En défense du blasphème et de la liberté de conscience

par Emmanuel Glais
jeudi 1er octobre 2020

 

Beaucoup de ceux qui se croient les héritiers de Mai 68 et de la révolution sexuelle ne pensent qu’à interdire l’expression des pensées contraires. De là, une grande confusion...

Mercredi, ce professeur de droit Aram Mardirossian conspué sur les réseaux sociaux, parce que tout en admettant son hostilité au mariage pour tous, il a rapproché sur un ton polémique homosexualité et zoophilie, disant que lorsqu’un animal sera doté d’une personnalité juridique, rien n’empêcherait à un homme, une femme, ou un non-binaire de demander à l’épouser1. Sa « démonstration » d’une minute, discutable même sur le plan juridique, cache peut-être un homophobe primaire, elle ne dit cependant pas grand-chose de la qualité du juriste. Sanctionner ce genre de propos dans un amphithéâtre, en plus d’être une violation de la liberté académique, serait une atteinte à la liberté de tous les humains. Devant la bronca de Twitter, l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne a « condamné les propos » sur le réseau social2.

Jeudi matin, LCP rediffuse les débats d'hier en commission. En mangeant ma mixture, je vois défiler des porte-paroles de tous les groupes politiques défendre le projet de loi d’extension du délai pour avorter à 14 semaines. Des Républicaines à la France Insoumise (j'ai peut-être manqué l'intervention du RN), on dirait que la même personne a écrit les textes. Tous font parler une Simone Veil intemporelle, momifiée, oubliant qu’à la fin de sa vie elle pavoisait aux couleurs du Mariage pour tous. Presque tous les députés qui s’expriment défendent la levée de la clause de conscience des médecins. Une députée pense que ça fera évoluer les mentalités. Une autre, qui me paraît plus raisonnable, dit que ça mettrait en péril la vie des femmes qui avortent. Au mépris du principe de précaution et de la liberté des médecins (déjà abîmée cette année par l’atteinte à la liberté de prescription), le texte a été voté.

Pendant ce temps, Dieudonné est interdit de salle, Hervé Ryssen dort en prison. Peut-être méritent-ils leurs déboires, car ils ont été condamnés pour antisémitisme ? Pourquoi ne pas enfermer dans ce cas, ou du moins interdire de représentation, ceux qui ont été condamnés pour des appels à la haine contre une autre minorité ? Je note seulement le deux poids deux mesures, car je voudrais la liberté maximale pour tous, et un organisme représentatif du peuple (on pourrait penser au tirage-au-sort parmi les citoyens pour le constituer) en lieu et place du CSA. En attendant que le capitalisme et l’État ne s’effondrent et que l’on puisse créer des médias indépendants, financés par leurs sociétaires et acheteurs.

J’écoutais l’autre jour Alice Coffin, qui explique que les hommes mènent la guerre contre les femmes. Je ne suis pas d’accord avec les termes avec lesquels elle s’exprime, mais je l’aime bien quand même car elle dénonce la tolérance de nos représentants envers la pédocriminalité. A mon sens, seuls les représentants, parce qu’ils nous représentent précisément, doivent voir leur liberté sévèrement encadrée. Il faut exiger d’eux la plus grande transparence, et une probité impeccable. Que le garde des Sceaux ne se soumette pas à la loi en refusant de déclarer son patrimoine, que le Président de la République, ancien banquier d’affaires, déclare un patrimoine fantaisiste, sont des injures à la République. Que la maire de Paris applaudisse Christophe Girard, ancien employé de Pierre Bergé ayant aidé Gabriel Matzneff, est moralement insupportable, non seulement parce que la pédocriminalité est insupportable, mais parce qu’il a utilisé des moyens publics pour octroyer et s’octroyer des privilèges.

Les réseaux sociaux sont de formidables injecteurs de moralité dans notre vie publique, car ils font remonter des faits que les journalistes n’aborderaient pas autrement. En revanche, il faut se garder de hurler systématiquement avec les loups. L'interdiction et la pénalisation de certaines opinions provoquera des radicalités violentes, ce qu’un Forum authentique devrait justement éviter. Pour éviter que les frustrations ne trouvent un exutoire dans la violence, il faut défendre la liberté des universitaires, des écrivains, des humoristes, des médecins et bien sûr la liberté d’expression la plus large pour tous. Car le pari de la démocratie, c’est que la controverse fait naître un juste milieu collectif.

 

1 : https://twitter.com/ADFH_asso/status/1311284504284327936?s=20

2 : https://twitter.com/SorbonneParis1/status/1311314642589888517?s=20


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