la guerre économique et financière au monde entier. La Chine fait du business, Singapour fait du business, l'Inde fait du business, le monde des pays émergents s’enrichit en même temps que l’Europe, la France s’appauvrissent et que leurs dirigeants n'en ont que faire.
Le taux de chômage est stable à 9,1% de la population active en France entière (hors Mayotte) au 3e trimestre, selon des chiffres provisoires de l'Insee publiés mardi, avec 2,73 millions de chômeurs.
Sur un an, le taux de chômage mesuré par l'Institut national de la statistique selon les normes du Bureau international du travail (BIT) est en recul de 0,5%, et retrouve son niveau de début 2011. En France métropolitaine, ce taux s'établit à 8,8%.. Fort bien, et ensuite ?
- Le feu dans la plaine ?
Chacun connaît cette célèbre phrase tirée d'une lettre de Mao Tsé-toung du 5 juillet 1930 dans laquelle il indique "qu'une étincelle peut mettre le feu à toute la plaine". On ne sait ce qu'il en sera en France mais rien n'interdit d'imaginer que ce même 17 novembre 2018 les Français ont très probablement révoqué le mandat politique de M. Emmanuel Macron. L'avenir dira ce qu'il en est dans les faits, mais la crise politique est ouverte, qu’on le veuille ou non, et l’équipe actuellement au pouvoir se trouve dépourvue de toute légitimité du fait de l’explosion en vol de son chef, lequel – comme les Français l’ont compris – n’a plus rien à proposer et n’a d'ailleurs jamais eu rien de consistant à leur proposer, sinon du vent et en tout cas des réformes qu'ils perçoivent comme contraires à leurs intérêts.
Mais le message a-t-il pour autant été réellement compris par ses destinataires ?
Rien n’est moins sûr tant les certitudes sont solidement ancrées dans une mentalité par essence incapable, sous peine de disparition pure et simple, de se remettre en cause ou d’infléchir la feuille de route initiale qui sera suivie par l'Exécutif contre vents et marées.
Le fait est que « Chez Macron, comme l’a écrit l’économiste Frédéric Lordon, le vide n’est pas contradictoire avec un plein dont, pour le coup, on comprend que, s’il faut montrer quelque chose au dehors, le vide lui soit hautement préférable. Car c’est le plein de l’oligarchie, le plein du projet de persévérance d’une classe, au moment précis où tout la condamne, comme en témoigne une époque qu’on sent rendue en son point de bascule. Dans ces conditions, pour que le plein oligarchique se maintienne envers et contre tout, il fallait en effet impérativement un candidat du vide, un candidat qui ne dise rien car ce qu’il y aurait à dire vraiment serait d’une obscénité imprésentable : les riches veulent rester riches et les puissants, puissants. C’est le seul projet de cette classe, et c’est la seule raison d’être de son Macron. En ce sens, il est le spasme d’un système qui repousse son trépas, sa dernière solution, l’unique moyen de déguiser une continuité devenue intolérable au reste de la société sous les apparences de la discontinuité la plus factice, enrobée de modernité compétitive à l’usage des éditorialistes demeurés. » https://blog.mondediplo.net/2017-04-12-Macron-le-spasme-du-systeme
Ecrits en avril 2017, ces propos sont plus que jamais d’actualité.
- « L’élite kérosène face au populisme diesel »
On n'ose dire que le pays légal s'est coupé du pays réel, de peur de se fâcher avec Benjamin Griveaux - Secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre et porte-parole du Gouvernement-, confondant Marc Bloch et Charles Maurras ( !), écrit le journaliste François Bousquet dans un remarquable billet dans lequel il parle de « l’élite kérosène face au populisme diesel… »
Mais si le géographe Christophe Guilluy et quelques autres n'avaient pas exhumé ce pays réel, le pays légal en ignorerait jusqu'à l'existence. De loin en loin, il y a bien un politique comme Jean Lassalle pour entreprendre d'en parcourir les contours ou un journaliste comme Gérald Andrieu pour en sillonner les frontières (Le peuple de la frontière). Le reste du temps, ce monde est rejeté dans les ténèbres extérieures, un trou noir d'où ont émergé, il y a une quinzaine de jours, ces lucioles dans la nuit que sont les gilets jaunes fluorescents.
