En 1991, l’OTAN a refusé l’adhésion des pays d’Europe de l’Est qui en faisaient la demande

par Jean Dugenêt
mardi 27 septembre 2022

Un document, classé secret mais qui est maintenant déclassifié, montre que l’OTAN a refusé l’adhésion des pays d’Europe de l’Est qui en faisaient la demande en 1991. Le document ajoute d’ailleurs explicitement dans le résumé que « des garanties de sécurité sont inacceptables » puisque c’est pour s’assurer qu’ils ne seront pas agressés par la Russie que ces Etats demandent leur adhésion. Mais l’OTAN ne veut nullement s’engager à les défendre. Cela ne change évidemment rien à la nature agressive et contre-révolutionnaire de l’OTAN mais cela remet en question tout le mythe créé par Poutine et repris en chœur par les poutinolâtres à partir de 2007. Ce n’est pas sur le mode de la recherche à tous crins et le plus vite possible de l’extension de l’OTAN vers l’Est que s’est manifestée la politique des USA et de leurs alliés dans la période qui a suivi immédiatement la chute du bloc de l’Est.

Les capitalistes réactionnaires des USA et du monde entier remportent en effet une formidable victoire quand le bloc de l’Est tombe par morceaux sans que les forces réactionnaires mondiales aient réellement eu à combattre puisque cela s’est fait sans intervention extérieure. L’intérêt des USA et de l’OTAN était alors de laisser agir les forces sociales qui allaient dans le sens de l’abolition de l’ancien système et de ne pas provoquer ceux qui y étaient opposés. Je préciserai ultérieurement la nature des forces sociales qui voulaient en finir avec le système hérité de Staline, Khrouchtchev et Brejnev. Il est clair que ceux qui voulaient que ce système se perpétue constituaient l’aile conservatrice de la bureaucratie (ou nomenklatura), c’est-à-dire l’aile dure du parti, toujours prête à utiliser la force comme en 1953 en Allemagne de l’Est, en 1956 en Hongrie ou en 1968 en Tchécoslovaquie. C’est bien parce que les forces du capitalisme les plus réactionnaires sont animées de cette volonté de ne pas provoquer les partisans de la ligne dure qu’elles ne trouvent pas judicieux à cette époque d’étendre l’OTAN. Ils ne veulent surtout pas qu’une intervention brutale interrompe le processus en cours et ils ne veulent donc pas donner pour argument ou prétexte à l’aile conservatrice que les pays occidentaux seraient à la manœuvre dans le processus. Soyons bien certains que les bureaucrates conservateurs s’en seraient réjouis.

Commençons par examiner ce document. Il s’agit du compte-rendu d’une réunion préparatoire à la réunion du Conseil de l’Atlantique Nord de printemps qui sera seule habilitée à définir la position de l’OTAN dans une déclaration. Le CAN (Conseil de l’Atlantique Nord) est en effet le principal organe décisionnel de l’OTAN et les sommets de l’OTAN sont des réunions du CAN à son niveau le plus élevé : celui des chefs d’Etats et de gouvernements. Les décisions de l’OTAN ne sont jamais définitives et l’OTAN ne prend donc jamais d’engagements envers qui que ce soit pour un avenir indéfini. Elle n’a aucune raison de se lier les mains avec des promesses. Nous voyons bien ici qu’elle peut changer de position car nous savons tous qu’ultérieurement, mais dans d’autres conditions, l’OTAN s’est effectivement étendue vers l’Est. Les sommets ne se tiennent pas à des dates fixes et régulières mais ils se tiennent plutôt à des moments clés de l’évolution de l’Alliance quand la remise en question des décisions passées est envisageable. Ce rappel est nécessaire car je reparlerai des prétendues « promesses de non-extension de l’OTAN ».

