Eric Besson en charge de la fameuse « TVA sociale »

par Jean-Michel Aphatie
jeudi 14 juin 2007

Éric Besson, secrétaire d’État chargé de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques, était l’invité de RTL, ce matin, à 7 h 50.

Le Premier ministre l’a chargé d’une mission d’évaluation sur la désormais fameuse TVA sociale. Sur RTL, ce matin, Eric Besson a assuré qu’il ferait son travail sans préjuger des conclusions sur la mise en place ou pas du dispositif.
Rapidement, sur la technique elle-même. La TVA sociale est un mécanisme qui revient à alléger les charges patronales prélevées pour le financement de la sécurité sociale et la politique familiale, et à augmenter, en contrepartie, le taux de TVA sur des produits de consommation courante pour compenser le manque à gagner pour les organismes sociaux.
Les bénéfices et les écueils de la réforme sont connus. Alléger le coût du travail peut permettre des embauches. Il est aussi une armée pour la compétitivité des entreprises, notamment à l’export. En contrepartie, le risque existe d’une augmentation des prix pour les produits qui verraient leur taux de TVA passer de 19,6% à 24,6%, hypothèse retenue jusqu’à présent. Ce qui, outre un effet dépressif sur la consommation, pourrait déclencher des revendications salariales susceptibles de ruiner, si elles étaient satisfaites, le maigre gain obtenu par les entreprises sur les coûts de production.


On l’oublie souvent, mais l’économie est une machinerie complexe où les tuyaux connectés en permanence les uns aux autres produisent des effets qui peuvent être exactement contraire aux buts poursuivis.

En bref, la TVA sociale, il y a du pour et du contre, et c’est dans cette obscure clarté que le gouvernement devra prendre une décision.

Pratiquement, là, tout de suite, le débat sur la TVA sociale justifie deux remarques de statut et niveau différent.

D’abord, elle témoigne d’une certaine incohérence dans l’approche des problèmes économiques de la France par le gouvernement.
La détaxation et la défiscalisation des heures supplémentaires, la défiscalisation des intérêts des emprunts, constituent deux mesures qui visent à soutenir la demande des consommateurs. C’est une politique classique en France, menée en 1981, 1995 et 2002, et qui a, à chaque fois, mis nos finances publiques à plat et abouti, à plus ou moins brève échéance, à des corrections de cap qui ont suscité de l’amertume et du désarroi. Ce n’est quand même pas pour rien qu’à chaque élection depuis 1986 en France, le pouvoir exécutif est remercié. Un phénomène qui n’existe dans aucune autre démocratie.
Donc, Nicolas Sarkozy et François Fillon ont classiquement inauguré leur action politique par une politique de soutien à la demande. Maintenant, survient la question de la TVA sociale. Elle est exactement l’inverse, un encouragement à l’offre, c’est-à-dire tournée vers les conditions de production et posant la question, cruciale, de la compétitivité des entreprises. Là où une politique contredit l’autre, c’est que le pouvoir d’achat que l’on a voulu donner aux consommateurs par la défiscalisation, le pouvoir peut être amené à le reprendre par l’augmentation de la TVA.

C’est à des indices de cette nature que l’on comprend que les gens qui nous gouvernent sont géniaux puisqu’on ne comprend pas bien la pente de la logique qu’ils privilégient pour régler nos problèmes.

Deuxième remarque, celle du moment. Confier une mission sur la TVA sociale, objet explosif, dans un entre-deux-tours d’élection, c’est faire un formidable cadeau à l’adverse. La gauche, qui ne savait pas quoi dire dans cette campagne électorale, a sauté sur l’occasion depuis deux jours. Une dépêche AFP éditée à 17 h 18 hier est titrée ainsi : "Un bandeau du PS dans toutes les fédérations socialistes : votez contre la TVA à 24,6 %".
Concrètement, cela veut dire que, par exemple, Arnaud Montebourg, ou bien Julien Dray, ou bien DSK, peuvent trouver dans ce débat la petite part d’oxygène qui leur amènera les quelques électeurs qui, dimanche prochain, pourraient faire la différence en leur faveur.

Les plus retors des lecteurs de ce blog jugeront peut-être que c’est fait exprès, que la politique qui n’est jamais selon eux que le produit de mille et un calculs, a imaginé ce coup à dix-huit bandes pour sauver des personnalités adverses afin, par exemple, que la zizanie demeure dans le PS, ou une toute autre raison que des imaginations enfiévrées trouveront sans peine.
La réalité me paraît plus prosaïque. Une succession de maladresses et une mauvaise maîtrise des sujets, une préparation plus approximative des dossiers aussi, contrairement aux discours officiels qui nous serinent que tout est prêt depuis deux ans, ont abouti à cette bizarrerie qui voit un pouvoir ouvrir un dossier complexe et électoralement à quatre jours d’un deuxième tour de scrutin législatif.

Pour une rupture, c’en est une.


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