Europe : le commencement de la fin ?

par Elliot
vendredi 11 mars 2016

Pour une fois et bien que son constat ne me chagrine que fort modérément, je pourrais citer BHL : « Nous sommes peut-être en train de voir ce que ni la crise grecque ni la débâcle financière ni même les manœuvres de Vladimir Poutine ( bonjour les obsessions ! ) n'avaient pas réussi à provoquer : la mort du grand et beau rêve de Dante, Husserl et Robert Schumann » *

* laregledujeu.org

Pauvre Europe qui se fracasse sur la résurgence de cette épée de Damoclès que l'on croyait à jamais rentrée dans son fourreau : le nationalisme dans sa définition la plus étroite, celui qui procède d'une pathologie de la frousse et engage celui qui en est atteint dans une fuite en avant vers des horizons incertains.

Entendons-nous bien, ceux qui me font parfois l'honneur de me lire savent que je ne suis pas suspect d'eurolâtrie forcenée, ce n'est donc pas l'implosion du souk en soi qui me chiffonnerait mais tout de même je préférerais que l'Europe, telle que nous la subissons, se fracassât sur ses manquements à harmoniser les règles sociales et à punir le dumping social, bref sur son échec fondamental à mobiliser les citoyens sur un projet plus motivant que la recherche de l'équilibre budgétaire par tours de vis successifs pour resserrer le carcan avec un cortège de mesures mortifères...

Malheureusement l'idée européenne se délite plutôt sur ce qui fut si souvent dans l'histoire du vieux continent à l'origine des guerres qui décimèrent sa population.

Comparaison n'est certes pas raison et on n'en est heureusement pas là mais la faillite morale est identique qui voit la classe politique en pathétique poursuite et même parfois surenchère des poussées d'urticaire ultranationaliste et xénophobe voire ouvertement raciste.

L'idée de transcendance, l'unité européenne portée par des valeurs citoyennes qui était celle des pères fondateurs ( qui vont donc aller grossir le nombre des utopistes de tout acabit ) est pantelante sous les coups de pioche des poseurs de barbelés.

Le réveil des peuples est douloureux aux gens de coeur parce qu'il emprunte les voies de l'égoïsme aveugle et signe une forme de régression préoccupante.

Même si l'on ne peut pas encore assurer que l'idée européenne a vécu, il faut bien constater que la Communauté Européenne s'évapore dans la honte par la grâce de quelques centaines de milliers de réfugiés ont cru trouver aide et assistance sur son territoire pour fuir des guerres qu'elle a contribué à attiser et qui sont maintenant parqués devant les miradors de Macédoine ou d'ailleurs et rendus aux bons soins du peuple grec écartelé entre l'humanisme du berceau de la démocratie et la douleur d'une austérité punitive où il doit expier à coup d'ajustements tordus la faillite de la techno-bureaucratie européiste.

Deux fois puni donc par l'Europe qui en a fait le laboratoire de ses extravagances dogmatiques !

 

L'impossible est le refuge des poltrons

( Napoléon Bonaparte )

 

L'Europe, une fiction soi-disant unie de 500 millions de citoyens se révèle incapable d'absorber ce qui ne correspond qu'à un infime pourcentage de sa population.

Incapable de saisir la chance que représentent ces personnes qui ont tout abandonné, maisons, voisins, amis et se sont coupés de leurs racines, qui ont surmonté d'inhumaines difficultés dans l'espoir d'une vie meilleure.

Les USA ont bâti leur puissance sur la force créatrice de leurs immigrants, une illustration du darwinisme social qui veut que la vitalité d'une société se manifeste aussi et surtout par l'apport de ceux qui ont les ressources morales et la puissance d'abnégation qui font accepter les pires épreuves pour transmuter un destin qu'ils ne veulent pas inscrit dans le marbre de la résignation.

Ce pays des pionniers et de tous les déclassés chassés de la vieille Europe a trouvé dans la conjonction de toutes ces volontés d'acier ce qui en a fait pour le meilleur et le pire la première puissance mondiale.
L'Europe illustre avec la pusillanimité de ses élites autoproclamées sa déchéance morale, politique pour ne pas dire économique car quel avenir existe-t-il encore à long terme pour des larves apeurées ?

 

L'avenir est quelque chose qui se surmonte. On ne subit pas l'avenir, on lefait.

( Georges Bernanos )

 

Quel avenir pour ceux qui se recroquevillent dans leur pré carré dans l'espoir d'éviter l'inévitable, ces lendemains dont ils sont incapables d'imaginer les contours et à fortiori d'organiser l'harmonie.

En effet, s'il est bien une loi que l'enchaînement des siècles a confirmée, c'est que la nature a horreur du vide et c'est bien le néant qui est occupé à se barricader par peur du sang neuf.

Ce néant se forge un avenir vert de gris ( la couleur de l'altération et non de l'altérité ) avec le triomphe de ces morticoles populistes occupés à soigner des neurones bien fatigués.

Ils n'en meurent pas tous mais tous sont frappés par les délires apocalyptiques des identités figées.

Le système est au reste à bout de souffle dans tous les domaines.

Même sa vocation première - et devenue unique - de création de richesses a pris les formes de l'abstraction chiffrée : on jongle avec des milliards et on détermine la valeur d'une idée au nombre d'unités suivies de zéros dont elle peut alimenter un compte en banque et non à son utilité sociale.

D'ailleurs le qualificatif « social  » est un vilain mot qui sent maintenant le soufre tout comme collectivité, solidarité et partage, toutes notions mises à l'index de la bonne gouvernance ainsi qu'on qualifie la myopie qui consiste à garder le nez sur le guidon du court terme en oubliant l'horizon des projets d'avenir.

Oh, certes ! À l'exception de quelques zélateurs du libertarianisme pur et dur ( qui ont au moins le mérite de la franchise ) personne ne fait ouvertement étalage de son aversion pour les vestiges des conquêtes de nos pères.
Il se trouve même encore par ci par là dans les partis quelques attardés à se revendiquer des vieilles lunes de l'état social : au mieux naïfs au pis dissimulateurs, ils s'y accrochent sans doute pour certains par conviction mais pour la majorité par incapacité intellectuelle à se projeter dans ce monde individualiste si différent de la routine qui a scandé leur vie militante.

Économiquement le système va dans le mur, il recherche désespérément à relancer le moteur de la croissance sans se rendre compte que cet emballement potentiel accélèrera l'épuisement du carburant.

Dans un monde qui a besoin de nouveaux paradigmes que des personnalités lucides travaillent à définir dans un anonymat quasi total, nos élites dirigeantes ressassent les anciennes potions et trouvent novatrices un retour à des règles éculées ou à la dilution des règles ( Ah ! Macron ).

 

Et certes, il y a une certaine audace - intellectuelle sinon sociétale - à proposer au monde du travail de se libérer de ces chaînes insupportables que sont la sécurité d'emploi et le respect dû à leur force de travail et de leur proposer pour faire taire leurs frustrations la xénophobie comme horizon indépassable.

Chacun peut évidemment se tromper mais c'est le ton péremptoire ( there's no alternative, stupid ! ) qui fait, si l'on peur dire, l'amusant du jugement...


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