Remarquons aussi à ce sujet que la politique de l’OTAN vient d’être grandement modifiée lors du sommet de Madrid des 29 et 30 juin 2022 pour tenir compte de l’invasion de l’Ukraine par l’armée Russe. L'alliance militaire impérialiste prévoit notamment d'augmenter toutes ses capacités militaires, qu'elles soient nucléaires, conventionnelles ou cybernétiques. De plus sa politique d’extension permet maintenant l’adhésion de nouveaux pays qui étaient auparavant partisans du non-alignement militaire. Rappelons aussi que les révolutionnaires demandent la dissolution de l'OTAN en même temps qu’ils se prononcent contre Poutine et pour le soutien total à la résistance du peuple ukrainien » autant qu’ils se prononcent d’ailleurs pour la défense de tous les peuples contre toute agression impérialiste d’où qu’elle vienne (Irak, Afghanistan, Syrie, Lybie, Yemen, Kazakhstan, Ukraine…)

Je donne ma traduction du document à la fin de l’article et j’ai ensuite reproduit les deux volets du texte original sur une image qu’il faut agrandir pour la lire. Vous pouvez trouver ce texte original sur internet ici. Je complète par une chronologie des évènements qui ont précédé la réunion de Bonn et je termine par une liste de 5 preuves qu'il n'y a jamais eu de promesses de non-extension de l'OTAN vers l'Est.

Cette réunion de Bonn était convoquée dans le but de préparer une réponse à la candidature des États d’Europe de l’Est qui voulaient adhérer à l’OTAN. La décision était d’emblée prise de refuser leur adhésion. La réunion était chargée de trouver des arguments pour justifier cette décision et aussi de faire des propositions pour tenter de satisfaire au mieux les gouvernements concernés sans toutefois accepter l’adhésion.

La réunion s’est tenue à Bonn, le 6 mars 1991. Elle regroupait les représentants de quatre états :

Après avoir indiqué l’essentiel des conclusions que je viens de donner dans un bref résumé (47 mots), le compte-rendu détaille un peu plus les interventions dans quatre paragraphes que nous examinerons l’un après l’autre. Nous trouverons successivement :

Le représentant de l’Allemagne, Jürgen Chrobog déclare :

« Nous avions été clairs dans les négociations 2+4 sur le fait que nous n’étendrions pas l’OTAN au-delà de l’Elbe (Sic). Nous ne pourrions par conséquent pas octroyer le statut de membre de l’OTAN à la Pologne et aux autres. »

L’expression « 2+4 » fait référence aux deux Allemagne et aux quatre puissances alliées signataires en 1945 des accords de Potsdam à savoir : les USA, la Russie, le Royaume-Uni et la France. Ces discussions ont abouti « au traité de Moscou » signé le 12 septembre 1990. Le nom officiel est : « traité portant règlement définitif concernant l’Allemagne ». Les articles du traité peuvent être consultés sur la page de la Wikipédia. Le but du traité était de pallier au fait qu’à la libération, après la signature de l’armistice, aucun traité de paix n’avait été signé entre les belligérants de la seconde guerre mondiale. Il fallait donc inscrire dans un traité toutes les décisions concernant le nouveau découpage des frontières notamment celle séparant l’Allemagne de la Pologne (article 1). Il fallait aussi encadrer la stratégie militaire de l’Allemagne (article 2) ainsi que les conditions de son armement et du nombre de militaires (article 3). Le traité prévoit aussi d’abroger les droits et dispositions particulières des quatre autres puissances à l’égard de l’Allemagne. Cette dernière retrouve ainsi la pleine souveraineté sur ses affaires intérieures et extérieures (article 7). Il n’était donc pas prévu au départ de s’occuper particulièrement de l’unification de l’Allemagne mais, vu le contexte dans lequel les discussions se sont déroulées, ce fut en fait le principal sujet de discussion. D’ailleurs, le traité prévoit les conditions du retrait des troupes soviétiques de l’Allemagne de l’Est (article 4). Il prévoit aussi qu’après le retrait des troupes soviétiques les forces de l'OTAN pourront stationner à l'est de l'Allemagne mais sans y faire stationner des armes nucléaires (article 5). Il prévoit aussi que l’Allemagne pourra contracter librement des alliances (article 6).

