Et si Emmanuel Macron avait (un peu) raison ?

par VINCENT
mardi 19 juin 2018

 

Avant toute chose, je voudrais préciser deux choses : la première est que je ne suis pas un macron-addict ni un fan en devenir, la deuxième est que je suis moi-même (et bien malgré moi) bénéficiaire de minimas sociaux.

Ces derniers jours, le Président Emmanuel Macron a accumulé les annonces, que beaucoup de citoyens voient comme autant d’attaques contre les plus faibles (en faveur des plus riches, ça va de soi). La dernière en date concernant la réforme des aides sociales, et une autre dont j’ai pris connaissance aujourd’hui consistant à mieux contrôler les bénéficiaires de l’A. A. H. (encore que je demande confirmation de cette dernière info).

Comme dit en introduction, je suis moi-même bénéficiaire du RSA, et je vous épargnerais les détails de ce qui m’a conduit puis enfermé dans ce système. Bénéficiaire du RSA, donc, et pourtant.

Et pourtant, je me dis que, sous certaines réserves, tout n’est peut-être pas à jeter - ni dans le caniveau ni à la vindicte populaire – dans ces annonces présidentielles.

Je n’ai pas la prétention de détenir la Vérité, puisque par nature, elle est plurielle, je vais donc me contenter de donner mon avis et mes pistes de réflexions.

Tout d’abord, concernant les minimas sociaux, je n’ai pas souvenir (si ce n’est la phrase « un pognon dingue » qu’Emmanuel Macron aie parlé de les baisser. J’ai surtout le souvenir d’un débat plus large qui explique, et je le confirme, que tout cet argent distribué n’a pas atteint son objectif. Et mon expérience personnelle me démontre qu’il a même été bien souvent dévoyé par les personnes qui, précisément, devait assurer le contrôle et/ou l’accompagnement des bénéficiaires. J’en arrive même à regretter que Monsieur Macron n’aie pas abordé la question des fraudeurs (minoritaires, certes, mais existants).

Pour ceux qui ont la chance de n’avoir jamais eu besoin des minimas sociaux, de tels propos venant de la part d’un bénéficiaire peut surprendre, et j’espère vous éclairer un tant soit peu ici.

Concernant le RSA, il a deux vocations. La première est d’attribuer au bénéficiaire un revenu minimum de subsistance qui, même associé à l’allocation logement, reste en deçà de la moitié du seuil de pauvreté (pour une personne seule sans enfant, comme moi). La seconde est de permettre un retour à la vie active, que ce soit en retrouvant un emploi ou en créant son activité. Sauf que, ce qui me conduit à dire que le RSA est mal utilisé, ce n’est pas par les bénéficiaires (bien que je constate chaque jour ou presque que certains ne sont pas sans reproches), c’est que d’une part, une bonne partie des personnes éligibles au RSA ne le demandent pas parce qu’ils ne savent même pas qu’ils y ont droit ; et que d’autre part, l’accompagnement individualisé prévu est au mieux incomplet et/ou incompétent, au pire inexistant. Et je reviendrais sur ce dernier point plus en détail dans un autre billet.

Le sujet du contrôle des chômeurs et des bénéficiaires de minimas sociaux n’est pas nouveaux, je crois même qu’il est aussi vieux que la création des minimas sociaux eux-mêmes. Et c’est en cela que je dis que le Président a un peu raison (mais pas trop). Je suis favorable au contrôle, d’une part parce que c’est un pré-requis pour responsabiliser les bénéficiaires, et ce n’est que comme cela que l’on pourra faire le distinguo entre les bénéficiaires respectueux des testes et les fraudeurs qui coûtent aux contribuables au détriment des bénéficiaires et de celles et ceux qui seraient en situation de pouvoir bénéficier de ces aides. D’un autre côté, traquer les fraudeurs (comme le faisait la CAF à une époque) permettrait que les « bons » bénéficiaires ne soient plus pointés du doigts comme des parias.

