Etre réactionnaire et revenir vers un monde rêvé qui n’a pas existé

par Bernard Dugué
lundi 5 septembre 2016

Parfois les rêves vous jouent des tours. Imaginez que vous retrouviez une ancienne compagne, brune aux yeux de braise. Vous êtes comme dans un film, face aux événements. Cette brune vous fixe, vous y prêtez attention puis vous vous retrouvez dans un véhicule et une conversation démarre. Avec une interrogation. Qu’est-ce qui n’a pas marché entre vous. Pourquoi ça a foiré. Vous êtes saisis de sentiments amoureux puis dans une ultime séquence un moment d’étreinte et les sentiments qui explosent comme un feu d’artifice. Tout cela semble plus vrai que dans la réalité. Vous envisagez de reprendre l’histoire avec un départ fulgurant, oubliant les erreurs passées et puis… vous vous réveillez, et là, vous réalisez que ce n’était qu’un rêve et le monde vous paraît terne et vous vous dites que la vie est un cauchemar. Dieu merci, ce sentiment n’est que passager mais vous n’hésitez pas à faire de cet épisode le point de départ d’une analyse philosophique.

Parmi les rêves, les uns sont des cauchemars, les autres sont parfois intéressants mais semblent dépourvus de sens, alors que quelques uns nous ouvrent vers des lieux platoniciens. On y entend parfois des musiques sublimes qui nous paraissent composées par notre pensée ou bien on est pris par des sentiments amoureux dont la teneur est incomparable avec le vécu ordinaire. On accède même à des odeurs et des saveurs inconnues de l’expérience courante des gourmets. Les sentiments éprouvés dans ces états de conscience sont plus intenses que dans le monde temporel et quelque part, nous pensons avoir été en contact avec cet énigmatique monde des Idées de Platon. Et au final, le monde des Idées nous semble incarner la réalité alors que le monde sensible, charnel et terrestre paraît représenter une illusion rapportée face à l’intensité de l’intelligible.

Les nietzschéens pratiquants, s’il y en a, sauront déceler une hérésie dans ces propos car pour Nietzsche, le monde des Idées est une illusion alors que le vrai monde est celui encarné dans le temps sur la terre et dans la chair. Pour saint Paul ou mieux encore, saint Augustin, l’homme est déchu car il ne connaît pas le chemin de la grâce, la cité de Dieu, la voie de la rédemption. L’apôtre Nietzsche se tient face à Augustin et lui lance que l’homme est déchu parce qu’il ne connaît pas la vie, se refuse à la puissance et à cheminer avec le monde terrestre. Au bout du compte, Nietzsche et saint Paul sont du même avis concernant le diagnostic de l’existence humaine. Mais ils divergent sur les prescriptions thérapeutiques visant à guérir des maux de l’existence.

Ce songe d’un retour sur le passé et les erreurs est universel. C’est une sorte de monde intelligible platonicien mais tenté de gris qui nous happe et nous saisit de toute sa puissance spirituelle, nous plaçant entre lumière et ténèbres, face à l’abîme de la question ultime, celle du Temps. Non pas qui suis-je mais qu’ai-je ai été et que dois-je faire, puis-je faire, pour continuer le chemin ?

Etre réactionnaire n’est pas une solution dans l’existence d’une personne. C’est aussi une stratégie de repli dans le domaine de la politique et du collectif. Je ne vois pas comment le salut ne peut pas être révolutionnaire. Il n’y a pas de salut réactionnaire !


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