Il est probable que, dans la première phrase, Jürgen Chrobog ait confondu l’Elbe et l’Oder. L’Elbe est un fleuve qui coupe l’Allemagne en deux en passant à l’Ouest de Berlin. L’Oder est un fleuve qui sépare l’Allemagne de la Pologne sur sa partie la plus en aval, exception faite de la région de Stettin. Sur la partie en amont c’est la Neisse, un affluent de l’Oder, qui délimite la frontière (voir les cartes ci-dessous. Jürgen Chrobog a simplement voulu dire « à l’Est de l’Allemagne » avec une formule plus imagée mais en disant l’Elbe à la place de l’Oder.

L’erreur de Chrobog est signalée dans article intitulé « Elargissement de l’OTAN à l’Est de l’Allemagne : vrai ou faux ?  » du site web « Clio-Texte ». Il n’a jamais été question de l’Elbe dans les diverses discussions 2+4 contrairement à ce que dit Chrobog. Cela n’est du moins signalé nulle part ailleurs à ma connaissance et surtout pas dans les documents de l’OTAN. Cela explique d’ailleurs la mention « Sic » ajoutée à la suite de cette phrase par le rédacteur du résumé qui tient ainsi à montrer qu’une telle affirmation est de la responsabilité de Chrobog et non de la sienne.

Qu’il y ait eu ou non une erreur n’a d’ailleurs guère d’importance pour mon propos puisque l’Elbe ne pourrait être considérée comme une frontière que dans un discours visant à séparer l’Allemagne en deux parties car, à l’exception de la Pologne, tous les autres pays d’Europe de l’Est sont plus au sud. 

Il s’agit donc bien dans les deux cas d’indiquer que, pour la Pologne, il serait possible d’argumenter le refus de son adhésion à l’OTAN en vertu de ce qui a été dit lors des discussions 2+4. La mention « and the others » pourrait alors concerner les pays Baltes situés à l’Est de la Pologne.

Au cas, peu probable, où il n’y aurait pas une erreur de Chrobog, il faudrait alors comprendre qu’au cours de la discussion sur l’Allemagne des dispositions différentes auraient pu être envisagées de part et d’autre de l’Elbe au sujet de la présence de l’OTAN dans l’Allemagne réunifiée.

Passons maintenant au paragraphe suivant pour examiner les positions exprimées par John Weston, représentant le Royaume-Uni. Il confirme la crainte des pays d’Europe de l’Est à l’égard de de la Russie sans toutefois préciser qu’il n’y a que la fraction conservatrice de la bureaucratie qui est agressive. Il dit : « Ils (les pays d’Europe de l’Est) étaient inquiets au sujet du danger éventuel d’une Union Soviétique ou d’une Russie revancharde et de l’instabilité au sein de l’Union Soviétique avec de possibles débordements ». C’est cette crainte d’une intervention armée de la Russie qui les incite à se mettre sous la protection de l’OTAN. Ils cherchent à avoir des garanties de sécurité. Mais l’OTAN ne veut jamais prendre des engagements pour une durée indéfinie. Elle peut changer d’orientation d’un sommet à l’autre. De plus, elle ne veut pas intervenir directement dans le processus qui va vers le rétablissement du capitalisme dans tout le bloc de l’Est.

Weston précise dans quelle limite il conviendrait de leur fournir une aide mesurée sur le plan militaire. De son point de vue, il faudrait donner une aide suffisante aux pays d’Europe de l’Est « pour dissuader toute intimidation  » de la Russie mais pas assez pour « présenter une menace pour leurs voisins ». Cette stratégie de l’OTAN est classique. Elle fournit souvent une aide militaire mesurée en fonction d’un objectif en prenant garde de ne pas risquer qu’une aide trop importante permettrait de dépasser l’objectif poursuivi. Cela correspond bien à la stratégie adoptée actuellement en Ukraine. L’OTAN aide suffisamment l’Ukraine pour qu’elle ne soit pas rapidement écrasée par la Russie mais en prenant garde aussi qu’elle ne puisse pas chasser les russes dans de brefs délais. L’OTAN veut seulement mettre Poutine en difficulté en faisant durer la guerre.

