En dessous de cent mille, t’es plus rien !
par C’est Nabum
mardi 17 avril 2012
La surenchère des meetings en plein-air.
Si le Front de Gauche a lancé la mode du très grand meeting en plein air, ses rivaux se sont vite empressés de lui emboîter le pas, avec des fortunes diverses visant une barre imposée sous laquelle on frise le ridicule. En dessous de cent mille t'es plus rien. Alors, tout le monde s'arrange de l'absence de comptage officiel de la préfecture de police pour se prévaloir de ce total symbolique que Mélenchon a rendu incontournable depuis sa prise de la Bastille.
C'est l'occasion de se lancer dans le petit jeu des comparaisons, des ressemblances et des différences qui unissent dans leurs partis, les cheveux blonds, les cheveux gris. Et là, il faut reconnaître qu'il n'y a pas photo ! L'on devine au premier coup d'œil où l'on a mis les pieds.
D'abord la bataille des oriflammes. Le drapeau tricolore, exclusivement, uniquement, à bout de bras, chez les tenants du sortant, de la France silencieuse d'après les uns, de la France des possédants pour les autres. À regarder la foule, la moyenne d'âge atteste d'une belle longévité chez ces militants forts respectables. Des drapeaux multiples et variés, du tricolore aux différentes bannières qui annoncent un changement pour maintenant, un public plus jeune, des caméras qui aiment à s'arrêter sur les notables et les visages connus. Ailleurs, des étendards rouges d'abord, mêlés d'autres couleurs ensuite, pour une foule mélangée composée d'anonymes, des âges et des origines variés pour le nouveau courant qui sort de son lit.
Le décor est dressé, il faut mettre de l'ambiance, asseoir le succès populaire sur des ingrédients qui font mouche dans le cœur de cible. Chacun a sa méthode pour attirer le chaland. On facilite le transport, met à disposition des trains à des tarifs avantageux, car la SNCF est bonne fille pour le patron, on met en branle le réseau des militants pour faire mieux que les méchants d'en face, on en appelle à la réaction de la France silencieuse. On propose un spectacle, on invite des artistes, , on réclame la présence de tous les grands de la maison, on demande à un orateur d'ouvrir le bal et on glisse un clip à l'eau de rose pour présenter le futur président. Où on préfère le ras de marée humain, la mobilisation de la base qui s'organise et se finance pour venir encourager celui qui leur parle d'eux.
Il faut des chauffeurs de salle même si c'est dehors. Là, j'avoue mon ignorance sur ce qui se fait dans la maison Ump, il ne faut pas exagérer, je ne vais pas pousser le souci du détail jusqu'à fréquenter le diable. Du côté du PS, deux charmantes dames jouent les utilités ou les futilités de service ; elles ne font pas dans la nuance, elles représentent les meilleurs sans l'ombre d'un doute. Plus à gauche, la forme est presque semblable mais le contenu bien différent, l'animatrice évoque la campagne, parle du mouvement en marche, des espoirs sans jamais se penser le meilleur public au monde.
Puis il y a l'habillage visuel, le clip qui annonce le candidat lui-même. Sarkozy fait don de sa personne à la France, il est le président en exercice, ce qui, comme en match, est son principal problème. Hollande nous joue des violons pour un portrait confession à vous arracher des larmes. Mélenchon laisse la place aux bénévoles qui ont œuvré à la prise de la Bastille.
Cette fois, les choses sérieuses peuvent débuter. Seul face à la foule immense le candidat est presque nu. C'est du moins ce qu'ils veulent nous laisser croire car là encore, bien des différences dans la réalité.
Commençons par le sortant pressé d'en finir et qui nous fit le discours le plus court. Un texte soigneusement écrit et qu'il fallut tenir de la main gauche pour l'empêcher de s'envoler. Est-ce un signe prémonitoire ? Il scande son texte de sa dextre droite, une main galvanisée pour une harangue guerrière. C'est la foire au « Moi, je ». Parlez-moi de moi, il n'y a que ça qui m'intéresse. Un texte belliqueux, des propos durs, la peur qui suinte pour un peuple qui a tout à perdre si les hordes de gauche prennent le pouvoir. Après avoir cité Hugo et fait référence à De Gaulle, le beau parleur fait don de sa personne à sa France, sans se soucier du dernier qui nous a joué ce mauvais coup.
Le prochain président, c'est du moins lui qui l'affirme, a la voix cassée. Mauvais présage pour celui qui aspire à obtenir les nôtres et mène une bataille qui n'est pas dans ses cordes vocales. Il cherche à convaincre de sa bonne foi, il s'engage, il promet quand le tenant menace et accuse. Il fait un long, bien trop long catalogue et manque parfois de verve et d'envolées lyriques. Il est sincère quoiqu'un peu tristounet.
Pour les amateurs de jolis discours, d'une présence qui vous prend aux tripes, de bons mots et d'improvisation, il faut aller voir du côté du troisième homme. Les mots s'emportent, les phrases coulent, la lave ou le feu, la tempête ou la colère. C'est tout le répertoire classique qui défile, les grands, les poètes, les révolutionnaires ont trouvé un compagnon de joute. C'est beau, c'est drôle, c'est vachard parfois, c'est piquant et pertinent toujours.
Et puis il y a la foule, celle qui se presse pour voir son héraut, son favori, son champion, son seul recours. Il y a, c'est sûr, des interprétations bien différentes et chaque groupe voit midi à sa porte et attribue à son favori un rôle qui dépend des enjeux ou des intentions, des intérêts ou des rêves. Ce qui caractérise le plus ces foules si différentes ce sont les cris de rassemblement des uns et des autres.
Le peuple qui se prétend populaire scande exclusivement « Nicolas, Nicolas », attestant encore d'un culte de la personnalité que cinq années de pratique intensive n'ont pas affaibli. Faut-il qu'ils l'aiment ou qu'ils aient des intérêts communs avec ce personnage si contestable. Les soutiens du changement dès maintenant ne peuvent plus attendre, ils hurlent « On a gagné, on a gagné ! » comme s'ils fréquentaient souvent les stades. Ils ont déjà vendu la peau de l'ours. Les hordes sauvages aux drapeaux rouges scandent « Résistance, résistante ! ». Ayant un peu plus d'imagination que les autres, ils alternent parfois avec ce « On lâche rien ! » qu'ils se permettent de chanter.
Puis il y a le final, l'apothéose, le chant du coq. Pour les trois, « Vive la République, vive la France » sont des incontournables. Mélenchon ajoute malicieux, « Vive la Sociale », ce qui ferait frémir les deux autres. Leurs supporters entonnent tous la Marseillaise, on devine plus de ferveur patriotique dans le camp du Président. Le front de gauche lui associe l'Internationale, chanson improbable chez les deux autres.
Voilà, une vision à peine honnête de la partie de bras de fer du week-end. Mais, c'est une campagne politique et la mauvaise foi à sa place, c'est même la loi du genre. J'attends vos vision personnelles avec impatience.
Comparativement leur.