Dès 1947, le géographe Jean-François Gravier, ancêtre de Christophe Guilluy, soulignait, dans un livre qui rencontra un écho retentissant à sa parution, les extraordinaires disparités territoriales françaises : Paris et le désert français. On avait quelque peu oublié ces fractures territoriales, mais elles sont réapparues aux yeux de la France entière au soir du premier tour de la dernière présidentielle à travers la géographie du vote en faveur de Marine Le Pen. Depuis, plus rien, ou presque, jusqu'au mouvement des Gilets jaunes.
Des « gars qui fument des clopes et qui roulent au diesel. Ce n'est pas la France du XXIe siècle que nous voulons », suivant la sortie de l'inénarrable Benjamin Griveaux, porte-parole d'un gouvernement qui semble ignorer que la voiture est le seul moyen de locomotion pour une écrasante majorité de Français (deux tiers des Parisiens, mais pas les ministres, on s'en doute, se rendent à leur boulot en transports en commun, 7 % sur le reste du territoire). Et le diesel, le carburant le moins cher ».
Le constat est sévère et n’a rien de neuf : plus de services publics, plus de bureaux postaux, plus d'école, plus de train, plus de bus et bientôt plus de pharmacie... les campagnes sont piégées. Comment faire pour aller vers un hôpital, un médecin, au travail, dans les commerces, circuler tout simplement, sans voiture et sans transports publics ?
L’Exécutif n’en a cure.
Si au moins cela servait vraiment la transition écologique la hausse des carburants serait plus facilement acceptée. On devrait d'abord s'occuper de la desserte des petites villes et village avant de dire aux gens de ne plus prendre leur voiture.
Mais voilà comme chacun le constate encore que le cercle de la France périphérique s'élargit désormais aux TPE et PME qui emploient 50% des salariés. Nous sommes de plus en plus nombreux à être « périphériques », notamment les cadres, les élus locaux, une partie des entrepreneurs. Voilà-même que 18 000 maires ne souhaitent pas briguer un prochain mandat électif, la gestion communale étant devenue impossible. Les gens comprennent qu’au lieu de détricoter tranquillement et progressivement la République afin d’être 50 millions à être exclus de notre propre pays, la REM a voulu accélérer et cette accélération ne passe pas.
Réponse de l’Exécutif : contrôler Internet, mettre en place une police fiscale en usant des réseaux sociaux pour croiser les informations sur la relation entre détention de biens et pouvoir d’achat. Et pendant ce temps, voilà que le Président se prépare à officialiser le remplacement des Français programmé par l’ONU, avec le soutien de Bruxelles, prêt à signer le Pacte de Marrakech en décembre prochain.
Les « ploucs émissaires… » comme les décrits le journaliste François Bousquet, se sont manifestés. http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2018/11/16/31001-20181116ARTFIG00374-les-gilets-jaunes-nouveaux-ploucs-emissaires.php
Mais plus encore qu'une fronde contre le prix du diesel, l'écotaxe, les radars, la limitation de la vitesse, c'est l'expérience quotidienne de l'injustice dans laquelle ils se trouvent plongés et du déni médiatique dans lequel ils sont maintenus qui a poussé les Gilets jaunes à se soulever.
Et ensuite ?
Avant toute chose, tous ceux qui ont manifesté ont en commun un besoin de considération mais aussi d’argent. Car ce qui se joue, c'est bel et bien une lutte pour la reconnaissance et l’augmentation du pouvoir d’achat. Or, cette lutte n'est pas même reconnue. Toutes les politiques dites de reconnaissance chères à la philosophe anglo-saxonne ne s'adressent qu'aux minorités, sexuelles ou ethniques, pour lesquelles elles ont été conçues, pas aux majorités déclassées qui entrent toujours par effraction dans l'actualité, coup de pistolet dans le ciel sans nuage de l’élite : le référendum sur le traité de Maastricht, le premier tour de la dernière présidentielle, l'enterrement de Johnny...et la manifestation de ce samedi 17 novembre 2018 partout en France.