De la même manière, Weston précise que la réponse à faire aux pays d’Europe de l’Est par rapport à leur demande d’adhésion à l’OTAN doit être nuancée. Il faut que ce soit un refus car il est important de ne pas «  ostraciser les Russes ». Mais il faut accompagner ce refus de propositions bienveillantes. Il propose notamment :

Quand Weston dit qu’il ne faut pas « ostraciser les Russes », il s’agit en fait de ne pas provoquer la fraction conservatrice de la bureaucratie afin de ne pas risquer que le retour au capitalisme actuellement en cours soit interrompu. Il s’agit donc de soutenir l’autre fraction de la bureaucratie (la fraction restaurationniste) mais sans que cela soit par trop ostentatoire. Cette fraction restaurationniste regroupe des bureaucrates qui veulent asseoir leurs privilèges sur la propriété privée des moyens de production. Elle veut « réformer » la bureaucratie mais de telle sorte que ses membres restent des privilégiés en devenant tout simplement des capitalistes. Cela doit aboutir, en fait, à la suppression de la bureaucratie et à l’instauration d’une nouvelle oligarchie capitaliste. Une digression est nécessaire pour examiner les forces en présence. J’en distingue trois :

Ces forces ne sont pas homogènes. Chacune d’elle englobe des partisans de positions souvent nuancées.

La propagande occidentale a toujours voulu faire croire que les peuples des pays de l’Est rêvaient d’un retour au capitalisme. C’est faux ! L’aspiration à la liberté n’était pas une aspiration à l’enrichissement et cela ni avant ni après la chute du bloc de l’Est. En Allemagne en 1953, en Hongrie en 1956, en Tchécoslovaquie en 1968, en Pologne à partir de 1980, les multiples revendications que ce soit chez les ouvriers où les étudiants ne visaient jamais un retour au capitalisme. Jamais ils n’ont réclamé qu’il y ait des riches et des pauvres, des exploiteurs et des exploités, des ouvriers et des actionnaires, des employés et des patrons... Ils ont réclamé le droit de manifester, d’avoir des syndicats, la liberté d’expression, des élections libres, le droit d’organisation, la liberté de la presse... C’était d’ailleurs la même chose dans les écrits du Samizdat qui circulaient en Russie même. Personne n’a réclamé la « liberté » du marché, la « libre » circulation des produits... Cela c’est ce que voulaient les bureaucrates restaurationnistes désireux de devenir les nouveaux riches mais ils n’ont jamais osé le dire publiquement.

Nous observons que, dans les trois forces en présence, deux d’entre elles peuvent parfois agir dans le même sens sans pour autant s’unir dans une alliance. Ainsi les deux fractions de la bureaucratie seront toujours d’accord pour éviter qu’une mobilisation de la troisième force balaie toute la bureaucratie pour mettre en place un nouveau pouvoir fondé sur la démocratie ouvrière en conservant la socialisation du travail et donc l’abolition de la propriété privée des moyens de production. En bref, ces deux forces veulent éviter une révolution politique. Elles seront parfois d’accord pour réprimer des populations qui veulent s’émanciper de la tutelle de la Russie comme dans les pays Baltes, le Kazakhstan ou l’Ukraine.

