Euro-régions : le mensonge récurrent de l’UPR

par Fergus
mardi 9 décembre 2014

Le micro-parti UPR a fait de la sortie de l’Union Européenne son seul véritable cheval de bataille pour gagner des parts du marché électoral et exister dans le paysage politique français. Une stratégie étonnante tant elle est réductrice. Étonnante mais respectable. À une condition toutefois : qu’elle ne s’appuie pas, comme c’est trop souvent le cas, sur de grossiers bobards...

Que ce soit sur AgoraVox ou sur d’autres sites du net, les militants de l’UPR sont à l’œuvre pour relayer la parole de François Asselineau, leader de ce micro-parti qui aspire à jouer, tôt ou tard, dans la cour des grands et tente de s’en donner les moyens en essaimant ses militants sur la toile. Rien de choquant dans ce prosélytisme politique tant qu’il met en avant des propositions concrètes ou combat des pratiques adverses en s’appuyant sur des faits avérés et des études sociologiques ou économiques sérieuses. Beaucoup plus discutable – et même choquant – est en revanche le recours au mensonge éhonté qui est trop souvent la marque du militantisme de l’UPR dès lors qu’il s’agit de discréditer l’Union Européenne.

Il n’est évidemment nullement question de défendre ici – ce n’est pas le sujet – le fonctionnement de cette UE dont chacun est libre de penser ce qu’il veut, que ce soit de manière positive ou négative selon sa sensibilité personnelle, sa culture politique, ou sa vision de la construction politique continentale. Mais que l’on soit un partisan ou un adversaire de l’Union Européenne, telle qu’elle existe et telle qu’elle interagit avec l’exécutif des nations qui la composent, on n’a pas le droit moral – sauf à tomber au niveau de ceux que l’on vilipende à longueur d’articles ou de commentaires – d’étayer son argumentation en déformant la vérité de manière aussi choquante que le fait l’UPR sur la question des euro-régions.

La publication de la nouvelle carte des régions françaises, adoptée le 20 novembre par l’Assemblée Nationale, a alimenté les débats, notamment dans les commentaires de plusieurs articles centrés sur la fusion de l’Alsace avec la Champagne-Ardenne et la Lorraine. Comme on pouvait s’y attendre, les militants de l’UPR sont montés au créneau en brandissant la carte des régions votée par les parlementaires français pour dénoncer la volonté sous-jacente de Bruxelles de favoriser l’émergence d’euro-régions visant à détruire les nations. C’est de bonne guerre, mais c’est faux.

Cet argument ne tient effectivement pas la route. Il suffit, pour s’en convaincre, de s’intéresser précisément au cas de l’Alsace. Il ne peut en effet y avoir d’euro-région menaçante pour l’intégrité nationale d’un pays que si les régions dissidentes ont une très forte identité culturelle et une langue commune avec leurs voisines transfrontalières. Or, en associant l’Alsace avec la Champagne-Ardenne et la Lorraine, nos députés sont au contraire accusés par les militants de l’UPR de vouloir diluer l’identité alsacienne, ce qui est incompatible avec une fusion Alsace-Bade-Wurtemberg dans le cadre d’une euro-région « Rhénanie ». À vouloir trop démontrer, la propagande de l’UPR se trouve ainsi en contradiction avec elle-même !

Qu’à cela ne tienne, les militants de l’UPR, soudain gênés par l’exemple alsacien, pointent alors le doigt sur le département des Pyrénées Orientales promis, par les desseins inavouables de la Commission, à un rattachement à la Catalogne. Curieuse affirmation : les populations locales ne sont en effet pas du tout disposées à une telle fusion, et cela d’autant moins que seuls 35 % des habitants de ce département sont des locuteurs catalans. Et ce constat est encore plus spectaculaire dans les Pyrénées Atlantiques, autre département français censé rejoindre une euro-région transfrontalière : seuls 10 % des habitants sont des locuteurs basques !

Comme on peut le constater, ces vaticinations europhobes destinées à semer le trouble dans l’esprit des lecteurs, ne reposent sur rien de sérieux et suscitent plus le sourire que l’indignation. Il n’en va pas de même des mensonges réitérés de l’UPR sur l’existence, « dans les cartons des dirigeants de l’Union Européenne », de cartes « officielles » des futures euro-régions qui accréditeraient ces délires. Or, de tels documents n’existent pas. Cela n’empêche pourtant pas les militants de l’UPR de mettre ici et là en ligne des cartes qui, effectivement, redécoupent l’UE en euro-régions au détriment des nations existantes.

Le problème est que ces documents n’émanent absolument pas des autorités européennes. Leur origine : l’Alliance Libre Européenne (ALE). De quoi s’agit-il ? Tout simplement d’une association de coopération de partis politiques régionalistes qui entendent promouvoir « une Europe différente ». Parmi eux, l’on trouve plusieurs partis français, majoritairement de gauche et plus ou moins écologistes : l’alsacien Unser Land, le basque Eusko Alkartasuna, la bretonne Union Démocratique Bretonne, le méridional Parti Occitan et le savoyard Mouvement Région Savoie. Autant de partis dont les Français, dans leur grande majorité, ne connaissent même pas l’existence alors qu’ils ont été fondés depuis des décennies, l’ALE ayant pour sa part été créée en 1981 avant d’accéder au statut de fédération de partis en 1994.

33 ans d’existence pour l’ALE et seulement 9 sièges sur 754 au Parlement de Strasbourg. On mesure à ces données objectives l’influence de ces partis sur l’Union Européenne ! Or, ce sont ces cartes de l’ALE qui sont présentées par les militants de l’UPR comme les supports « officiels » des projets de démantèlement des États-nations membres de l’UE. Une manipulation qui ne grandit ni l’UPR et son mentor ni ceux qui, sur la toile, sont en charge de militer en leur nom. Ces cartes, nées de l’idéologie – respectable – des membres de l’ALE, ne sont rien d’autre qu’une vision ultra-minoritaire de militants régionalistes, aux antipodes des préoccupations du Conseil Européen (les 28 chefs d’État ou de gouvernement) et de la Commission Européenne qui n’est rien d’autre que son relais exécutif.

Si l’UPR entend rester crédible sur le net, il serait urgent que son chef et ses militants jouent cartes sur table au lieu d’asséner toujours les mêmes bobards dans l’espoir que leur répétition finisse par imprégner les esprits. Les meilleures techniques de la propagande ont des limites lorsqu’elles sont éventées, et l’UPR, loin d’en tirer profit lors des prochaines échéances électorales, pourrait bien voir ses espoirs tués dans l’œuf pour avoir voulu trop en faire ! 


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