Les « Anywhere » (ceux de nulle part) et les « Somewhere » (ceux de quelque part), pour reprendre la terminologie de David Goodhart. Aux premiers, l'urbanisation verticale - l'Olympe jupitérien, le gigantisme des tours, la « start-up nation », Elysium, donc - ; aux seconds, la périurbanisation horizontale galopante, la Pampa, l'habitat "rurbain", les zones pavillonnaires, les grandes surfaces hallucinées et le Printemps au Parking.
Elysium peut encore ignorer la Terre et l’Elysée la France. Pour le moment.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=182991.html
Le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a ainsi évoqué il y a quelques jours « les hommes qui fument des clopes et roulent au diesel », formule illustrant pour beaucoup le mépris du député de Paris pour les provinciaux. Les autres, donc.
Des petites phrases polémiques qui sont privilégiées par le président de la République lui-même. « Je traverse la rue, je vous trouve du travail », « Gaulois réfractaires », « On met un pognon de dingue dans les minima sociaux », « La meilleure façon de se payer un costard, c'est de travailler », etc. Au fil des mois, celles-ci ont façonné l'image d'un « président des riches », déconnecté de la réalité vécue par la majorité des Français et volontiers condescendant.Il est clair que sa communication politique hystérise le débat public. Il clive depuis plusieurs mois une société qui était déjà profondément traversée par des fractures sociologiques. Alors bien sûr, il ne les a pas créées, elles sont là depuis trente ans, mais il les attise », commente Arnaud Benedetti. Des critiques qui ont été reprises par l'ensemble de l'opposition politique.
Pour quels résultats ? Aucun.
- Questions ouvertes
Personne ou au moins peu de gens, et en tout cas certainement pas l’Exécutif, n’ont réellement vu et encore moins réalisé qui était très probablement à la manœuvre dans le mouvement insurrectionnel de base intensité que représente la survenance et la montée en puissance des « Gilets Jaunes ».
Il est possible que nous assistions à la conjonction de deux types d’intérêts convergents qui remettent en cause le « macronisme » : ceux d’une population exaspérée, on le voit, qui rejette ce qu’un pouvoir mal élu tente de lui imposer comme s’il bénéficiait d’une majorité et d’une légitimité indiscutables, ce qui n’est pas le cas ; mais aussi ceux d’intérêts qui ont conduit à l’élection de M. Macron et qui comprennent que le cheval est en train de s’essouffler, qu’il ne terminera pas la course et sera incapable de remplir le contrat pour lequel il a été choisi, l’urgence étant alors de l’éliminer en déstabilisant…le pays, faisant ainsi entrer la France dans le club des révolutions dites de « couleur », le jaune étant disponible.
Une question se pose : le mouvement lui-même des Gilets jaunes ne serait-il pas le relai d’une autre action ?
La France ne serait-elle pas en train d’expérimenter à titre de « ballon d’essai » une « révolution de couleur » issue du laboratoire Steve Bannon, processus qui échapperait à l’Exécutif ?
Particulièrement sous-dimensionné pour parer les coups et résister à ce qu’il n’a pas prévu, l’Exécutif n’a en effet manifestement pas vu venir les événements au point d’avouer qu’il ne les comprenait pas, au même titre que les interlocuteurs habituels susceptibles de jouer les amortisseurs sociaux. Les syndicats et les partis politiques ont montré qu'ils ne représentent plus qu’eux- mêmes et ont été débordés par une base et des acteurs insaisissables, trop nombreux et animés de soucis qui dépassent largement les orientations politiques tant il est vrai que les hausses du prix de l’énergie (carburant, chauffage, gaz, électricité) ne sont ni de droite, ni de gauche, ni du centre.
https://www.philippebilger.com/blog/2018/11/selon-castaner-%C3%A7a-va-castagner-.html
M. Macron le sait désormais : il n'y a pas encore - ou il n'y a plus - de réponse audible par une opinion à ce point remontée contre lui. Ni les annonces du premier ministre, ni l’interview du chef de l’Etat depuis le porte-avions Charles-de-Gaulle n'ont désamorcé la mobilisation de samedi. Les carottes sont cuites.