De même, la fraction restaurationniste de la bureaucratie peut parfois agir dans le sens souhaité par les masses populaires en accordant plus de liberté : libération de Sakharov puis d’autres prisonniers politiques, acceptation de l’organisation « Mémorial » avec tout son travail de recherche sur les crimes de Staline et de réhabilitation des militants massacrés…

Revenons à l’analyse du document. Le paragraphe suivant indique que Seitz, le représentant des USA dit clairement  : « Nous ne devons pas fournir un prétexte aux tenants de la ligne dure en Union Soviétique pour construire des sentiments anti-occidentaux. L’OTAN ne devrait pas être étendue formellement ou informellement à l’Est.. ». Puis, il enchaîne à son tour avec des propositions pour montrer la bienveillance de l’OTAN malgré son refus :

Au dernier paragraphe, il est indiqué que Timsit, la représentante de la France, n’a aucune objection majeure aux propositions des autres intervenants. Chrobog indique que des traités bilatéraux sont envisageables. 

En guise de conclusion, je répète ces trois extraits du document puisqu’ils montrent bien pourquoi l’OTAN a refusé de s’étendre vers l’Est en 1991 après l’unificatoin allemande.

 

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TRADUCTION

 

SECRET

« Buisson ardant »

Émetteur : FCO

Destinataire : Washington, immédiatement

Ligne téléphonique n° : 460

À 18 heures 15. Heure de Greenwich, le 7 mars 1991

Informez immédiatement : Paris, Bonn, la délégation britannique à l’OTAN, Moscou

Mes 4 points d’instruction : réunion quadripartite des directeurs politiques à Bonn, le 6 mars : la sécurité en Europe centrale et Europe de l’Est

Résumé

  1. Le Royaume-Uni fait circuler le papier promis sur la sécurité en Europe centrale et Europe de l’Est. Consensus général sur le fait que l’admission au sein de l’OTAN et des garanties de sécurité sont inacceptables. Accord pour examiner la déclaration de la réunion de printemps du Conseil de l’Atlantique Nord indiquant l’intérêt de l’OTAN dans la sécurité et la stabilité en Europe de l’Est. Renforcement des relations bilatérales et des contacts OTAN/Europe de l’Est. 

Détail

2. Chrobog (Allemagne) dit que nous avions besoin de nouvelles idées sur la manière d’assurer notre rôle quant à la sécurité des pays d’Europe centrale et de l’Est. Nous avions été clairs dans les négociations 2+4 sur le fait que nous n’étendrions pas l’OTAN au-delà de l’Elbe (Sic). Nous ne pourrions par conséquent pas octroyer le statut de membre de l’OTAN à la Pologne et aux autres. Nous pourrions cependant envisager de nous référer à nos intérêts dans ces pays dans de futures déclarations de l’OTAN. Des pas supplémentaires pourraient être entrepris au sein du Conseil de Sécurité et de Coopération en Europe et à travers des accords bilatéraux.

3. Weston a fait circuler un papier britannique à ce sujet et le présenta rapidement. Nous avons dû répondre aux demandes des pays d’Europe centrale et de l’Est pour obtenir des relations plus étroites avec l’OTAN. Ils étaient inquiets au sujet du danger éventuel d’une Union Soviétique ou d’une Russie revancharde et de l’instabilité au sein de l’Union Soviétique avec de possibles débordements et aussi un risque de conflit entre des pays d’Europe de l’Est. Notre but devrait être que les pays d’Europe de l’Est deviennent des Etats prospères, démocratiques et tournés vers l’Ouest, avec leurs propres forces militaires assez fortes pour dissuader toute intimidation mais pas assez pour présenter une menace pour leurs voisins. Nous pourrions faire beaucoup de choses pour eux dans les domaines économiques et politiques sans leur attribuer le statut de membre de l’OTAN ou de l’Union Européenne. Cependant, l’approche politique et économique ne serait pas suffisante en elle-même. Il semblait psychologiquement important pour l’Europe de l’Est d’examiner la question de la sécurité militaire. Il serait important dans notre réponse de ne pas ostraciser les Russes. Nous ne pouvons pas offrir aux européens de l’Est le statut de membre ou de membre associé de l’OTAN. Nous ne pouvons pas davantage offrir des garanties de sécurité explicites ou implicites. Ils ne peuvent pas avoir en tant que groupe une relation avec l’OTAN. L’OTAN ne peut pas non plus jouer un rôle de gardien de la paix dans la région. Nous devons pousser davantage la réflexion sur un certain nombre d’autres possibilités, comme les trois suivantes :

