Et Après ? (part 3)

par Olivier Perriet
vendredi 6 septembre 2019

 Suite de la série-fiction sur les issues envisageables du quinquennat Macron, avec des hypothèses plus « conventionnelles », fondées sur un clivage « droite-gauche » qui pourrait fort bien survivre au « macronisme » 1.

 

Hypothèses n° 3 : Un nouveau Mitterrand (ou l’heure de Jean-Luc Mélenchon) ?

 

On l’a vu, le Macron de 2017 a enfourché le vieux discours centriste unanimiste qui prétendait être « en même temps » de droite et de gauche pour « surmonter les vieux clivages inopérants ».

Difficile toutefois de soutenir qu’en matière économique et sociale, la politique de Macron doivent beaucoup aux fondements (bons ou mauvais, justes ou démagogiques, là n’est pas la question) de ce qu’on nomme « la gauche ».

Malgré la crise des gilets jaunes, qui a révélé une forte demande de protection sociale, il a spectaculairement et continuellement feint de croire que son programme d’adaptation néo libérale, aussi convenu que destructeur, avait été approuvé par 65 % des électeurs du 2e tour.

On l’a dit aussi, les européennes ont montré que le Macron de 2019 est porté par une clientèle conservatrice et aisée, celle qui a fait François Fillon, son programme punitif et son échec final.

Difficile là aussi d’imaginer qu’après 5 ans, les Français n’essaient pas de déplacer le curseur.

 

Le potentiel électoral existe : les 29 % d’électeurs de François Hollande en 2012 ne se sont pas évaporés, pas plus que, en 2017, les 19 % de Jean-Luc Mélenchon ajoutés aux 6 % de Benoît Hamon.

 

Et, à ce jour, qui d’autre que Jean-Luc Mélenchon ?

Objectivement, pas grand monde dans le milieu politique, et encore moins à gauche, ne peut se vanter d’avoir mené un tel travail, et d’avoir autant bougé les lignes.

Apparatchik socialiste pendant des décennies, ayant quitté sur le tard son parti, en 20082, pour atterrir parmi les (beaux) restes militants du parti communiste, il réussit, en 2012, à rassembler autour de lui l’essentiel des groupuscules de la gauche « mouvementiste ».

La stratégie paye, près de 12 % des voix le suivent, les autres candidats trotskistes sont ramenés à pas grand chose.

Nouvelle posture en 2016, où il se présente en tribun charismatique qui parle directement au peuple en dehors les chicaneries partisanes 3.

Parti de quelques pourcents dans les sondages, il bénéficie de l’effondrement d’un parti socialiste vidé par 5 ans de hollandisme, une « Primaire » tard venue et une candidature improvisée. Il termine à presque 20 %, seulement 4e mais juste derrière Fillon et à une marche de Macron.

 

Les résultats forts décevants des dernières européennes, où la liste France insoumise retrouve un étiage à 6 % ne semblent certes pas confirmer cette 3e hypothèse.

Il est vrai que certains atouts du « tribun Mélenchon » peuvent se retourner contre lui.

Ainsi des soutiens gauchistes ou indigénistes, des discours démagogiques sur les bienfaits de l’immigration, ou des coups de menton autoritaires, qui, s’ils ont séduit le noyau dur de la première heure, risquent d’être rédhibitoires pour prétendre rassembler large.

 

Comment élargir sa base sans paraître renier ses premiers soutiens, tel est le dilemme, mais il reste encore du temps pour corriger le tir, et soyons sûrs que Mélenchon, qui sait que la 3e fois risque d’être la dernière, y réfléchi fortement.

D’aucuns ont ainsi pu prétendre, avoir « changé » dans la dernière ligne droite, ce qui était faux, évidemment, mais qui faisait au moins une preuve qu’ils avaient un minimum entendu certaines critiques.

 

À rebours de « l’archipellisation » française évoquée par Jérôme Fourquet, le mouvement des gilets jaunes pour brouillon qu’il ait été, a (ré)affirmé la volonté qu’on croyait noyée dans la mondialisation d’une (ré)union nationale à tendance unanimiste (rappelons nous le « 80 % des Français sont d’accord avec nous » des débuts), traduite par des propositions ou des slogans plastiques très (trop) consensuels, presque hors du politique (démocratie directe et RIC dans lesquels chacun peut mettre ce qu’il veut, hostilité envers des « paratonnerres institutionnels » - Macron, impôts, violences policières, éventuellement très très riches - qui permettent à l’immense majorité de ne pas se sentir visée).

En mettant en première ligne un changement institutionnel qui a l’avantage d’éviter les questions qui fâchent, Constituante bavarde et 6e République parfaite à venir, le programme « insoumis » de 2017, quoi qu’on en pense, était sans doute le plus proche de ce qui est survenu 2 ans plus tard. Y compris dans la forme et les attaques grossières contre le président.

Alors, même si les résultats électoraux n’ont pas suivi immédiatement4, qui peut dire aujourd'hui que l’ombre portée des gilets jaunes ne profitera jamais à celui qui demeure la personnalité majeure à gauche ?

 

À suivre.

 

1 Tout comme il a semble-t-il survécu à l’alliance entre les mouvements « alternatifs » italiens, la récente rupture entre la Ligue et le Mouvement 5 étoiles pouvant en tout cas s’interpréter comme un réalignement selon le clivage « droite gauche », puisque Salvini prévoyait de trouver ses alliés « à droite », tandis que le Mouvement 5 étoiles s’est finalement rapproché des « démocrates de centre-gauche ».

2 Voir https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/jean-luc-melenchon-candidat-au-109769

3 Ne dites pas aux mélenchonistes qu’il s’agit d’une approche somme toute gaulliste de la légitimité politique !

4 Une analyse plus optimiste du résultat des européennes serait d’ailleurs qu’il traduise, plus qu’un franc rejet du mélenchonisme, l’attentisme des Français.


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