M. Macron n’a pas vu monter la révolte et encore moins mesuré à quel point serait violente, pour le pouvoir, la conjonction des mesures fiscales infligées aux classes modestes et moyennes et les largesses octroyées à certaines catégories.
En cet automne 2018, le macronisme est donc nu : il combinait le pire de la droite (les avantages pour les plus fortunés, taxes sur la consommation) et le pire de la gauche (impôts et délires sociétaux : PMA, immigration, etc.). Et M.Macron, par son parcours et ses graves erreurs de communication personnelle de ces derniers mois, incarne – presque de façon caricaturale – ce « en même temps » redoutable dont tout porte à croire qu’il ne se remettra pas.
Il y a quelques jours, dans un entretien hors-sol, M. Emmanuel Macron reconnaissait son échec à réconcilier le peuple et ses dirigeants. Le peuple a confirmé. Il y a trois mois, le chef de l’Etat lançait un arrogant « Qu’ils viennent me chercher ! »
Les gens ont bien entendu l'invitation et sont venus. Ils reviendront.
Le système représentatif est à bout de souffle. Les Français ne supportent plus ni les politiciens qui confisquent le pouvoir politique, ni la classe médiatique qui dénonce toute critique du système représentatif comme étant « populiste » et verrouille par tous moyens une société bloquée.
Le « populisme » tant décrié, la démocratie « illibérale », viennent de se manifester. Jusqu’où iront-ils ? Seront-ils prochainement repris en main par un tout autre Exécutif, sachant qu’il est pour celui-ci hors de question de voir le rêve d’intégration européen tel qu’il a été imaginé et conçu disparaître par l’incompétence du Jockey Macron qui court sur le cheval France ? Et si oui, par qui et comment ?
Les Français qui se sont reconnus, mesurés, liés, viennent de signifier son congé à l’Exécutif, lequel risque fort de continuer malgré tout sans désemparer son processus d’anesthésie générale en servant un programme politique, économique et social dont personne ne veut tant il bouscule et menace la vie quotidienne de gens qui ont compris que leur confiance a été trompée et qui sont fâchés de s’être eux-mêmes leurrés en donnant leur suffrage à… un bonimenteur
Notes, sources et réflexions
« Je préfère régner en enfer que servir au paradis » : avec un brin de provocation, Steve Bannon, le sulfureux ancien conseiller de Donald Trump, a dévoilé le 20 juillet 2018 au média américain Daily Beast son plan pour faire triompher une révolte populiste de droite sur le continent européen. Pour concrétiser cette ambition, il compte créer une fondation baptisée « Le Mouvement » et établir son quartier général au cœur du pouvoir européen, à Bruxelles, avec en ligne de mire les élections européennes de 2019.
Selon son analyse, les mouvements populaires existent déjà et si quelqu'un parvient à maximiser leur potentiel, le basculement vers un populisme nationaliste de droite sera « instantané » sur le continent. Et l'architecte de la victoire de Donald Trump de prédire : « Vous allez avoir des Etats-nations individuels avec leurs propres identités, leurs propres frontières. »
Le Pen, Wilders, Salvini sont les « pom-pom girls de Poutine » pour détruire l'UE, selon Verhofstadt
http://www.bvoltaire.fr/gilets-jaunes-une-triple-victoire-qui-renverse-la-table-et-fera-date/
A propos de Zygmunt. Bauman et de la « société liquide » dont nous nous inspirons pour parler de « révolte liquide »
Entre bonapartisme et soviétisme.
Une souveraineté européenne s'oppose à la souveraineté des pays encore théoriquement souverains qui composent ce qui est abusivement appelé Europe, c'est-à-dire les institutions de l'UE. Une telle souveraineté est donc un fédéralisme total, dans lequel les parlements nationaux, s'ils existent encore, ne sont plus que des chambres d'enregistrement des décisions de l'UE.En plus, aucune institution de l'UE n'est démocratique, même le Parlement bien qu'élu : il est majoritairement composé de députés issus de partis fédéralistes qui, s'ils sont opposés dans leur pays respectif, sont d'accord pour vouloir toujours plus de pouvoir pour l'UE, au détriment de chaque nation, dans le plus grand mépris des volontés populaires.