  1. Des garanties de sécurité négatives telles que proposées par la Pologne ou la Hongrie : notre position initiale était qu’il n’était pas nécessaire d’y donner suite.
  2. Une déclaration d’intérêt de l’OTAN envers les pays d’Europe Centrale et de l’Est.
  3. Divers contacts entre l’OTAN et ces pays au sujet des questions de défense et de sécurité aussi bien que des contacts bilatéraux entre les pays occidentaux et des pays individuels d’Europe Centrale et de l’Est (Il a fait la liste des exemples donnés dans le papier britannique).

Notre position initiale était que la meilleure manière d’avancer était de considérer, par rapport à notre intérêt dans ces régions, d’envisager de se référer à notre intérêt envers ces pays dans la déclaration du Conseil de l’Atlantique Nord de printemps : un renforcement des relations avec l’Europe de l’Est ; des contacts bilatéraux et multilatéraux avec eux ; et des progrès au Conseil de Sécurité et de Coopération en Europe sur les questions de gestion de crise.

4. Seitz est tombé d’accord. Une série de visites de chefs d’Etat d’Europe de l’Est à Washington sera planifiée et commencera par Walesa. Les polonais et d’autres cherchaient à obtenir des déclarations bilatérales. Les Etats-Unis auraient eu à se prononcer sur la sécurité dans ce contexte. Nous avions exprimé clairement à l’Union Soviétique, tant dans le 2+4 que dans d’autres échanges, que nous ne profiterions pas de l’avantage du retrait soviétique d’Europe de l’Est. Nous ne devons pas fournir un prétexte aux tenants de la ligne dure en Union Soviétique pour construire des sentiments anti-occidentaux. L’OTAN ne devrait pas être étendue formellement ou informellement à l’Est. Le principal objectif et la garantie recherchée par l’Europe de l’Est était le retrait des troupes soviétiques. Nous devrions renforcer les relations bilatérales entre des pays d’Europe de l’Est, tout autant que les relations de l’OTAN avec eux. Nous pourrions aussi envisager des séminaires : des échanges sur l’organisation des urgences civiles ; des rencontres d’experts au format table ronde ; des formations OTAN d’officiers d’Europe de l’Est visant à la surveillance civile des forces de défense ; des invitations à assister au séminaire de défense de l’OTAN ; l’établissement de Conseils Atlantiques dans les pays d’Europe de l’Est et en Union Soviétique, etc. Il y avait la possibilité pour des gouvernements d’entreprendre des formations et des échanges d’officiers, potentiellement d’académie à académie, des discussions en matière de stratégie et potentiellement même à plus long terme une sorte de relation de vente d’armes.

5. Chrobog a dit que nous devrions également envisager des traités bilatéraux contenant des éléments de non-agression. De tels traités devraient aussi être conclus avec l’Union Soviétique. Timsit (France) a dit qu’elle regarderait les propositions du papier britannique. La France n’était pas emballée par l’idée de liens entre des pays d’Europe de l’Est et l’Alliance en tant que tels. Mais elle n’eut aucune objection majeure aux propositions qu’elle a entendue. Il fut décidé que le débat à l’OTAN devrait être dirigé en suivant globalement ces lignes.

