Faut pas souffler sur les Breizh

par siatom
jeudi 20 septembre 2012

C’était le 5 mars 2011, il pleuvait surement, j’habite en Bretagne. Avais-je lu cet article sur la version papier ou net du Nouvel Obs ? je ne m’en souviens pas, j’étais bourré, non seulement j’habite en Bretagne mais je suis Breton.

Ces petits clichés sont dédicacés à un lecteur d’une de mes récentes chroniques dont le sobre mais original commentaire « Propos de comptoir d’un dénigreur breton » m’avait peiné, car je suis très sensible.

Assez disgressé, revenons à l’objet de mon courroux, en effet malgré son aspect fruste le breton ne se met pas en colère, il est courroucé. Ethnocentrisme oblige, l’articulet ou le texticule concerné s’intitulait « La Breizh attitude » ce qui ne pouvait manquer d’attirer mon attention, il était signé d’un certain Fabrice Pliskin qui avait soufflé sur les breizh pour attiser la fureur (courroux puissance 10) des bretons d’armorique mais aussi de toute la diaspora.

Le mot Breizh est au breton, ce que la couleur rouge est au taureau, et les croquettes au saumon pour mon chat, un accélérateur de particules, ce qui rend l’atmosphère environnante très électrique.

Faites un essai, si vous avez un breton sous la main, ou à défaut une bretonne, agitez le mot magique, même s’il ou elle est plongé(e) dans un profond coma éthylique, le réveil sera immédiat.

Que nous disait en substance cet éminent spécialiste de la bretonnitude ? Que le succes éhonté de l’Album « Bretonne » de Nolwen Leroy signait le retour d’un petainisme insidieux et pour le moins nauséabond.

Que les braillards de fin banquets de communions ou de mariage qui s’égosillent en hurlant « La Jument de Michao » ne sont que des fachos lepenistes ou lepéniens, ce qui est plus flatteur, et que derrière le loup, le renard et la belette se cache, tapi dans l’ombre, le triumvirat malèfique : Adolf, Laval, Pétain dans l’ordre qui vous conviendra.

Et il convoquait pour appuyer son propos le Trégorrois Ernest Renan « Jamais race ne fut plus impropre à l'industrie, au commerce. On obtient tout d'elle par le sentiment de l'honneur. L'occupation noble est à ses yeux celle par laquelle on ne gagne rien »

Et l’autre ancienne star de la Star Ac qui a l’outrecuidance de vendre ses bretonneries en les chantant avec l’accent colombien de Shakira, dixit notre critique.

 Comme si cela ne suffisait pas, lui l'antiraciste de conviction en appelait encore à Renan et à son racisme anti normand « Race timide, réservée, (il parle des bretons) vivant toute au dedans, pesante en apparence, mais sentant profondément et portant dans ses instincts religieux une adorable délicatesse. »

Race idéaliste à laquelle Renan oppose « la vulgarité normande, cette population grasse et plantureuse, contente de vivre, pleine de ses intérêts, égoïste comme tous ceux dont l’habitude est de jouir » Il y a donc comme pour les vaches, une race normande et une race bretonne.

Là on a dépassé le stade des clichés, c’est de l’album photo à feuilleter en famille pendant les longues soirées d’hiver. Il aime tellement Renan qu’il le fait parler d’outre tombe, encore une spécialité bretonne « le breton, c’est le contraire du sarkozyste » aurait dit Ernest qui abusait du vin hongrois, le fameux Tokay et se goinfrait de goulasch, ce qui accrédite la thèse selon laquelle il aurait fréquenté les ancêtres du petit Nicolas. La Bretagne racontée par Fabrice, hongrois rêver !

Permettez moi aussi d’avoir une pensée émue pour la cinquantaine d’habitants du Mont Saint Michel que le Couesnon dans sa folie a mis en Normandie et qui en sont réduits à vendre des omelettes grandes comme des roues de vélos et des souvenirs de pacotilles à des prix prohibitifs.

Ah s’ils étaient nés bretons, non seulement ils nous cuisineraient des galettes de blé noir d’un diamètre raisonnable, plus digestes que les étouffe-chrétien de La Mère Poulard à qui on doit aussi l’invention du cholestérol mais ils pourraient chanter aussi la paillarde « Suite Sudarmoricaine » en Breton dans le texte sans choquer les moines qui vivent au dernier étage.

