Essence : Christine Lagarde doit prendre rendez-vous avec elle-même

par Aimé FAY
lundi 5 novembre 2007

Alors que le baril de brut dépasse les 90 dollars, Christine Lagarde veut rencontrer de toute urgence les pétroliers, voire les pays de l’OPEP. Du calme ! Comme si c’étaient eux les seuls responsables de la flambée des prix du litre d’essence à la pompe. Notre nouvelle ministre ne sait peut-être pas encore que la personne responsable de cette hausse est essentiellement... elle. Dans cet esprit, elle ne peut plus se fourvoyer dans de nouvelles erreurs de jeunesse. Notre ministre doit de toute urgence prendre rendez-vous avec Bercy.

Go ahead Christine ! We are waiting for you.

Cependant, avant d’aller à Bercy, Christine Lagarde doit enquêter afin de savoir qui s’en met plein les poches sur un baril de pétrole quand il devient baril d’essence.

Simple ! Sachant qu’en moyenne un litre d’essence de 95 sans plomb coûte aujourd’hui 1,30 € soit 1,87 $, on a le tableau suivant :

type de produit à

pétrole brut

essence 95

prix du baril (159 l) à

90 $

298 € (*)

(*) calcul : 159 litre x 1,30 x 1,44 (cours du €/$) = 298 $

La marge, entre le brut acheté et le produit raffiné vendu à la pompe, est de 208 $ (298 - 90). Où passe cette marge ? Quel est le prédateur ?

Sachant qu’en France le poids des taxes sur un litre d’essence est de 75 %, la répartition sur un baril d’essence, entre l’Etat et les raffineurs-vendeurs, est au minimum la suivante :

bénéfice de l’Etat sur un baril d’essence à

75 % de 208 =

156 $

part des pétroliers sur un baril d’essence à

25 % de 208 =

52 $

Donc, le bénéfice de Bercy sur un baril est 3 fois plus important que la part prise par les pétroliers pour raffiner, distribuer et marger.

La prédation de Bercy est vraiment sans borne, car lui, l’Etat, n’a aucune charge sur ses 75 % de profits.

Donc, si Christine Lagarde veut faire baisser les prix à la pompe, elle doit réduire sa marge. Si elle obtient, d’elle-même, seulement 10 %, cela fera économiser 15 € par baril d’essence, c’est-à-dire 9 centimes par litre, à tout agent économique qui en consomme : pêcheur, transporteur, agriculteur, travailleuse et travailleur de la route...

En conséquence, notre ministre n’a pas le choix. Elle doit rapidement s’appeler elle-même pour se fixer son propre rendez-vous.

Par ailleurs, avant de faire croire aux Français, de manière spécieuse, que la hausse du prix de l’essence est principalement due aux vendeurs du produit, ayez le courage, madame Lagarde, d’un instant d’introspection. Quand le baril augmente, le grand gagnant est l’Etat, c’est-à-dire vous. Arrêtez de prendre continuellement les Français pour des demeurés en leur disant que c’est toujours de la faute des autres : de l’euro trop fort, de la BCE trop indépendante, du yuan trop faible, des grandes surfaces trop impériales et, maintenant, du baril trop haut, des pétroliers trop gourmands et des pays de l’OPEP trop enclins à préparer leur avenir.

Alors, au-delà de toutes ces jérémiades qui n’intéressent plus personne, soyez pragmatique et rétablissez le principe de TIPP flottante.

Certains secteurs économiques commencent à souffrir. Certains vont mourir. L’Etat dispose de moyens financiers importants. Vous avez dit, en août, que la France allait très bien. Alors, profitez-en pour faire un geste.

Il y a urgence. Vous le savez. Vous ne pouvez plus attendre. Une essence trop chère risque de compromettre la croissance économique de notre pays. Notre croissance a besoin d’une bouffée d’air frais. Surtout d’un air moins pollué par les taxes diverses et variées dont souffrent structurellement tous les moteurs de développement de notre pays. Vous espérez encore une croissance de 2 % en 2007. Alors, ayez le courage de vous en donner les moyens économiques et aussi politiques.

Madame Lagarde, la France et sa croissance comptent sur vous pour éviter l’asphyxie.

Now then Christine, face up to things. Make a date with yourself. As soon as possible. We should hope so !

Photo : © Charles Platiau / Reuters

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