Entre Chirac et Sarkozy, la haine... du partage des commissions
par morice
mercredi 9 mars 2011
Il est évident que sous les sourires de circonstance, on a affaire avec Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy à deux bêtes politiques prêtes à tout pour y arriver. L'un a trahi le gaullisme pour y parvenir, l'autre a fait un hold-up organisé avec quelques députés pour s'emparer du parti du premier. Entre les deux, ce n'est pas le parfait amour, loin de là. Pour la bonne et simple raison que nos deux utilisateurs de fauteuil présidentiel se sont écharpés à plusieurs reprises sur des histoires de gros sous. En France, c'est comme aux Etats-Unis désormais : pour faire campagne présidentielle, il faut de l'argent. Beaucoup d'argent. Si Jean-Marie LePen avait trouvé un moyen efficace de s'en procurer (tenir la main d'un mourant et lui faire signer sept versions successives de l'héritage, chacune l'avantageant davantage !), nos deux lascars ont dû faire preuve d'imagination pour remplir leurs caisses de campagne. Retour sur un de ces épisodes particuliers de cette rivalité toute financière entre les deux hommes...
La leçon a bien été retenue par son successeur. Le gag, en effet, c'est que 30 ans après, tenez vous bien, la France vient juste de reproposer les mêmes Mirages à l'Irak... (on a la bonne méthode, il paraît, pour convaincre les acheteurs !) et devinez qui en a fait la déclaration officielle ? Vous avez deviné, c'est notre "slipocrate" comme l'a moqué le Canard Enchaîné, le "petit arabe" de Sarkozy (qui le surnomme ainsi paraît-il !) : l'ineffable Boris Boillon ! "l'Irak doit protéger sa souveraineté et pour ce faire, la France a proposé de vendre 18 Mirage F1 rétrofités qui peuvent être livrés dès la fin 2011 et immédiatement opérationnels, car beaucoup de pilotes irakiens ont été entraînés dans le passé sur ce type d'appareil", avait-il dit sans sourciller du haut de sa morgue bien connue. Le prix annoncé étant d'un milliard de dollars. "Ce prix modeste n'obèrera pas la capacité financière de Bagdad d'acheter des F-16 américains (...). Cette vente s'inscrit dans la cadre d'une proposition sur un plan global militaire aérien que la France a soumis à ce pays". Boillon rêve éveillé, comme son président : le F1 qu'il annonce revient donc à 55 millions de dollars pièce. Les roumains, dernièrement, ont acheté leurs F-16 (d'occasion) pour 1 milliard aussi, mais pour 6 appareils de plus ! Les américains annoncent leurs Hornets aux brésiliens à 5,7 milliards contre 6,2 pour le Rafale...et de toute façon ; ce n'est pas pour cette année ! Et les irakiens, leurs Mirages, ils les ont déjà payés !
Un gâteau qui pour Chirac demeure en effet suffisamment vaste : "Du temps de Chirac, dans les années 1980 et jusqu'au début des années 1990, la Ville de Paris présentait un budget excédentaire d'un milliard de Francs par an. Un milliard. C'était un milliard d'argent de poche pour le maire Chirac, et comme celui-ci est d'un naturel empathique, il n'hésitait pas à en faire profiter des quantités de gens : électeurs de Corrèze, journalistes, réseaux divers, barbouzes de tous échelons, communautés, fils de, cadres sportifs, trouvaient des emplois pas toujours douteux auprès de la Ville," peut-on lire ici-même. Un gâteau qui continue à être exploité par l'adversaire, selon les méthodes débutées par De Broglie (voir notre épisode précédent). Le gouvernement d'Edouard Balladur, sous la cohabitation, donc, réusissant à conclure des contrats militaires juteux, le principe des commissions, que le gouvernement précédent a utilisé avec les Frégates de Taïwan, et où beaucoup de morts on jonché l'enquête qui a suivi leur conclusion, le même procédé dit de "rétro-commission". Pour résumer, on accorde à des intermédiaires bien placés de juteuses commissions, qui acceptent en retour d'en verser une partie à celui qui est à l'origine du contrat. Or depuis la loi du 29 septembre 2000, il est interdit aux sociétés françaises de verser des commissions à des agents publics étrangers pour les inciter à signer des contrats, de telles pratiques étant alors automatiquement assimilées à de la corruption pure et simple. Et l'enquête à démontré que les paiements, notamment à la société Heine, qui a servi d'écran, se sont étalés jusque 2004 au moins. Et le dernier sous-marin ; construit lui aussi sur place (seul le premier a été construit en France), a été livré... en 2008 seulement !