Et cette coiffe ridicule que la chanteuse arbore sur la pochette de disque, signe apparent d’appartenance ethnique,dont notre brillant critique musical ne craint qu’elle passe mieux dans les chaumières que le voile de Diam’s.

Sans compter cet ancrage grotesque dans la France des Terroirs face aux évanescentes ‘’Frontières », fiscales parfois, de l’universaliste Yannick Noah. C’est qu’il n’aime pas le terroir notre plumitif urbain et encore moins le terroir caisse.

Forcement, j’ai voulu en savoir plus sur ce brillant esprit, archétype de la bobeauferie parisienne, infatigable chasseur de fachos car ils sont partout ;

C’est un brillant écrivain qui a commis à ce jour quatre livres tous excellents : Monsieur Météo, Toboggan, l’Argent dormant, et Le Juif et la Métisse dont je n’ai lu que certains ‘pitchs’. Il aime décrire les bobos et leurs travers,amis des minorités,fans de jack lang, écolos propriétaires de 4X4, pour résumer, il aime brosser son autoportrait entouré de membres de la diversité, surtout pour la photo.

En ce qui concerne Monsieur Météo, j’imagine qu’il s’agit d’un présentateur météo de la télé qui en a tellement marre de décrire quotidiennement le temps pourri qu’il fait en Bretagne qu’il finit par se loger une balle dans la tête.

Son article m’avait occasionné à l’époque une crise aigüe de psoriasis accompagnée de démangeaisons intenses, je n’avais pas encore contracté le prurit de l’écriture.

Chouchen aidant, j’avais assez rapidement oublié l’imprécateur parigot, que selim mon ami tunisien mais breton d’adoption avait rebaptisé « ton Fabrice c’est plus qu’un con » ce qui, avec son accent dont il n’avait pas réussi à se départir, donnait phonétiquement le patronyme : pliskincon.

J’avais songé dans un moment d’égarement, intitulé cette chronique : Pliskincon et les Sonerien Du, cela sonnait celte, certes, mais avait aussi un petit côté abscons, j’y ai renoncé.

C’est la lecture de mon journal local qui avait réveillé en moi, début septembre, le goût amer de l’infâme bouillie avalée en mars de l’année précédente. On y apprenait que Yannick Martin et Tangi Josset étaient champions de Bretagne en couple des sonneurs 2012.

Information banale en Bretagne sauf que les deux vainqueurs, étaient noirs, d’origine colombienne, frères séparés à la naissance et adoptés dans deux familles bretonnes distinctes.

Aussitôt, je me suis demandé ce qu’aurait pu écrire notre ethno-musicologue de cette formidable histoire.

Aurait-il regretté le fourvoiement de ces deux musiciens dans cette musique de ploucs, eux qui avaient une tête à danser la salsa où à raper j’nique les keufs ? La bretonnitude à l’accent colombien de Nolwen Leroy était elle prémonitoire ?

Cette race bretonne devenue mercantile allait elle se lancer dans le trafic de cocaïne ? Les bagadoù ne dissimuleraient-ils pas de grandes quantités de coke dans les grandes outres en cuir des binious bras supplantant ainsi les traditionnels binious kozh ?(*)

Y verrait-il une collusion évidente entre le bagad Kemper et le cartel de Medellin ? Ou au contraire allait-il célébrer l’universalisme du biniou et de la bombarde à travers la personnalité étonnante de ces deux ‘’Sonerien Du‘' ?

Fabrice est resté coi, et on ne lui en tiendra pas rigueur, car c’est comme ça qu’on l’aime. Qu’il retourne dans son microcosme germanopratin et à ses angoisses identitaires. (*)

Sonerien Du = Sonneurs noirs, mais aussi groupe mythique animateur de Fest Noz (*)

Biniou Bras = Cornemuse écossaise , grand biniou (*) Biniou kozh = vieux biniou, petit biniou

traditionnel breton

http://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20110310.OBS9441 /nolwenn-leroy-la-breizh-attitude.html


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