Concernant une décision du Conseil d’État qui autorise le Haut-Rhin à demander des heures de bénévolat aux bénéficiaires du RSA, je n’y suis pas contre, à la condition là aussi que ce ne soit pas uniquement pour compenser les emplois aidés supprimés par Emmanuel Macron. J’y suis favorable parce que, au bout d’un moment, surtout quand l’accompagnement fait défaut, le bénéficiaire se retrouve désocialisé, et plus le temps passe, plus il se retrouve éloigné des réflexes de l’emploi. Et, à quelques très rares exceptions près, je ne connais aucun bénéficiaire qui se satisfasse de rester toute la journée chez lui.

Faire quelques heures de bénévolat, c’est pour moi – ça devrait être – l’occasion pour le bénéficiaire de reprendre confiance en soi, c’est lui donner le sentiment d’être utile, d’être (un peu) acteur de sa vie, et c’est rendre à la société un peu de ce qu’elle lui donne. Mais ça ne doit pas être le remplacement gratuit des emplois aidés supprimés, et ça doit être aussi avec un contrôle accentué des associations ou des collectivités qui feraient appel à ces bénévoles. D’ailleurs, je n’ai pas attendu que les politiques en parlent pour que je pratique.

D’ailleurs, cette idée peut poser question. Du temps du RMI, il était interdit de faire du bénévolat parce qu’il devait se consacrer à plein temps à la recherche active d’emploi (sauf circonstances exceptionnelles prévues par la loi), et il me semble (sous réserve) qu’il en est de même depuis l’arrivée du RSA. Donc, à moins que cette dérogation du Conseil d’État ne tienne qu’à la législation propre à l’Alsace-Lorraine, il faudrait, pour appliquer cette décision à tout le territoire, corriger la loi existante.

Concernant l’A.A.H, je suis surpris de voir avec quelle facilité, dans ma ville, certains bénéficiaires des restos du cœur obtiennent cette allocation alors qu’ils sont aussi handicapés qu je ne suis danseuse étoile. J’en ai vu arriver en fauteuil roulant électrique marcher miraculeusement pour entrer dans le bar tabac de ma rue. J’ai vu des quasi-aveugles recouvrer la vue pour conduire le week-end pour aller en boîte de nuit, j’en ai même vu qui ne pouvaient pas rester debout plus de 10 minutes courir comme des lapins de garenne pour attraper le bus ou le tramway. Et d’ailleurs, il y a même un médecin qui s’est spécialisé dans les certificats médicaux de complaisance dont le cabinet se situe à quelques dizaines de mètres de l’ordre des médecins.

Je suis surpris et dubitatif de voir que l’alcoolisme et la dépression ouvrent droit à l’A.A.H. quand certains amputés se la voient refusée. Certains me répondront (d’autres l’ont même déjà fait) que l’alcoolisme est une pathologie lourde et permanente en plus d’une addiction. Dont acte, mais à ce moment-là, autant ajouter le tabagisme.

Là encore, je suis favorable au contrôle pour les mêmes raisons que le contrôle du RSA : la lutte contre les fraudeurs et la redistribution de ces économies ) destination de celles et ceux dont la situation nécessite le versement de ces prestations.

Mais ce contrôle ne doit pas aller dans un seul sens. Et il n’aura de sens et d’effet que si et seulement si les organismes payeurs, les organismes d’accompagnement et les organismes de contrôle sont eux aussi contrôlés. Car, pour revenir au RSA, une des conditions d’attribution est d’être inscrit à Pôle Emploi et rechercher activement un emploi/une formation. Le RSA fait l’objet de la signature d’un contrat d’engagement réciproque entre le CCAS, le département et le bénéficiaire. Or, les seuls engagements évoqués sont ceux du bénéficiaire, mais jamais des organisations. Ajoutez à cela que Pôle Emploi refuse de donner des rendez-vous à un RSA-iste suivi par le CCAS et que le référent social du CCAS dit qu’il ne comprend pas pourquoi le RSA-iste est inscrit à Pôle Emploi, ce qui fait que le bénéficiaire est au mieux maintenu sous perfusion d’allocations et au pire, tiré vers le bas ou envoyé droit dans le mur.

Mes prises de positions vont certainement encore faire grincer quelques dents, mais je suis ouvert à tout débat, tant que celui-ci ne vire ni à l’insulte, ni au pugilat.

 


Lire l'article complet, et les commentaires