Faut-il autoriser l’« humusation » ?

par Fergus
mercredi 3 mai 2023

Apparue il y a quelques années, cette pratique mortuaire consiste à transformer les dépouilles humaines en compost. « La vie [étant] une maladie mortelle », comme chacun sait, seriez-vous favorable, après avoir été fauché(e) par la camarde, à faire don de votre dépouille, non pas à la médecine pour qu’elle y puise des pièces détachées ou serve à l’enseignement des carabins, mais – dans un souci dominé par la conscience des enjeux environnementaux – à la cause horticole ? Une question loin d’être saugrenue...

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Une fois trépassé, l’on peut choisir – mieux vaut l’avoir fait avant le décès, eu égard aux difficultés pour le défunt d’exprimer sa préférence – le repos éternel dans un caveau familial ou sous une simple dalle funéraire. Ou bien la crémation en vue d’une dispersion sous forme de cendres dans un « jardin du souvenir » (ce qui est légal) ou en pleine nature (ce qui est illégal), à moins que l’on ait opté pour la conservation desdites cendres par les descendants dans une urne sur le napperon d’une commode de la maison familiale. Mais il est désormais une autre voie qu’un collectif de députés – tous du Modem – tente de promouvoir en France sur le modèle de ce qui existe déjà dans six états des USA, et probablement bientôt en Belgique : l’« humusation », autrement dit la transformation de la dépouille en compost*.

Choisir de devenir du compost au profit de la croissance des tomates, des carottes, des courgettes et des navets, voilà qui – notamment pour les mécréants qui n’adhèrent ni aux illusoires promesses religieuses ni aux nébuleuses perspectives philosophiques – donne à la mort un sens noble car éminemment concret. Quel plus beau projet qu’être encore au service de la société des vivants après avoir cassé sa pipe ? Un choix d’autant plus séduisant qu’il peut faciliter à la personne subclaquante le moment de passer l’arme à gauche pour peu qu’elle ait, durant son existence, exprimé une sensibilité écologique, et a fortiori milité pour cette cause. Telle est la réflexion que nous invite à conduire l’initiative d’une brochette d’élus de la nation au premier rang desquels figure la députée Élodie Jacquier-Laforge**.

Il faut lui reconnaître ça, l’élue iséroise a de la constance : après avoir tenté sans succès en février 2022 de faire passer un amendement autorisant l’humusation, elle a soumis le 31 janvier 2023 à l’Assemblée Nationale une proposition de loi visant à expérimenter une telle alternative à l’inhumation traditionnelle des défunts ou à leur crémation, seules pratiques autorisées dans notre pays. Est-elle motivée par l’utilisation du compost humain afin de booster le développement des légumes de son potager ou la croissance de ses plantes ornementales ? Ce serait lui faire un mauvais procès car la dame et ses collègues parlementaires semblent en l’occurrence sincèrement motivés par des considérations écologiques, la crémation, et plus encore l’inhumation, étant des pratiques funéraires très polluantes.

À ce propos, la Fondation des Services funéraires de la Ville de Paris s’est livrée, en 2017, à une étude d’impact des pratiques funéraires existantes sur l’environnement. Il en est ressorti une image saisissante : une inhumation équivaut à un trajet en voiture de puissance moyenne de plus de 4 000 km ! On le voit, l’humusation présente des vertus au plan écologique, mais également au plan économique. Dès lors, la seule véritable question que soulève l’expérimentation de cette pratique en vue d’une éventuelle légalisation est d’ordre moral. L’article 16-1-1 du Code civil stipule en effet que « Les restes des personnes décédées, y compris les cendres [issues d’une] crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence. » L’humusation est-elle, ou pas, respectueuse de ces obligations légales ?

Non, disent les détracteurs qui mettent en avant une « dimension éthique bafouée », et même « une proposition abjecte, choquante et immonde » pour Lisa Haddad, l’ancienne suppléante de Nicolas Dupont-Aignan ayant fait allégeance au Rassemblement national. Oui, dit Élodie Jacquier-Laforge qui, en soutien des militants de l’humusation, évoque « une dimension philosophique » et, en direction des croyants, cite la Genèse : « De poussière, tu redeviendras poussière ». Mais surtout la vice-présidente de l’Assemblée Nationale entend agir de manière préventive : « Je souhaiterais que l’on anticipe sur ces sujets car je pense que ces questions émergeront puisqu’elles existent d’ores et déjà, avant que certaines pratiques commencent à se développer de façon illégale.  »

Et vous, quel est votre opinion sur ce sujet ? Seriez-vous prêt(e) à servir de compost en vue de produire des bottes de radis ou des brins de muguet ?

Le processus d’humusation – un néologisme apparu en 2014 – séduit un nombre croissant de personnes dans différents pays dont la France. Il est très bien décrit sur le site wikipédia : lien.

** Outre Élodie Jacquier-Laforge, les signataires de cette proposition de loi sont mesdames Mathilde Desjonquères et Perrine Goulet, ainsi que messieurs Erwan Balanant, Olivier Falorni, Jimmy Pahun et Hubert Ott.

 

Vidéo : Découvrez l’humusation en 4 minutes

 


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