Faire le plein de sens pour 2019 !

par Taverne
mercredi 26 décembre 2018

Le Sens, c'est quelque chose que nous produisons pour faire face à tout ce qui nous échappe ou qui nous dépasse. Et ces choses qui nous dépassent sont nombreuses : le hasard, l'Infini, la cruauté, la haine, la disparition de ce qui nous est cher (à cause du temps ou de la mort). Ce dernier volet vient clore ma mini-série d'articles sur le sens et la vie. La proposition que je ferai au lecteur est qu'il existe deux grands types de sens : le sens pratique créé directement par le besoin vital d'orientation. C'est le sens que l'on se donne en mettant un pied devant l'autre en suivant certains buts bien visibles et définis. Et il y a l'autre grand type de sens : le sens élevé. Celui-là est très lié à nos craintes face au Grand Inconnu que nous n'appréhendons que par petits morceaux, par quelques aspects seulement : la conscience de notre finitude, du temps qui passe, le questionnement sur notre devenir dans l'Au-delà, l'Infini effrayant, l'effarement devant la différence, face à l'Autre quand il est pour nous incompréhensible (le monstre incarnant le Mal étant cet Autre en ce qu'il y a de plus insaisissable, mais il y a des degrés moindres).

Pour faire simple, on dira qu'il existe deux grands types de Sens :

- le Sens lié à la vie pratique (celui qui est montré dans le premier volet : "Le Sens et la vie : 4 / 4" ) celui de l'orientation dans notre environnement immédiat),

- le Sens lié à notre aspiration à l'élévation (le sens que nous inventons pour comprendre et supporter le mystère qui nous dépasse).

Et là, on se dit "Eurêka ! " Parce qu'en effet on comprend l'un des ressorts de la crise actuelle dite des gilets jaunes. Les gens, empêchés de se déplacer, ne peuvent plus s'orienter comme ils le veulent ou comme ils le doivent pour aller travailler ou rendre visite à leur famille. Ce sens est atteint en plein coeur par le biais de la mobilité et de la direction donnée. Si la plus grande part de votre existence est fondée sur l'action de suivre le sens donné et que subitement l'on vient mettre un point d'arrêt à cela, c'est toute la signification de votre vie qui est attaqué. Toute signification tombe parterre et vous devenez fou ! "Fou" au sens premier du terme, à savoir que vous perdez la raison et le sens du raisonnable et de la mesure. Vous vous trouvez au beau milieu des contradictions que vous ne pouvez résoudre : on vous somme d'agir à contresens du sens qui a toujours guidé votre vie !

Lorsqu'on bouscule votre sens de la vie de fond en comble vous êtes poussés à tout mettre dessus dessous : le sens est ici de répondre au chaos par le chaos !

Le Pouvoir, avec son discours construit et responsable, devient alors inaudible. Le mal est-il irrémédiable ? Peut-on guérir un fou ? On peut soigner un fou mais, pour cela, il faut supprimer la cause de sa folie. Ce n'est qu'après avoir fait cela que le fou sera accessible à vos paroles de raison.

En redonnant du sens à la vie, vous rendez la raison aux gens.

Le Sens est une chose que nous créons soit pour progresser concrètement dans la vie pratique immédiate. Il dépend des réponses aux questions telles que "pourquoi je vais travailler ?", "Pourquoi je fais mon plein d'essence ?", etc. Ce sens est en ce moment ébranlé chez les gens à qui l'on dit que faire le plein pour aller travailler, ou aller chercher du travail, se soigner, vivre en famille, que tout cela n'est plus le sens premier. Le sens qui doit prédominer, c'est d'oeuvrer - par des sacrifices personnels et douloureux - à la poursuite d'un objectif élevé : la sauvegarde de la planète !

Face à un enjeu aussi effrayant et inatteignable par leurs efforts, les gens perdent tout sens. Comment ? Ils doivent, à eux tous seuls, sauver la planète, et cela en renonçant à tout ce qui fait le sens de leurs vies ? Ils comprennent alors qu'ils vont perdre dans tous les cas de figure : par cette voie qu'on leur impose, ils ne sauveront ni la planète ni leurs vies ni celles de leurs enfants. Le Pari de Pascal n'est ici d'aucun secours, sauf pour quelques croyants très convaincus et très fervents. Fais comme des rats ! Et aucune philosophie ne vient plus à votre secours.

Le paradoxe et l'espoir

Paradoxalement, ce ne sont pas les institutions qui viennent redonner sens aux gens mais les gens eux-mêmes. Sur les ronds-points, ils découvrent ou redécouvrent la plénitude des valeurs comme la solidarité, la fraternité, la dignité, la liberté d'expression et de revendiquer. L'espoir renaît des gens eux-mêmes. Se retrouver sur les ronds-points recrée du sens ! On échange nos peines et nos joies, nos désirs de changement. On partage notre "peu", on partage nos gamelles...

