Et si on parlait de Kouchner

par Annie
samedi 7 février 2009

Il s’agit d’un court billet d’humeur, sans aucune prétention, parce que je trouve le silence sur l’affaire Kouchner assourdissant.
A-t-on vraiment tout raconté sur Kouchner et surtout est-ce que cela a vraiment de l’importance ?
Kouchner en soi n’est pas important. La raison du livre de Péan n’est pas de déboulonner l’idole, mais de remettre le Rwanda à l’ordre du jour ; et en cela il a raison. Il s’agit en France d’un sujet quasi tabou, qui a été dans une large mesure instrumentalisé à des fins politiques, pour condamner la politique étrangère de la France en Afrique. C’est une façon comme une autre d’étouffer la polémique. A l’étranger on est moins timide, heureusement, et Péan est en bonne compagnie, sans compter ces deux universitaires américains qui ont consacré 10 années de leur vie académique à cartographier les massacres rwandais en codifiant toutes les informations existantes détenues par le gouvernement rwandais, les ONG, le TPIR etc. et qui étaient corroborées, afin de les placer dans une perspective temporo-spatiale, et essayer de comprendre ce qui s’était passé. Un travail scientifique rigoureux, qui continue, et dont les conclusions remettent en question la version officielle de l’histoire, qui leur ont valu d’être traités, comme à chaque fois que c’est le cas, de négationnistes ou de révisionnistes, bien qu’une de leurs conclusions était bien qu’il y avait eu un génocide des tutsis. Ils ont depuis lors refusé tout contact avec la presse. Mais vous pouvez consulter leur site internet qui est uniquement en anglais.
Kouchner n’est important que dans la mesure où il symbolise tous les petits et grands compromis auxquels doivent se livrer nos politiciens dans leurs efforts diplomatiques et toutes les couleuvres qu’ils doivent avaler. Il est évident que la France doit reprendre des relations diplomatiques avec le Rwanda, mais cela ne veut pas dire qu’il faut exonérer Kagamé de ses responsabilités. 15 ans après ce que ces deux universitaires américains décrivent comme un génocide et un politicide au cours desquels autant de hutus que de tutsis auraient trouvé la mort (ce sont leurs conclusions), il faut se rendre à l’évidence. Si l’on ne sait pas combien de tutsis sont morts dans ces massacres, et combien ont survécu (le gouvernement rwandais compte 150.000 survivants et l’association de survivants IBUKA 300.000), personne n’a jamais comptabilisé le nombre des victimes du côté Hutu. On pourrait dire que ces victimes ont basculé soudainement dans le camp des coupables, mais ce serait trompeur. Cela a été le résultat d’une longue campagne concertée pour discréditer une ethnie au profit d’une autre qui représentait un interlocuteur plus acceptable.
Je refuse de noircir les uns ou les autres parce que la vie est bien plus compliquée que cela. Alors qu’il est entendu que les massacres et le génocide sont principalement le fait d’extrémistes Hutus, le RPF a aussi commis des exactions et des massacres sur une large échelle qui ont été excusés par des gens comme Kouchner. Il s’agit peut-être là de la plus grande désillusion, car aucune victime n’est plus méritante qu’une autre ; dans la même logique, aucun assassin ne devrait se soustraire aux foudres de la loi, et encore moins être encensé par des politiciens frappés d’amnésie collective.
Une des conclusions de ces deux universitaires, spécialistes des dynamiques qui sont la force d’impulsion des conflits et des génocides, est que les conditions dans lesquelles il a été possible pour un génocide et un politicide de se produire en 1994 sont inchangées aujourd’hui au Rwanda.
http://web.mac.com/christiandavenport/iWeb/Site%207/GenoDynamics.html
http://www.bsos.umd.edu/gvpt/davenport/genodynamics/index.htm

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