Et maintenant, au tour d’Allègre !
par DeClèvesPrincesse
samedi 23 mai 2009
Ou pourquoi les personnalités de gauche qui acceptent l’ouverture perdent leurs âmes et trahissent tous ceux qui ont cru en eux.
L’hypothèse semble se confirmer, selon les toutes dernières déclarations du député socialiste Pierre Moscovici : Claude Allègre serait la dernière prise du gouvernement Sarkozy. Et un de plus, diront certains, non sans amertume…
En acceptant de prendre la tête du nouveau ministère de l’Innovation et de l’Industrie, l’ancien ministre de l’Education Nationale du gouvernement Jospin ne fera que rejoindre la cohorte déjà nombreuse de ceux qui ont trahi leurs convictions en cédant aux sirènes de la Sarkozie.
Bernard Kouchner, Eric Besson, Fadela Amara, pour ne citer qu’eux, avaient déjà ouvert la brèche dans l’opposition en acceptant de rejoindre l’équipe gouvernementale au lendemain des élections présidentielles de 2007. Depuis, le premier qui décidément n’en finit plus de renier ses convictions de gauche, vient d’annoncer qu’il voterait UMP aux prochaines élections européennes, et le second, nouveau champion hyper-zélé de la lutte contre l’immigration, est tout simplement en passe de devenir le plus grand expulseur de l’histoire de France.
Mais les électeurs de gauche n’en ont pas fini de boire le calice jusqu’à la lie. Il leur faut aussi assister au retournement politique de certains grands journalistes qu’ils aimaient tant à lire. La semaine dernière dans le Nouvel Observateur, Jean Daniel offrait à ses lecteurs un compte-rendu de l’entrevue gastronomique qu’il avait eu avec Nicolas Sarkozy dégoulinant d’obséquiosité et d’admiration à peine déguisée. On apprenait dans le même temps que Philippe Val quittait l’hebdomadaire satirique Charlie-Hebdo pour rejoindre l’équipe de son ami J.L. Hees, lui-même nouvellement nommé à la Direction de Radio France par le Président de la République.
Pour tout dire, la pilule est bien amère à avaler pour le quidam de gauche. Comment accepter que des hommes qui ont défendu les valeurs du socialisme, qui se sont fait élire sur des programmes socialistes, qui ont écrit dans des journaux de gauche, puissent être ainsi séduits par un homme qui reste la figure de proue d’une droite dure et décomplexée, celle-là même qui a mis en place le bouclier fiscal au profit de quelques puissants et attise les vieux démons sécuritaires à chaque nouvelle élection ? Comment admettre que des intellectuels, des anciens défenseurs des valeurs républicaines acceptent, par leurs nominations ou leurs billets doux, d’ébranler les piliers de la République que sont la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la presse ?
Ces voltes-faces sont lourdes de conséquences car elles apportent de l’eau au moulin de tous ceux qui affirment qu’en France, les élites politiques sont plus préoccupées par la préservation de leurs intérêts personnels que par ceux de leur pays. Ces trahisons journalistiques ne font que confirmer l’idée qu’il existerait en France une collusion honteuse entre le pouvoir et les médias, et que notre démocratie se porte bien mal. Loin d’être une preuve d’ouverture, ces ralliements contre-natures sont le signe que le gouvernement actuel maitrise au plus haut point l’art de diviser et d’étouffer la presse et l’opposition.
Mais il faudrait être sourd et aveugle pour ne pas constater que dans les rues ou sur les forums virtuels, le peuple français s’exaspère contre ceux qui s’empiffrent à tous les râteliers alors que lui-même est prié de se serrer la ceinture. A force de jouer à ce petit jeu-là et de ne pas être fidèles à leurs convictions, à force de jouer la carte de l’opportunisme et de retourner sans cesse leur veste, nos élites sont en train d’attiser le sentiment de frustration et de trahison qui prédomine aujourd’hui au sein de la population française. En période de crise historique, voilà qui pourrait vite devenir explosif.