La souveraineté européenne est en fait synonyme de dictature technocratique à l'échelle européenne : on l'observe déjà. Elle fait penser à l'Union Soviétique (UE=US).
E.Macron utilise le terme de "souveraineté" pour tenter de contrer les argument souverainistes, mais sa souveraineté à lui est celle des politiciens et des technocrates, pas celle des peuples.
Ce n’est qu’au moment où il fait paraître ses études sur la disparition des « structures stables » et parvient, après avoir « dialogué » avec Marx, Gramsci, Simmel, puis Manuel Castells, Anthony Giddens, Robert Castel ou Pierre Bourdieu, à forger le concept de liquidité, que Zygmunt. Bauman devient un penseur de renommée internationale.
La notion de « société liquide » est aujourd’hui tombée dans le langage courant, en tout cas le langage médiatique, sans doute parce qu’elle est vraiment pertinente et permet d’indiquer en un seul mot les caractéristiques des sociétés contemporaines. Zygmunt Bauman l’emploie dans un sens précis. Une société est dite moderne-liquide si les situations dans lesquelles les hommes se trouvent et agissent se modifient avant même que leurs façons d’agir ne réussissent à se consolider en procédures et habitudes. Elle est apparue lorsque, à l’ère solide des producteurs, s’est substituée l’ère liquide des consommateurs, qui a fluidifié la vie elle-même, une vie frénétique, incertaine, précaire, rendant l’individu incapable de tirer un enseignement durable de ses propres expériences parce que le cadre et les conditions dans lesquelles elles se sont déroulées changent sans cesse.
Dans Les Riches font-ils le bonheur de tous ? par exemple, Bauman illustre cette thèse très simple : « La richesse amassée au sommet de la société n’a absolument pas "ruisselé" sur les niveaux inférieurs. Elle ne nous a pas rendus plus riches, ni plus heureux, ni plus sûrs, ni plus confiants dans notre avenir et l’avenir de nos enfants. » Depuis la « crise », les hommes les plus riches non seulement n’ont pas tenu leur prétendu rôle, qui est d’accroître le bien-être matériel (social, psychologique, moral) mais, par des choix économiques cyniques et irresponsables, ont provoqué la dégradation des classes moyennes en « précariat », et brûlé dans les chambres noires de la spéculation financière des milliards de dollars, dont le « manque » a été payé par les plus faibles.
https://www.liberation.fr/debats/2017/01/11/zygmunt-bauman-il-avait-vu-la-societe-liquide_1540689
Insoumissions, portrait de la France qui vient, par Thierry Pech (Seuil, 232 p, 18 euros)
Simon Tabet
Avec la parution de Work, Consumerism and the New Poor (Bauman, 1998a), qui contient la première occurrence du concept de liquidité, d’ailleurs plus accolé dans cet ouvrage au terme de société qu’à celui de modernité. Bauman y théorise, au-delà d’une forme postmoderne d’organisation sociale, le rôle central de la domination idéologique du néolibéralisme, afin de définir ce qu’il nomme le phénomène de « liquéfaction » de la société contemporaine. Cette période peut ainsi être caractérisée, à travers un ensemble d’ouvrages (Bauman, 1999, 2000, 2001b, 2002a), comme la phase de formulation à la fois de cette modernité liquide et des répercussions sociales, politiques et globales qui en découlent. Se forgent alors dans ces ouvrages les notions d’exclus de long terme, de superflus ou d’underclass, à l’échelle locale ou transnationale (2004a), ainsi que des réflexions sur l’insécurité existentielle des individus (2006b).
Simon Tabet, « Itinéraires d’une sociologie liquide », Socio [En ligne], 8 | 2017, mis en ligne le 28 juin 2017, consulté le 14 novembre 2018. URL : http://journals.openedition.org/socio/2704  ; ; DOI : 10.4000/socio.2704
Dark City, 1998. Etats-Unis, Australie. Film neo-noir science-fiction. Alex Proyas, Lem Dobbs, David S. Goyer.
