En Afghanistan, les américains redécouvrent la Lune (6)

par morice
lundi 8 juin 2009

Nous l’avons vu, l’affaire de la vente de munitions avariées pour un montant de 300 millions de dollars est une vraie saga aux multiples tiroirs, car depuis le début personne n’a compris pourquoi quelqu’un d’aussi jeune et d’aussi inexpérimenté a pu devenir un des plus gros fournisseurs du Pentagone en à peine 3 ans de carrière. Ce garçon est-il une énigme ? Peut-être pas vraiment : sa famille et son entourage nous en apprennent beaucoup sur son accession au rang de vendeurs d’armes. En réalité, notre garçon soi-disant si précoce n’aura été qu’un simple paravent, derrière lequel se cachaient des membres de sa propre famille. Une famille fort particulière, qui au final n’a rien à envier à l’organisation de la Camorra. Si cette dernière passe pour être très pieuse, c’est le cas aussi de la famille Diveroli. A part qu’il ne s’agît pas de la même religion. Le gamin un peu perturbé, fan de grosses voitures, de blondes et d’alcool devenu brocker de Kalachnikovs est issu d’une famille juive orthodoxe plutôt très stricte, ce qui n’est pas la moindre des surprises de cette affaire à rebondissements.

Le principal visé par les accusations du Congrès et la plainte du Pentagone est donc un jeune homme de Floride, ici d’une famille un peu à part, puisqu’il s’agît d’une famille orthodoxe juive vivant aux Etats-Unis. Une famille "passionnée" par les armes semble-t-il : "Efraim Diveroli was a chubby, hyperactive 16-year-old living in an Orthodox Jewish enclave of Miami Beach when he got his first gun, a Ruger .22 caliber rifle. But he had already developed what his grandfather Angelo Diveroli describes as a passion for firearms. "Ever since he was a little boy, I would take him to gun shows and he could identify every model of gun," Voilà pour le témoignage du grand-père, qui emmenait son petit fils aux foires d’armement comme d’autres à la Foire du Trône. Le père s’appelle Michael Diveroli, et possède des entreprises, dont Worldwide Tactical, LLC, et Advantage Police Supply, LLC. La seconde fermée depuis, la première ayant obtenu des millions de dollars de subsides de l’Etat fédéral pour des commandes... militaires. C’est en effet un "fedvendor" connu. C’est lui, par exemple, qui a vendu les lunettes de vision de nuit ATN utilisées par le bataillon ayant trouvé les munitions chinoises... vendues par son fils, dans l’embuscade décrite par le NYT. Sa femme s’appelle Ateret Boteach : "Ateret Diveroli is the mother of Efraim Diveroli and is the sister to Shmuley Boteach. Thus Michael Jackson’s rabbi is the uncle of Efraim"... on croît rêver mais non. Dans cette famille de juifs hassidiques, et donc d’Haredis (un mouvement originaire d’Ukraine, au XVIIIeme), mouvement orthodoxe "dur", dit de tendance "Loubavitchienne" le cas à part à part est en effet le frangin de la maman : c’est un rabbin hypermédiatisé, confident de Michael Jackson, auteur d’un livre qui avait fait du bruit en son temps, le "Kosher Sex" (après le père et son site de rencontres !) et surtout poursuivi en 1999 pour avoir détourné l’argent d’une association caritative, tombée en banqueroute, la "Time For Kids", avec Michael Jackson dans le scandale et Ateret comme... trésorière. Chez lui, rien n’arrête sa volonté de (se) vendre. Son avant dernier livre, the "Broken American Male, And How to Fix Him" revient sur toujours la même histoire, celle de ne pas accepter les mariages mixtes au prétexte de parler divorce. Ou présente des avis simplistes, expliquant par exemple la conquête du monde par Alexandre comme une simple revanche sur son père. Ou quand il écrit ce genre d’articles en ayant 9 enfants lui-même et en s’en vantant. Son dernier ouvrage s’intitule.. "The Kosher Sutra". Décidément. Le voici en vidéo en train de parler de Gaza et du terrorisme... selon lui, les écoles ont été bombardées car les "terroristes" s’y cachaient... à noter dans la prestation le mouvement de caméra pour montrer.. le livre de l’auteur à vendre...
 
