Emplois d’Avenir, Un Inventaire à la Prévert

par siatom
mercredi 19 septembre 2012

Tout le monde, ou presque, se souvient du poème de Prévert  Une pierre, deux maisons, trois ruines, quatre fossoyeurs etc.…et peut être aussi de l’angoissante et existentielle question de notre éternel jeune Jack Lang que Pierre Desproges qualifiait de frétillante endive frisée de la culture en cave à l’intention d’un contradicteur « Mais qu’avez-vous fait pour les jeunes ? »

Et les gouvernements successifs pendant plus de 30 ans de chanter à l’unisson sur l’air de « La Complainte du Progrès » de Boris Vian : Pactes pour l’emploi des jeunes, stages d’initiation à la vie professionnelle, Travail d’utilité collective (TUC), Contrats emploi-solidarité (CES) jeunes, Contrats Jeunes en Entreprise (CJE), contrats d’Insertion dans la vie sociale (Civis) , Contrats d’autonomie, sans oublier les CIP de Balladur et les CNE de Villepin mort-nés en raison du rejet de ces mêmes jeunes.

 En fait, hormis les deux derniers cités qui ne concernaient pas des emplois aidés mais prévoyaient des salaires revus à la baisse, il s’agit du même système impliquant essentiellement le secteur public et grosso modo le même nombre de personnes ( 150.000 à 170.000). A changement de gouvernement, changement d’intitulé.

En parlant des Emplois jeunes, Philippe Muray évoquait en une sorte de job parade festive, un bataillon d’agents du développement du patrimoine suivi presque aussitôt par un peloton d'accompagnateurs de détenus, de compagnies d'agents de gestion locative, d'agents polyvalents, d'agents d'ambiance, d'adjoints de sécurité, de coordinateurs petite enfance, d'agents d'entretien des espaces naturels, d'agents de médiation, d'aides-éducateurs en temps périscolaire, d'agents d'accueil des victimes etc..

Il concluait nostalgique « Les métiers d'autrefois avaient une histoire, un passé, un poids, et je parle même pas de leur utilité. Les emplois-jeunes s'avancent légers. Ils ne pèsent rien. Ce sont des professions sans emploi (...) Des mots sans engagement. Des vocables à durée déterminée »

Avec les Emplois d’Avenir, il faudra mettre à jour cette liste en y adjoignant des agents de surveillance des prix à la pompe, des éducateurs spécialisés en syntaxe, des lustreurs de piercings, des détendeurs de string, des aides rédacteurs de récépissés près d’agents de sécurité analphabètes, des apprenants du vouvoiement à ces mêmes agents, et pour couronner le tout des aides-chercheurs en intitulés de métiers aussi innovants que farfelus.

Et ajoutons pour faire bon compte, et cette fois ci, dans le secteur marchand, les Emplois d’Avenir Carcéral que le Pole-Emploi n’a pas jugé bon de répertorier, je pense à chouffeurs de keufs, charbonneurs de barrettes, coupeurs de pains de cannabis, nourrices spécialisées etc.…

La désindustrialisation semblant inexorable, c’est donc dans le secteur des services qu’il faut créer, innover, et plus particulièrement dans les aides à la personne. Je suggère ici quelques pistes peu nombreuses, pour ne pas lasser, dans une chronique déjà riche en énumérations fastidieuses, et surtout par manque d’imagination : Donneur d’orgasmes à domicile, vendeur d’organes en viager, démineur de conflits domestiques, tueur à gages 100% naturel.

La polyvalence, la mobilité, le sens de l’adaptation, le goût de l’initiative étant les facteurs clés de la réussite entreprenariale, je me propose de définir ci-dessous les applications concrètes de ces qualités essentielles sur les quatre métiers cités ci-dessus.

Le Donneur d’orgasmes doit pouvoir à la demande du, ou de la cliente, se déplacer sur le lieu de travail ou le lieu de villégiature, il peut proposer en extra, un prêt de l’organe concerné pour une utilisation intime selon des modalités à définir d’accord parties. Le vendeur d’organes, lui, doit faire preuve de souplesse dans les modes de paiement, le crédit, le leasing peuvent être envisagés. IL peut aussi, une fois sur place prodiguer un orgasme à la personne receveuse. Dans ce cas précis, il s’interdira de facturer deux fois les frais de déplacement.

Les deux dernières professions dont les champs d’activités sont très proches devront faire l’objet d’une réglementation très précise. Si, selon les situations, elles peuvent être interchangeables, seul le tueur à gages 100% naturel pourra exercer son activité avec ses seules mains. IL ne pourra s’exonérer de cette contrainte que dans des cas bien précis définis par le législateur.

Dans cette dernière hypothèse, tout comme le démineur de conflits, il pourra utiliser à sa convenance d’autres moyens plus conventionnels, armes à feu, mort aux rats, lacets de chaussures pics à glace etc.

 Je sens poindre chez le lecteur irrité deux objections, la première concerne la référence abusive à des disparus : Prévert, Desproges, Vian,Muray. Faire parler les morts, n’est ce pas le domaine de la médecine légale ? Je répondrai simplement qu’il s’agit là de quelques membres permanents de mon petit panthéon personnel. Par conséquent, objection rejetée, votre honneur.

La deuxième, plus sérieuse, vise le ton sarcastique de ce billet face à la détresse de jeunes laissés sur le bord du chemin, qui ne doit laisser personne, capable d’un minimum d’empathie, indifférent. J’ai pour ma part, toujours ressenti beaucoup de compassion pour les Gilets Rouges de la SNCF, « sortes de punching ball low coast » de voyageurs acariâtres lors des grèves ou des départs en vacances.

Mais,ironiser sur les emplois d’avenir, ce n’est en aucun cas, se moquer des personnes concernées, c’est relever l’impuissance des pouvoirs publics depuis des décennies à régler le problème, c’est aussi constater l’absurdité de cette situation et finir par admettre qu’il s’agit là, d’un pis aller indispensable.

Ceci étant dit, outre le fait que cette mesure n’a rien de novatrice, comme on essaye de nous la vendre, sa réitération depuis 30 ans est la preuve flagrante de l’échec de notre pays en matière de formation et d’apprentissage.  


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