État de conscience modifié
par Piere CHALORY
jeudi 9 mai 2013
L'état de conscience modifié est un état où des choses inhabituelles irruptent dans un quotidien morne et répétitif. C'est Saint Wiki qui le dit. Cet état de conscience bizarre accompagne généralement les crises mystiques, la prise de substances diverses et même Oui Oui ; la création artistique.
D'accord, mais y a-t-il une classification parmi les oeuvres ? Car dans tous les cas, la musique vous emportera dans la réflexion, ou mieux ; dans l'absence de réflexion. Réflexion qui, en tant que pensée brime toute élévation et différencie également le politicien de l'acteur de cinéma, de l'artiste.
Que Ludwig Van Beethoven, en écrivant sa 9ème Symphonie ait atteint un état supérieur de la conscience, littéralement modifiée en ce cas, Oui évidemment ; car où a t-il bien pu trouver ces notes extraordinaires, ces envolées lyriques semblant directement issues de l'Au Delà, dans quel repli secret de l'espace temps se cachaient elles ?
Extrait Wikipédia : ''Les EMC peuvent être provoqués soit par des substances psychotropes (comme l'alcool, le cannabis, l'ecstasy, la cocaïne et tout hallucinogène, ils sont alors parfois appelés « états altérés de conscience »3), soit par intervention psychologique (par exemple l'hypnose), soit par des pratiques spirituelles et corporelles (comme la méditation)4 ; dans ce cas, les pratiquants parlent couramment d'états de conscience « supérieurs »5,6, ou soit après des traumatismes physiques (accidents, pertes de conscience, fièvres, fatigue extrême, états proches de la mort). La création artistique pourrait également rapprocher de ces états.''
Et la danse des canards alors ? c'est lyrique aussi. En plus, ça rapproche les gens dans une communion chorégraphique très simple. Les jeunes, les vieux ; tout le monde fait coin coin dans un élan fraternel.
La différence si différence il y a, se situe sans doute dans les images évoquées par cette même création. Par les portes qu'elle ouvre au récepteur sensitif humain ; constitué par l'auditeur pour la musique, l'amateur ou l'esthète pour la peinture, la sculpture. Le spectateur au cinéma.
La danse des canards ne vous emportera guère plus loin que dans une cour de ferme. Où des jolis petits canetons jaunes suivant fidèlement leur maman formeront un genre d'identification générale, derrière laquelle vous vous abriterez pour agiter vos membres de façon coordonnée au rythme de cette chanson de JJ Lionel*.
*Pour anecdote, ce titre interprété par J.J. Lionel est la chanson française qui a été la plus vendue en France dans les années 80. Elle figure dans le livre des records de 1983 avec 2 500 000 exemplaires vendus.
La 9ème Symphonie de Beethoven c'est différent ; par la durée déjà. Ensuite, logiquement, cette musique ne vous donnera pas envie de remuer tel un animal. Suivant le chef d'orchestre, elle pourra être très différente, entre la majesté d'Otto Klemperer et le speed rigide de Karajan, ou encore l'originalité incroyable d'Arturo Toscanini, le champ de l'interprétation est conséquent.
À condition que vous acceptiez de perdre volontairement 45 minutes, vous partirez vers des contrées mentales imaginaires. Des espaces où l'importance de vos points de retraite se relativisera, puis disparaîtra au profit d'un accès à la Tranquillité.
À la Paix.
Paix que la Danse des Canards vous accordera aussi.
Encore que, cette paix sera de courte durée, environ 3 minutes. Ensuite, il ne s'agit pas tout à fait de paix, puisque vous devrez vous agiter comme un robot crétin. À moins que vous ayez décidé de fuir la réalité en buvant plus que de raison, seul dans votre coin, coin même entouré de gens.
Car souvent, la danse des canards quoique passée de mode, accompagne les mariages, les fêtes à neuneu. Mais si copier ces animaux à spatules ne vous emballe pas, que vous trouvez même cela ridicule, c'est votre droit. Et dans ce cas, l'écoute de la danse des canards risque de vous énerver et de vous pousser à l'ingurgitation immodérée de verres inébriants.
Mais le fait est que finalement, il n'y a aucune différence entre la 9ème Symphonie de Beethoven et la Danse des Canards. Si vous vous investissez dans l'écoute de ces deux chefs d'oeuvres, vous bénéficierez, toute catégorie sociale confondue, de l'oubli momentané de votre condition lamentable.
C'est ça l'état de conscience modifié.
Il y a une vingtaine d'années, au sortir d'une superette, l'attitude et le fait d'un homme assis par terre me bouleversa. Un mendiant, comme tant d'autres qui croient encore en la bonté du passant. Mais cet homme avait quelque chose d'extraordinaire, une incongruité à cet endroit & dans cette situation.
Que faisait-il là ?.
D'aspect, il ressemblait à peu près au géant barbu qui convoite toujours Olive, la femme de Popeye. Même assis, il était aussi grand qu'un enfant de 12 ans, carré comme un docker et propre sur lui. À côté de lui, étaient posées quelques feuilles de papier dessinées de couleurs vives.
Peintre, toute image m'intéresse, je m'arrêtais pour voir l'expo trottoir.
Apercevant mon intérêt pour ses œuvres, l'homme me jeta un regard inquiet. Peu importe, n'ayant pas une très bonne vue, je devais m'approcher réellement pour voir de quoi il s'agissait.
En fait, le géant avait dessiné des personnages de Walt Disney ; Donald, Mickey, espérant sans doute les vendre à une maman attentionnée, ou simplement faire plaisir à un enfant.
Mais hélas, l'homme n'avait vraiment pas le don d'observation, et encore moins celui du dessin. La maladresse du trait était tellement évidente qu'elle avait quelque chose de réellement choquant, car on y percevait en même temps une application naïve et studieuse.
J'ignore quelle circonstance avait poussé cet homme à s'asseoir dans la rue et mendier, mais on voyait bien que ça ne l'amusait pas ; par dignité, il avait osé faire manifestement une chose pour laquelle il n'était pas fait.
Plutôt que tendre la main ou la boîte de conserve, il s'était lancé dans un travail précaire et périlleux, il n'avait pas le choix. Dessiner plutôt que faire la manche.
Je ne savais vraiment pas quelle attitude adopter. J'aurais bien voulu lui donner une pièce, mais devant son malaise, j'ai préféré rester impassible et continuer mon chemin.
Je ne l'ai jamais revu.