Fascisme et crise

par walden
jeudi 15 novembre 2012

De manière cyclique, le capitalisme connaît des crises de surproduction. Dans ces moments, la tentation fasciste se précise et peut s'incarner dans les régimes les plus féroces qui soient.

Les crises de surproduction interviennent parce que les différents producteurs en concurrence entre eux doivent baisser leurs salaires puis leurs marges pour demeurer compétitifs. La baisse des salaires comprime la demande. La compression de la demande rend les bijoux de technologie industrielle obsolètes : il n'y a plus de client.

Le chômage s'étend alors rapidement, il y a beaucoup de faillites (et certains investisseurs avisés font de très bonnes affaires). Les populations, tétanisées par la perspective de la misère, sont confrontées à un choix :

- soit elles optent pour une régulation de l'appareil économique tant soit peu contracyclique, elles optent pour le salaire et pour la redistribution qu'il implique (front populaire, cnr)

- soit elles optent pour conserver ce qu'il leur reste en choisissant l'autorité, la manière forte et, éventuellement, une personne charismatique et sans pitié pour l'incarner.

La seconde option peut correspondre à des partis politiques d'orientations idéologiques différentes mais il s'agit forcément :

- de revenir à une forme d'ordre moral : valorisation de ceux qui travaillent contre ceux qui ne travaillent pas, valorisation de la vertu contre la gabegie, la corruption (les gens qui valorisent la vertu ne la pratiquent évidemment pas davantage que les autres)

- de prôner une certaine pureté ethnique, civilisationnelle, culturelle (expulsion de roms, intolérance et criminalisation des sans-papiers) voire cultuelle (islamophobie et/ou antisémitisme)

- de recourir à la force pour juguler les velléités de changement - qu'on songe ici à la criminalisation des "totos" du limousin, à la répression du mouvement social. Cette force peut-être une violence symbolique, dans les médias, notamment, l'ennemi du jour sera animalisé, essentialisé. Le musulman, dans les médias, sera associé à tous les maux possibles - sachant que, statistiquement, les salauds existent dans toutes les religions, on trouvera toujours un exemple - sa parole sera discréditée.

Cette seconde option, autoritaire, définit une phase historique où le pouvoir se cambre, où il refuse de prendre acte des changements (économiques) à effectuer. Le fascisme fonctionne comme un déni, comme un refus d'amender un ordre existant, comme un refus de perdre des privilèges. Ce dénis aboutit à la violence institutionnelle et symbolique. Cette violence est l'anithèse de l'autorité naturelle, reconnue, que pourrait avoir un personnage populaire. Elle fait signe d'un pouvoir aux abois arc-bouté sur ses acquis, elle reflète la posture d'une population.

Mais, historiquement, l'épisode fasciste ne dure qu'un temps (douze ans pour le reich de 1000 ans, soit 1,2% de l'objectif déclaré) et le mouvement social, la régulation et le retour du salaire sont à terme inéluctables - et, personnellement, je souhaite qu'ils adviennent dès que possible

L'enjeu, en attendant le retour de cycle, c'est la nocivité, les dégâts provoqués par un pouvoir aux abois, par un déni de changement, qui va payer cette fois et jusqu'à quel point ces victimes expiatoires vont devoir payer. Visiblement, ce coup-ci, en haut de la liste, les sans papier et les roms occupent une place de choix, mais les inadaptés sociaux, les malades et les retraités ont, eux aussi droit à leur préjugés stigmatisants. Les stars semblent cependant être les musulmans qui ont droit à tous les concentrés de bêtise humaine accumulée depuis trente ans. Ils sont hypersexualisés comme les noirs américains ("ils" font des tournantes) ; ils sont vus comme perfides comme les juifs allemands (l'islamisme s'étend et organise des réseaux) ; ils sont déshumanisés comme tous les ennemis du jour, leurs coutumes sont présentées comme des bizarreries monstrueuses (là encore, on se souviendra des préjugés contre les juifs allemands) ; ils sont présentés comme de dangereux délinquants, comme des monstres assoifés de sang (là, je pense aux Allemands en France ou aux Français en Allemagne pendant les deux dernières guerres mondiales, je pense surtout aux reportages à répétition sur "l'insécurité", les "incivilités", les "banlieues à problème" dans les médias mainstream).

Bref tout est prêt, tout est déjà là. Les Juifs occupent d'ailleurs de nouveau, eux aussi, une place de choix sur la liste des massacrés potentiels. Puis les communistes (des monstres assoiffés de sang), les socialistes (des collabos mondialistes, comme à l'époque), les libéraux (ils vendent le prolétariat national et, paradoxalement, ils l'empêchent de bosser en important un prolétariat extérieur), etc.

La question, c'est de savoir jusqu'où nous allons nous enfoncer dans l'horreur - qu'elle recouvre l'aspect d'un Valls sexy, d'un Sarko velléitaire ou d'une extrême droite plus ou moins cravatée - avant d'accepter de tourner une page.

Pour rappel : la France est une puissance agricole de premier rang, il serait normal qu'on y eût point faim ; la France est une puissance industrielle de premier rang, il serait normal qu'on y retournât point à l'âge de pierre

pour rappel encore, l'Europe, c'est 25% du PIB mondial pour moins de 10% de la population, il n'est pas "naturel" qu'elle soit en crise économique depuis trente ans, il serait plus naturel qu'on s'y consacrât à résoudre les vrais problèmes : crise écologique, crise énergétique plutôt que de faire la guerre aux pauvres.

Des solutions existent, elles sont économiques, elles passent par une redistribution, par un investissements dans les salaires, par la faim de la compétitivité-libre échange.On peut aussi rêver de dépasser ce système économique qui fonctionne par cycles. L'horreur civile ne résout rien, elle aboutit à la barbarie et n'arrange pas les problèmes qui la crée.

Du fond du coeur, bonne chance à tous, même à ceux qui croient à la pertinence de l'ordre moral, national ou social, même à ceux qui ont peur des pauvres.


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