Mais le plus intéressant de la famille est un autre oncle, Bar-Kochba Botach’s le fondateur de Botach Tactical... Oui, vous avez deviné, encore une entreprise de vente d’armes. Une de plus. Celle qui explique tout en fait. On a découvert pratiquement par hasard son installation au milieu de LosAngeles, grâce à des activistes. Dans une ancienne boutique de change, devenue discrètement boutique d’armements. Une boutique de change d’argent, créée en 1973, par Judith Boteach (avec un "e") venue.. d’Iran : "Meanwhile, Botach and his brother immigrated from Iran and opened a pawn shop, according to court documents. In 1973, they began buying, selling and operating commercial properties, forming Botach Management in 1989". C’est là qu’elle rencontre Bar Kochab Botach (sans "e"), qu’elle épouse en 1997". In 2005 Rep. Maxine Waters (D-Ca) and some of her constituents confronted Botach at his at unmarked establishment at 3423 W. 43rd Place in Los Angeles. Local residents and city officials became concerned when they found out that Botach had quietly converted a former pawn shop into a gun dealership 12 years earlier. " Sur Internet, ça donne le Botach Group, au logo plus qu’évocateur, et qui ne vend pas des pains de boulanger. Pas vraiment. Une autre société sœur, Key Zion vendant les mêmes armes ou les mêmes équipements. Or, s’il y a bien quelque chose qui ne marche pas vraiment, chez les différentes adresses de vente de Botach, c’est bien la satisfaction du client : elle est de 4,09 sur 10 seulement... en 2008 elle était de 2.04...en 2004. Y’a un mieux ! Chez lui, les acheteurs se plaignant de tout : mauvais envoi, matériel abîmé, pas de remboursement, bref une gestion anarchique et apocalyptique de la vente d’armes. Les "piss-off consumers" sont légion...sur une échelle de 5, le service après-vente obtient 1... même chose chez les fournisseurs, sinon pire... A se demander comment une telle boutique, avec une telle réputation, peut obtenir des contrats de l’armée américaine... ou vendre en même temps des cravates et des gilets pare-balles de police.
 
On en est là donc quand Efraim, adolescent perturbé, est envoyé chez son oncle pour apprendre le métier : comment escroquer le client, sans doute. Il y est envoyé en 1999 par son père, car il vient d’être viré à 17 ans de son école hébraïque pour avoir fumé du cannabis...." At 17 he was kicked out of Hebrew academy for smoking pot. His Orthodox father, Michael Diveroli, who ran various small businesses, was furious. Efraim moved to Los Angeles to take a job with his uncle, who owned a law-enforcement-supply company. It was there, equipping police departments, that Diveroli learned how to bid on government contracts". Un stage qui lui réussit semble-t-il car c’est là qu’il fait connaissance de son futur associé, un vieux baroudeur." It was also there that he met Ralph Merrill, a Vietnam vet who knew his way around the international arms market, buying and selling weapons in places like Israel, South Africa, and Croatia. Diveroli absorbed everything he could, and Merrill quickly noticed what he described in a letter as his young friend’s "innovative thinking and absolute mission dedication." Les bases de sa future société existaient déjà... Efraim, en tout cas, continue à vivre sa vie : à savoir qu’il défraie régulièrement la une des journaux de Miami.
 
