Euro 2016 : sécurité garantie sur les stades. Mais ailleurs ?
par Fergus
vendredi 15 avril 2016
Durant un mois – du 10 juin au 10 juillet – va se dérouler sur le sol français l’Euro 2016 de football. Pour assurer la sécurité de l’évènement, des moyens considérables vont être déployés afin de protéger les stades où se déroulera la compétition, de même que les « fan-zones » dans les villes où les matches seront retransmis sur des écrans géants. Mais quid des autres évènements durant la même période ?
Il faut se rendre à l’évidence : il y a une vie hors du football. Et contrairement au vieux cliché régulièrement régurgité par les commentateurs sportifs, la « France entière » n’aura pas « les yeux tournés vers cet évènement ». Voir des mercenaires en short se disputer une baballe passionne certes des millions de nos compatriotes, mais plus nombreux encore sont les Français que ce type de spectacle laisse parfaitement indifférents, y compris ceux qui, comme moi, ont été immergés durant des décennies dans ce sport (cf. Je hais le football !) avant de le voir miné par l’affairisme et la corruption.
En conséquence de quoi tous ceux qui ne seront pas rivés devant leur poste de télévision, et a fortiori scotchés sur un fauteuil de stade acheté à prix d’or, iront se distraire ailleurs : au cinéma, au théâtre, au concert, ou bien dans l’un de ces festivals qui renaissent chaque été dans notre pays. Sans oublier la Fête de la Musique qui, le 21 juin, drainera – en plein cœur de l’Euro ! – des cohortes de curieux et de fêtards vers les lieux d’animation officiels ou improvisés !
Et c’est bien là que le bât blesse. Car les pouvoirs publics n’ont pas voulu prendre le risque d’une annulation de la compétition qui eût terni l’image de la France et totalement ruiné les chances de Paris de décrocher l’organisation des Jeux Olympiques de 2024 après deux cuisants échecs. De même, les pouvoirs publics n’ont évidemment pas voulu courir le risque d’un attentat commis sur l’un des sites d’organisation de l’Euro : outre la nouvelle catastrophe qui en résulterait sur le plan humain après les massacres commis par les terroristes en janvier et novembre 2015, c’est un désastre en termes de sécurité des installations et du public qui se trouverait médiatisé sur la planète. Avec pour conséquence, là encore, de saborder pour très longtemps les chances pour la France d’obtenir l’organisation d’un autre évènement sportif d’envergure. Sans compter le bouillon financier qu’entraînerait une attaque djihadiste conduisant à mettre fin prématurément à la compétition.
Des cibles alternatives
C’est pourquoi il a été décidé, au plus haut niveau de l’exécutif, de renforcer considérablement, sous la houlette du ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, le dispositif de sécurité affecté à l’Euro 2016. Et cela en croisant les doigts à Beauvau, à Matignon et à l’Élysée pour que rien de tragique ne survienne malgré les précautions prises, que ce soit dans les stades où seront attendus 2,5 millions de spectateurs, et dans les « fans-zones » qui devraient attirer un total cumulé de 7 millions de supporters.
À cet effet, le niveau de mobilisation des forces de l’ordre sera porté au maximum des possibilités dans un contexte d’état d’urgence déjà très consommateur de ressources humaines, parfois aux limites des capacités de résistance des personnels. En outre, des moyens spécifiques seront mis en œuvre en termes de vidéosurveillance et d’équipes de déminage durant toute la durée de la compétition aux abords des stades et des « fan-zones ». Enfin, les policiers et les gendarmes seront épaulés par 10 000 auxiliaires privés de sécurité recrutés spécialement pour la durée de l’Euro.
Un tel dispositif devrait très probablement suffire à dissuader de potentiels terroristes d’agir sur les sites de l’Euro, et cela d’autant plus que les tentatives du Stade de France le 13 novembre se sont soldées par un fiasco pour les kamikazes. Mais la concentration des moyens de sécurité sur les stades et les « fan-zones » risque de découvrir dangereusement les autres lieux de rassemblement de la population durant le mois de compétition. Des lieux qui pourraient en l’occurrence devenir des cibles pour des actions djihadistes meurtrières dont les promoteurs seraient assurés de toucher mortellement l’Euro sans même s’en prendre directement aux sites d’organisation. Or, de ce risque, nul ne parle, et surtout pas les autorités. Comme si le silence – pour ne pas dire le black-out – pouvait suffire à écarter tout danger.
Espérons sincèrement qu’a posteriori, personne ne puisse tendre un doigt accusateur vers les responsables politiques et sportifs, coupables de n’avoir pas annulé par élémentaire précaution une compétition potentiellement aussi porteuse de dangers pour la population française et les très nombreux visiteurs étrangers présents à cette époque sur le territoire national.