L'enjeu ne porte pas que sur les sous-marins. Deux autres contrats seront signés, dont celui, "abracadabrantesque", pour l'achat de drones israéliens, des RQ-5 Hunter acheté à Israel Aircraft Industries (IAI). L'engin, qui a volé pour la première fois en février 1994 sera une catastrophe en opérations : plusieurs (7 exactement) seront perdus lors de crashs. Sa maintenance est un cauchemar : toutes les 25 heures de vol il est bon pour la révision complète et ses deux moteurs, au départ des Moto Guzzi bicylindres, ne tiennent qu'une centaine d'heures maxi ! (***). La bagatelle de 62 engins, pourtant construits et achetés par les Etats-Unis, resteront cloués définitivement au sol : personne n'en voulait plus. On a ressortira quelques uns pourtant pour le Kosovo, où trois seront abattus par des missiles Strella. Un achat donc plutôt... étrange (sa chaîne de production sera arrêtée dès 1996, soit trois ans AVANT son arrivée en France, qui reçoit donc ceux qui avaient été mis sous cocons comme invendus !) : "Les drones Hunter étaient destinés à la toute nouvelle Direction du renseignement militaire (DRM), mais celle-ci se montrera pour le moins réticente en raison des très médiocres qualités de l’engin. Quatre appareils seront finalement acquis, par l’entremise d’un agent à la fois bien introduit en Israël et très en vue sur la place de Paris, où il exerce alors le noble métier d’éditeur. Les drones arriveront en France en 1999, sans jamais quitter leur affectation au Centre d’expériences aériennes militaires (CEAM) de Mont-de-Marsan, sinon pour effectuer quelques missions au-dessus du Kosovo, en 1999, et lors du G7 d’Évian en 2003," nous explique Guisnel, qui ajoute, non sans malice : "curieusement, au moment même où la France procédait à l’acquisition de ces engins israéliens, la société Sagem vendait des drones SDTI (Système de drone tactique intérimaire) aux Pays-Bas, sous la marque commerciale Sperwer. Une telle démarche, consistant à acheter des drones en Israël tout en exportant simultanément des engins de fabrication nationale, aux capacités certes différentes mais que les armées françaises n’avaient alors pas acquis, a beaucoup intrigué. Certaines sources militaires françaises évoquaient à l’époque des « intérêts commerciaux personnels de politiques » dans cette affaire. Sans plus de détails, comme souvent." Bref, le contribuable français, via François Léotard, va acheter des engins dont il n'a nul besoin et qui ne serviront jamais... à part de renflouer via des commissions versées le parti du commanditaire... pour ce qui est du troisième contrat, bien plus juteux encore, je vous en parlerai plus tard, si vous le voulez bien....
N'en jetez plus, ils sont tous passés, et ont donc tous vu les billets s'accumuler ! « Je pensais alors qu'il s'agissait de fonds secrets de Matignon. Tout le monde, au QG, le subodorait », dit-il. « Même si nous n'en parlions pas à l'époque, la thèse selon laquelle cet argent liquide pourrait provenir de rétrocommissions liées aux contrats d'armement me paraît également plausible. En tout cas, elle doit être explorée », poursuit le candide Alexandre Galdin, le fameux porteur de valises. Là c'est pire encore : le gars qui allait déposer les liasses pensait que c'était le gouvernement de l'époque qui payait sa propre campagne avec les fonds... de l'Etat ! Et il n'y trouvait rien à redire... Chirac ayant déjà puisé avant dans le même coffre... Mais cette fois on est en face de sommes qui vont devenir astronomiques : "Le 26 avril 1995, le volume d'argent (déposé à la banque) était tel que ce n'est pas une mallette mais une valise en faux cuir marron, de très mauvais goût, que j'ai apportée à la banque", enfonce Galdin, évaluant à « peut-être 3 millions de francs, soit l'équivalent de six mallettes », le montant de ce dépôt". "Ce jour-là, le trésorier de la campagne Balladur, René Galy-Dejean, l'accompagnait, dit-il". Ah, là, ça devient difficile de nier la liaison entre les balladuriens et l'argent frais débarqué d'on ne sait où... depuis, René Galy-Dejean s'est retrouvé face à Jean-François Lamour, le parachuté de sa propre circonscription, et a même été viré de son parti pour ne pas l'avoir accepté de gaieté de cœur... qu'attend-il donc pour parler ? 79 ans, c'est l'âge de se lâcher, non ? Qu'il le vide donc, son sac !
(***) avec le MQ-5B de 2003, on passera à deux moteur Mercedes bicylindres qui permettront d'atteindre 75 heures entre révisions et 300 heures par bloc moteur.