Archi-connu des services de police et archi-relâché de toute accusation : 14 fois exactement, à 18 ans. Le garçon est un... véritable délinquant, qui, une fois arrêté n’hésite pas à menacer les policiers de leur loger une balle dans la tête. "But Diveroli’s growing obsession with work was starting to make him volatile. It seemed like every time he got into his car he was pulled over ; from 2004 to 2006 he racked up 14 tickets, for speeding, reckless driving, and other violations. According to a Miami Beach police report, an acquaintance said Diveroli threatened to shoot him in the head during an argument over a girl. "I have guys on my payroll that will do the job," he allegedly boasted."Sauf le 20 décembre 2006, où il est emprisonné pour avoir bastonné un videur de boîte de nuit. Et là encore, il s’en échappe en produisant... de faux papiers : "Police called to the scene found a fake ID on Diveroli and charged him with felony possession of a forged document, in addition to misdemeanor battery. He avoided prosecution by entering a pretrial-diversion program. A conviction would have jeopardized AEY’s arms-import license". La photo qui llustre en premier cet article date de l’une des ces arrestations : il est donc bien fiché. N’empêche, il récidive encore le 5 mars 2008, avec une nouvelle arrestation, à bord de sa Mercedes à 100 000 dollars, pour conduite en état d’ivresse... c’était quelques jours avant l’explosion de Gerdec. Comment comprendre qu’un tel individu puisse avoir été fournisseur officiel de l’armée américaine sans une réelle complicité de cette dernière à faire étouffer son parcours chaotique ?
 
A ce stade, il convient de faire un petit arrêt sur la saga : un oncle, donc, qui vend des armes depuis des années à l’armée américaine, mais dont les clients civils ne cessent de se plaindre. Un père, qui vent lui aussi des armes, lui aussi à l’armée américaine, tout en étant un juif orthodoxe convaincu. Un oncle devenu riche, très riche qui détient une bonne partie du quartier autour de sa boutique : il vend certes mal, mais ça lui rapporte depuis longtemps : "According to court records, Botach co-owns 144 commercial and other properties in Los Angeles, as well as Botach Tactical, a nationwide distributor of police and military equipment".  Un oncle qui a aussi sur le dos un divorce d’avec la "maquilleuse des stars", Judith Boteach, qui risquait alors de lui coûter sa fortune, la dame étant du genre vorace. Le mariage avait été un mariage purement orthodoxe, prononcé le 25 décembre 1997, mais non reconnu officiellement en Californie ! La dame réclamait alors depuis 2002 plus de 700 millions de dollars ! Appelée à déposer, elle avait révélé le management particulier de l’entreprise Botach : "In court documents, Boteach says she worked at Botach Management as the real estate market "rocketed up,’’ although she received no compensation. And she alleges that Botach "severely beat’’ her on several occasions after she refused to sign a post-nuptial agreement".  De la maltraitance familiale en orthodoxie, pas vraiment une surprise. Après avoir perdu son procès, la dame s’est reconvertie dans la restauration : "Judith Boteach apparently now runs a Moroccan restaurant, BBC Cafe, (un "Bistro Baguette Café" mais" kosher moroccan") in Beverly Hills. An LA Times restaurant review describes her as "Judith Boteach, the charismatic Moroccan American chef and co-owner and her partners Jay and Karine Kaplan and Gabriel Azoulay."
 
On a donc bien affaire à ce qui ressemble davantage à une mafia familiale qu’à autre chose. Efraim n’est que le descendant d’une lignée qui se gave depuis toujours avec le commerce des armes. Ce n’est donc pas un hasard de le retrouver sur le marché mais ce qui continue à étonner c’est sa précocité. Quand il devient responsable de sa société, AEY, il a tout juste 17 ans et passe pour un écervelé. Pas vraiment le profil du chef d’entreprise. Alors, on songe automatiquement à la famille derrière lui : l’oncle grillé par ses clients furieux, le père faisant l’objet d’une enquête administrative sur des livraisons ratées, lui aussi, on comprend ce qu’est notre adolescent : un simple prête-nom, celui du trust Botach et compagnie, une famille juive orthodoxe de Floride, qui doit sa fortune à la vente d’armes. Il fallait un responsable pour décrocher de nouveaux marchés : au jeu des 7 familles des marchands de mort, c’est la carte du fils qui a été sortie.
 
 

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