En direct des Gilets Jaunes de Martigues

par Ariane Walter
jeudi 22 novembre 2018

Quand Frank arrive chez moi, pour me demander si je peux l’aider à rédiger des tracts, il est épuisé, ému par les jours et les nuits qu’il vient de vivre. Il est sur tous les blocages de la région, en particulier celui de Lavera où aucun camion ni n’entre ni ne sort. 

Il ne peut retenir ses larmes quand il évoque Mamie Suzanne, une vieille dame des Antilles, qui les a rejoints « parce qu’elle ne veut pas rester assise à ne rien faire quand ce mouvement a besoin de soutien. » 

 Son barrage est calme et les automobilistes sont en grande majorité favorables. A ceux à qui l’on a dit : « C’est gentil le gilet et un coup de klaxon, mais revenez si vous pouvez ! », ils le font, ils reviennent avec du café ou de la nourriture. (Une fois du café avec du laxatif !) Ils ont trop de nourriture, même. Voilà pourquoi ce soir Frank initie des maraudes du côté des SDF.

Les représentants de l’ordre boivent aussi le café avec eux et leur disent : « Pliez bagage, on reste deux heures. Vous reviendrez après. »

On parle ensuite de l’autorisation du gouvernement à manifester samedi sur le champ de Mars mais la position des gilets jaunes du coin est de rester en place pour le « Vendredi noir du commerce ».

Guy Charroux, maire PC de Martigues, leur a proposé un car pour monter à Paris. 15 euros la place. Mais la plupart resteront. Voici quelle sera leur tactique : Ils ne bloqueront pas les carrefours. Les voitures et les acheteurs pourront circuler librement. Mais ils tendront des banderoles sur lesquelles ils noteront, devant Auchan, ou Leroy-Merlin, par ex, ce qu’il en est de cette famille Mulliez qui ne paie aucun impôt. Aller se fournir chez eux, c’est encourager un comportement qui appauvrit les peuples et ne bénéfice qu’aux actionnaires. 

La suite est claire. 

Les gilets jaunes ne cèderont pas. 

Les dockers des ports se joindront-ils à eux ? Ce serait le jackpot.

Mais qui sont ces gilets jaunes ? Frank est CGT, et il en a gros sur la patate en ce qui concerne l’engagement faiblard de son syndicat. Mais la CGT se réveille en ce moment. Ils veulent venir aux manifs avec leurs drapeaux mais les gilets jaunes refusent. Discussions.

Qu’en est-il des « fachos » ?

Il paraît qu’il n’y a que ça sur les barrages.

Ce serait gênant si c’était vrai car cela tendrait à dire qu’il n’y a que des fachos qui ont des couilles…

Frank vote FI. Et les uns face aux autres, ceux qui ne peuvent piffer le Pen et ceux qui ne peuvent piffer Mélenchon comprennent qu’ils sont dans le même sac qu’on s’apprête à jeter dans le grand fleuve des victimes de la misère. Les petits chiens qu’il faut noyer. Ce sont des Français qui parlent aux Français. 

(Ça me rappelle quelque chose.)

 

La photo : tout le barrage nocturne près de Lavera se regroupe autour de Mamie Suzanne, si connue à Martigues, en attendant l’aube d’un nouveau monde, simplement plus humain et plus respectueux de notre planète.

Bon. J’ai un tract à écrire pour distribuer demain aux automobilistes et une vidéo à faire pour expliquer pourquoi je soutiens ces incroyables, ces inattendus, ces courageux gilets jaunes, la floraison, le long de nos routes, de cet hiver du printemps !

France, mon beau pays, je suis fière de toi ! 

 


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