HURD

 

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DOCUMENT ORIGINAL

 

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CHRONOLOGIE DES EVEVEMENTS QUI ONT PRECEDE LA REUNION

 

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CINQ PREUVES QU’IL N’Y A PAS EU DE PROMESSE

DE NON-EXTENSION DE L’OTAN VERS L’EST

 

11 mois après la réunion du 6 mars 1991 un article du Spiegel a évoqué ce compte-rendu qui avait été déclassifié après avoir été classé secret. Cet article, publié le 18 février 2022, est disponible ici avec sa traduction. Klaus Wiegrefe, l’auteur de l’article, prétendait montrer à partir de ce document que les accusations de Poutine concernant l’extension de l’OTAN étaient fondées alors que ce document prouve exactement l’inverse : il n’y a jamais eu de promesses de non-extension de l’OTAN. Bien entendu, le journal Spiegel n’a pas publié ce document. Il a seulement publié une photo des cinq premières lignes concernant les positions de Chrobog. J’avais longuement démonté la supercherie dans mon article « La vérité sur les promesses de non-extension de l’OTAN  ». Nous avons maintenant cinq preuves qu’il n’y a jamais eu de telles promesses. Les voici :

Première preuve : La déclaration de Gorbatchev.

Je renvoie ceux qui veulent des précisions sur le contexte de cette déclaration à mon article.

Deuxième preuve : La déclaration de Chevardnadze.

Voir l’interview où il a fait cette déclaration et ce que j’en ai dit dans mon article.

 

Troisième preuve : L’explication donnée par Chevardnadze, en plus de sa déclaration.

Il a dit : « « A l'époque, nous ne pouvions pas croire que le Pacte de Varsovie puisse être dissous. C'était au-delà de notre domaine de compréhension. Aucun des pays participants n'avait de doute sur le Pacte de Varsovie. Et les trois États baltes, qui font maintenant partie de l'OTAN, faisaient alors encore partie de l'Union soviétique. »

Il est évident que dans ces conditions l’adhésion à l’OTAN de ces pays ne pouvait être envisagée puisque tout le monde pensait qu’ils resteraient liés à la Russie par le pacte de Varsovie.

Quatrième preuve : Nous avons vu comment les décisions sont prises dans l’OTAN et que jamais l’OTAN ne se lie les mains en prenant des engagements. Elle peut toujours, d’un sommet à l’autre, revenir sur ses positions et elle se garde cette liberté.

Tout le monde s’accorde pour dire qu’il n’y a pas eu de promesses écrites mais Poutine et ses admirateurs prétendent qu’il y a eu des promesses orales. Cela est impossible. Toute décision prise par l’OTAN est stipulée par écrit même si ces écrits peuvent restés secrets. Mais, il faudrait qu’une personnalité politique soit bien irresponsable pour faire des promesses au nom de l’OTAN sans qu’une décision ait été prise par l’OTAN elle-même à ce sujet.

Cinquième preuve : Le présent document.

Nous avons vu que le but de cette réunion du 6 mars 1991 était de trouvé une argumentation pour expliquer à des pays d’Europe de l’Est que leur demande d’adhésion à l’OTAN serait refusée. Si une promesse de non-extension à l’OTAN avait été adressée à la Russie, il n’y aurait pas lieu de mener cette discussion. Elle aurait suffi de dire : "Nous ne pouvons pas vous accepter dans l’OTAN parce que nous avons promis à la Russie de ne pas le faire".

 

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Nous savons que bien des admirateurs de Poutine qui ne voudront jamais démordre que Poutine dit la vérité citent des personnalités des USA liées à ‘OTAN comme Baker. Par des interprétations abusives, ils prétendent que ces citations seraient l’expression de promesses. C’est faux ! Nous voyons bien qu’à l’issue de cette réunion du 6 mars 1991, un des participants pourrait dire par exemple : « Je pense qu’il n’y aura pas d’adhésion de pays d’Europe de l’Est à l’OTAN dans un proche avenir ». Les poutinolâtres s’exclameraient aujourd’hui ; « Vous voyez bien que celui-là a fait une promesse ». Eh bien non ! Nous savons que ce ne serait pas une promesse. Il ne s’agissait que d’une stratégie mise en place pour la période bien particulière de la réintroduction du capitalisme dans le bloc de l’Est et nous savons qu’elle n’a pas duré longtemps.


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