Il est en train de se produire un très curieux phénomène de changement à vue de décors, identique au changement de paysage urbain nocturne qui se produit à une certaine heure d’une journée qui est en réalité une nuit sans fin, comme on le voit dans ce film étrange et particulièrement réussi intitulé Dark City (1998).
La France périphérique décrite par le géographe J-C. Guilluy est en train de bouger, et avec elle toute une immense classe moyenne qui est la réalité du tissu sociologique, économique et politique du pays : un tissu dont la transversalité touche toutes les couches « moyennes » de la société qui ont enfin réalisé qu’elles étaient en train de « décrocher » et de s’appauvrir de manière consciente, rapide et désormais visible. La réalité est que tout le monde est désormais frappé, de près et de loin - plus près que de loin -, chacun ayant désormais dans son entourage, de manière directe ou indirecte - s’il n’en a pas été lui-même déjà victime -, une ou plusieurs connaissances qui ont connu, connaissent ou s’apprêtent à connaître le chômage ou à tout le moins un sentiment d’insécurité matérielle.
https://www.inegalites.fr/La-France-peripherique-delaissee?id_theme=25
Le rapport sur la cohésion des territoires du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) dresse le portrait d’une France coupée en quatre : « l’arc occidental et méridional attractif », l’Ile-de-France qui concentre les richesses économiques mais aussi l’exclusion sociale, les territoires marins particulièrement « vulnérables » et le « grand arc nord-est qui comprend la région Hauts-de-France, une partie de celle du Grand-Est, de Bourgogne-Franche-Comté et de Centre-Val de Loire » qui décroche
Cf. Daniel Behar, géographe, https://www.liberation.fr/debats/2018/07/18/metropoles-versus-france-peripherique-une-question-de-point-de-vue_1667293
Ch. Guilluy décrit l’éloignement physique de la France périphérique, qui a correspondu à une relégation symbolique : ce peuple ne fait plus, selon lui, partie du projet de société des élites. A leur tour, les Français oubliés ont pris leur partie de cette nouvelle donne et ont commencé à s’affranchir du projet politique des classes dirigeantes :
« Un lent processus d’affranchissement des couches populaires est en route […] Ces “affranchis” sont en train de remettre en cause l’essentiel de la doxa des classes dirigeantes, qui n’ont toujours pas pris la mesure du gouffre idéologique et culturel qui les sépare désormais des classes les plus modestes. »
L’un des symptômes importants de cet affranchissement est la remise en cause des politiques sociales de soutien aux plus démunis, qui devient majoritaire selon une note récente du Credoc. Guilluy en donne l’explication suivante :
« […] Il faut comprendre cette évolution à la lumière d’une société multiculturelle naissante. […] L’immense majorité des Français est convaincue de la nécessité de construire du logement social mais comme ce type de logement tend à se spécialiser dans l’accueil des populations immigrées, on fera tout pour limiter son développement. »
Conclusion : une « contre-société émerge dans la France périphérique et plus généralement dans tous les milieux populaires quelle que soient leurs origines ». Un « réenracinement social et culturel » commun à cette « périphérie » lointaine comme à la banlieue, qui met à mal le projet libéral parce que ce mouvement est à l'opposé de tout ce qu'il valorise, en particulier la promotion de la mobilité et de la diversité.
Sans être l'apanage du petit blanc, cette « relocalisation », « l’attachement à un capital d’autochtonie, à des valeurs traditionnelles » seraient en fait des traits communs à tous les membres des classes populaires : l’angoisse face à la mondialisation économique, les réserves vis-à-vis du projet de société porté par la gauche, la demande d’autorité sont des traits communs aux ouvriers toutes origines confondues. En cela, les récentes poussées droitières observées en banlieue lors des dernières municipales viendraient rappeler au PS les limites d'une stratégie à la Terra Nova, reposant en partie sur l’électorat des minorités.
Jean-Laurent Cassely, La Géographie est un sport de combat, https://www.slate.fr/story/92641/christophe-guilluy-france-peripherique
Christophe Guilluy La France périphérique. Comment on a sacrifié les classes populaires. Flammarion, 2014
Zygmunt Bauman, entretien, Nouvel Observateur, 2007