Et le Pouvoir ? E les partis ? Et les syndicats ? Et les églises ? Et les philosophes ? Rien ! Rien de rien. Ils ne créent plus de sens. Ils peinent déjà assez se sauver eux-mêmes et à sauver les apparences du sens qu'ils prônent. Jusqu'ici, c'était très simple pour eux : le sens était unique et s'appuyait sur la raison la plus forte, mais aussi - cyniquement - sur la raison du plus fort (le mondialisme, le dogme européen, le marché). Les plus zélés nous enjoignant de subir le principe "TINA" ("there is no alternative").

Or, ces institutions ont tort, il n'existe pas un sens univoque. Le Sens parle parle par toutes les voix y compris celle des peuples. Car face à la voie du Raisonnable, une autre voix se fait entendre, celle de la Sagesse. Cette voie de la sagesse consiste à crier sa colère d'être empêché, paralysé dans une voie sans issue, face à un choix impossible. C'est un rappel à la réalité à ceux qui ont fondé leur idée du Sens sur leurs convictions bien établies et leurs idéaux élevés.

Il est bon de répondre quand il le faut aux aspirations élevées en échappant à la gravité terrestre pour cueillir les Idées dans le ciel supérieur. Mais il faut rester conscient que l'on ne peut qu'échapper à la pesanteur humaine que temporairement et seulement par moyens de propulsion. Espérer voler tout le temps comme un ange ou un oiseau est un leurre et même une absurdité, un voeu contraire à notre nature limitée.

Et qui dit absurdité dit échec du Sens.

Doux leurres n'engendrent que douleurs. Restons sur terre !

Le salut viendra des gens eux-mêmes.

Nous sommes au milieu d'un grand chambardement du Sens. Au milieu de ce chaos, il faut faire preuve de patience. Le sens en sortira. Mais avant de répondre aux aspirations les plus élevées de notre quête de sens, appliquons-nous à la simplicité du Juste, appliquons-nous à la simple écoute, à la modeste bonté. Le Juste avant le Sens élevé. Ensuite il se dégagera un sens plus clair, plus beau et plus enthousiasmant.

Garder en tête la précaution démocratique

Cette précaution concerne le fondement de la démocratie. Le Sens comprend aussi le respect du principe démocratique et à ce propos, il faut se rappeler trois choses :

- la démocratie n'est jamais totalement achevée (elle n'est jamais parfaite),

- la démocratie n'est jamais infaillible (elle peut se tromper),

- la démocratie n'est jamais un bien acquis (elle reste fragile pour les deux raisons avancées ci-dessus).

Ceux qui poussent au chambardement, ceux qui veulent précipiter leurs compatriotes dans un choix imposé, manifestent par leur impatience et par leurs excès, leur envie de poursuivre par la violence ou la duperie leur buts et leurs intérêts propres. Or, chacun a le droit de prendre le temps de réfléchir avant tout choix, surtout quand ce choix engage notre pays et nos enfants. Céder à ces forces, c'est mettre en péril la démocratie alors que les gens ne veulent que modifier les modalités de cette démocratie, et non la remettre en cause dans ses fondements par le moyen d'une dictature militaire ou populaire.

Les gens se sont trouvés paralysés et asphyxiés mais il ne faut pas que, par un simple et bête retour de force, les gens en viennent à paralyser et asphyxier à leur tour. La loi du talion n'est pas la sagesse.

C'est la "précaution démocratique" (ou "prudence démocratique") qui doit guider la sagesse naturelle née spontanément de la colère populaire. Or, il faut être lucide, quelques éléments structurés et très virulents, n'ont pas cette prudence élémentaire partagée. La Vox populi, celle de la sagesse, doit rester la voie la plus forte et doit étouffer ces aberrations absolument nuisibles aux intérêts du Peuple et de la fragile démocratie qu'il essaie de défendre et de parfaire.

Un message à Monsieur Emmanuel Macron

Le sens vient d'abord de la vie pratique, de l'existence très proche du réel. Le sens vient ensuite seulement des aspirations plus élevées. Il me revient ici une phrase prononcée par un gilet jaune sur un plateau de télévision lundi : "comment Macron peut-il prétendre régler la question de la survie de la planète s'il ne se montre déjà pas apte à résoudre nos problèmes quotidiens ?" (je me suis permis de reformuler un peu la phrase) Cette phrase de sagesse nous rappelle le principe qui dit "qui peut le plus peut le moins" et elle s'adresse directement au Président de la République en ces termes :

"Tu prétends être capable de sauver la planète ? Montre-toi moins orgueilleux, plus humble et résous d'abord les difficultés les plus urgentes de ton pays, règle les problèmes qui en menacent la cohérence et la survie !" Faire le plein de sens ou le plein d'essence ? Les deux, Monseigneur !

N'oublions pas que le Sens est dans l'Essentiel et faisons le plein de sens pour 2019 !

 


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