En une semaine, ils étaient trois

par Papybom
mercredi 20 janvier 2010

Des guerriers ? Je ne sais pas ! Mais des hommes, des êtres humains c’est une évidence. Morts en service ou accidents pour d’autres, pour paraphraser notre roi : Mourir n’est jamais facile !

En une semaine, trois militaires ont perdu la vie. Militaires de carrières, ils connaissaient le risque en s’engageant. Désignés pour partir en OPEX, c’est la perspective d’une rentrée d’argent supplémentaire. Ne plus finir le mois dans le rouge est une bonne chose actuellement. Mais quitter le rouge de la banque, pour un ruban rouge sur son cercueil, n’est jamais au programme.
 
Ne prenez pas ces militaires pour des mercenaires. Dans cette période de crise, l’armée est un travail, un emploi. Chômeur ou militaire ? C’est un choix matériel que je respecte. La gamelle des restos du cœur est-elle plus humiliante que la gamelle de la roulante militaire ?
 
Des hommes et des femmes s’engagent pour servir la France. Certes le risque existe. Mais le routier risque aussi sa vie au fil des kilomètres qu’il parcourt jours après jours. Mais il ne meurt pas loin de ses proches. Sa famille pourra récupérer son corps. Pour les militaires, la famille embrassera son cercueil !
 
Avec le temps, l’expérience et la baraka, ils espèrent passer au travers. Comme le grutier qui n’envisage jamais la chute. Attend moi, mon fils. Je reviens bientôt…
 
Pourtant, devant les images des honneurs, devant les cérémonies, mon estomac et mon cœur sont encore retournés. La nation fait bien les choses, les cercueils sont en chêne. C’est une belle image en les sortants de l’avion sous le drapeau tricolore. Mais c’est la seule image nécessaire pour la famille. Le reste, ils ne doivent pas savoir.
 
Dans une autre vie, j’ai préparé le retour aux familles des victimes de la guerre. Comme d’autres inconnus à ce jour, j’ai accepté la charge de responsable de la morgue, en milieu militaire. Par chance, ce n’est pas un emploi à plein temps, elle est juste prioritaire au cas où...
(Cette « charge » ne donne aucun droit à une prime et c’est une bonne chose !).
En acceptant cette mission, qui n’est jamais imposée, je n’ai songé qu’à l’humain. Au triste privilège d’être celui qui rendra un dernier hommage à ce corps. En accomplissant au mieux cette mission, je remplaçais la famille. La famille en pleurs devant un coffret de chêne hermétiquement fermé à leurs regards.
 
Sans rentrer dans les détails morbides et techniques, pour rapatrier un corps les directives sont imposées. Le corps repose dans un cercueil de zinc, dans un mélange de sciure et de charbon de bois. Ensuite, le couvercle est soudé manuellement par le responsable. Un représentant du gouvernement et un autre de l’aviation, doivent attester de la rigueur de l’opération. Pas de fuite possible.
 
Enfin, le container sera placé dans son habillage de chêne et scellé. Prêt pour les honneurs militaires, auxquels je n’assistais jamais.
 
Si la mère, la femme et la famille d’une victime se posent des questions, que ce témoignage les apaise. Celui qui a pris soin de votre proche, est un humain respectueux de votre peine. En préparant son corps, en l’habillant, c’est à vous qu’il a pensé. Mais il ne cherchera jamais à vous rencontrer, et vous ne saurez jamais son nom. C’est mieux ainsi.
 
Il ne lui reste qu’à essayer d’oublier les visages, pas toujours facile…
 
Par respect pour eux et leurs familles, évitez les commentaires déplacés ! 
 
 
Illustration : http://fanset8.blogspot.com/2009_03_15_archive.html. Volontairement, ce n’est pas une photo de militaires Français.
 

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