Fidel Castro, la casserole de Ignacio Ramonet !

par Serge ULESKI
vendredi 29 février 2008

Et celle de son mensuel : « Le Monde Diplomatique » ?

En réaction à l’ouvrage de Ignacio Ramonet qui est allé à Cuba servir la soupe à son... Fidel Castro (« Biographie à deux voix », Fayard/Galilée, Paris, 2007).

En tant que lecteur du Monde Diplomatique - mensuel qui dénonce, à juste titre, le journalisme de révérence et de connivence (à ce sujet, on peut se reporter aux ouvrages et aux articles de Serge Halimi qui contribue régulièrement à ce mensuel) -, voir monsieur Ramonet servir la soupe à Castro est d’un comique très particulier : un comique qui ne fait ni rire ni sourire... personne !

Aujourd’hui, la conclusion suivante s’impose : il n’y a pas de journalisme de connivence. Il n’y a que des journalistes dits "de gauche" ou des journalistes dits "de droite" ou bien encore, des journalistes "de nulle part" qui trouveront toujours de bonnes raisons d’épargner ceux qui appartiennent à leur famille de pensée ou bien à leur classe.

A quand un journalisme qui ne soit ni de gauche, ni de droite, ni de nulle part ? serait-on tenté de demander !

Dans un autre monde et dans une autre vie, manifestement.

Dix questions adressées à ceux qui en France soutiennent le régime de Fidel Castro (et... à toutes fins utiles : quelques suggestions quant aux réponses).


1) A des hommes libres - et à certains d’entre eux, en particulier - pourquoi est-ce si difficile de défendre la LIBERTE partout où elle est bafouée ?

2) En ce qui concerne le régime castriste - et même si le peuple cubain, à la parole muselée et sans perspective d’avenir digne de ce nom, a su garder le sourire -, pourquoi la haine envers les Etats-Unis, et accessoirement, l’amour pour le fiasco économique, politique et humain de ce régime, devraient-ils passer, aux yeux de ceux qui en France soutiennent cette dictature, avant la LIBERTE du peuple cubain ?


Fiasco humain car, sans liberté pas d’avenir ! Pas d’êtres humains debout sur leurs jambes, dans toute leur plénitude, chacun selon ses ambitions, ses aspirations et ses capacités d’êtres humains pour lesquels on crée un environnement et un climat propices à un tel épanouissement ! (Est-il nécessaire de le rappeler ?)


3) Est-ce que ceux qui soutiennent ce régime suggèrent que la France et toute l’Europe avec elle, tout aussi menacées - sinon davantage encore - par l’hégémonie économique et culturelle "haïssable et hideuse" des Etats-Unis, devraient au plus vite s’orienter vers un régime économique, politique et social identique à celui de Cuba ?


Car, quand on y réfléchit un peu, la pire des choses qui puisse arriver à Cuba, après la chute du régime castriste, c’est une ouverture économique, politique et culturelle qui se soldera inévitablement par un mieux-vivre doublé d’un mieux-être pour le peuple cubain.

4) Depuis quarante ans et plus, qu’est-ce que le régime cubain est capable d’afficher comme réussites économique, politique, humaine et artistique au monde et aux yeux de ceux qui en France n’ont de cesse de nous expliquer que "si c’était différent à Cuba, ce serait pire encore" ?

Nul doute, d’aucuns s’empresseront de mentionner, au crédit de ce régime : la santé et la lutte contre l’illettrisme.

Bien sûr ! Comme dans tous les régimes totalitaires, communistes de surcroît.

Les Cubains mourront donc centenaires - mais pour quelle vie ? Quant à ceux qui - lassés de recopier à la main les discours "fleuves" de Castro - voudront tâter de la littérature en toute liberté (c’est-à-dire en écrire !), il est vrai qu’ils pourront toujours quitter le pays.

Mais là, sauf erreur de ma part, on n’a toujours pas avancé.

"Les performances économiques" de Cuba reposent très largement sur l’argent des Cubains qui vivent et travaillent aux Etats-Unis et sur la charité internationale.

En ce qui concerne la politique : à ceux qui auraient quelques difficultés à appréhender ce concept dans toute son ampleur, je conseillerai vivement la lecture de Hannah Arendt dont l’oeuvre n’a pas cessé de répondre à la question : "Qu’est-ce que la politique ?"

Quant à l’humain : servir l’Homme, c’est lui permettre de s’ouvrir à l’infinité de tous les possibles, loin de toute sélection idéologique ; sélection jugée - et on l’aura remarqué ! - nécessaire et inévitable par ceux qui - coïncidence révélatrice et plutôt fâcheuse ! - n’en seront jamais les victimes expiatoires.

N’en déplaise à tous les idéologues castrateurs, l’Homme sera toujours plus que ce qu’il croit savoir sur lui-même, qui n’est - le plus souvent - que ce que l’on a daigné lui enseigner ou bien, ce qu’on lui a laissé espérer... pour lui-même (là encore, est-il nécessaire de le rappeler ?).

Sur ce dernier point, ceux qui savent non seulement regarder et écouter mais... voir et comprendre, peuvent aussi - et surtout ! - se reporter au documentaire de Wim Wenders : Buena Vista Social Club.

5) Au sujet de la justice sociale - la démocratie étant seule capable de réunir les conditions favorables à cette lutte qui n’est ni d’hier ni de demain mais... de toujours ! - où ce combat a-t-il lieu, aujourd’hui, dans la société cubaine ?

Ce régime en serait-il exempté ? Ou bien, régnerait-il dans ce pays un tel niveau de justice sociale que cette question ne se poserait même plus ? Le régime cubain et ceux qui en France le soutiennent, nous feraient-ils "le coup" de la fin de l’histoire à Cuba ?

6) Combien d’années encore l’embargo des Etats-Unis va-t-il permettre à ceux qui pardonnent tout à Castro, d’expliquer la faillite économique et humaine de son régime ?

Encore une fois, quand on y réfléchit, Castro n’a-t-il pas tout le loisir de commercer avec l’Amérique du Sud et l’Europe ? Mais... encore faut-il que l’économie castriste soit - autant que faire se peut - transparente, efficiente et, par voie de conséquence, digne de confiance. Mais ça... c’est une autre affaire !

7) Quand le régime de Castro s’effondrera - sa police, ses hommes de main, son clientélisme - et que les portes des prisons s’ouvriront (on peut aussi mentionner les risques de "guerre civile" - règlements de comptes de toutes sortes entre les Cubains de l’intérieur et puis, ne les oublions pas ceux-là - parce que.... eux, ils n’ont rien oublié - les Cubains de Miami et leur sentiment que le régime de Castro leur a confisqué et volé leur pays qu’ils ont dû quitter pour des raisons politiques, culturelles ou bien, tout simplement économiques), que restera-t-il comme arguments à ceux qui traînent derrière eux, depuis plus de quarante ans maintenant, cette vieille casserole qu’est leur engagement en faveur de ce régime ?

Soutien qui en rappelle bien d’autres, tout aussi déshonorants ceux-là : on n’a pas connu un tel fourvoiement dans le domaine de l’engagement politique depuis l’époque où des intellectuels soutenaient un PCF aux ordres de l’URSS, de Staline et des autres - même si, Dieu merci ! les enjeux ne sont pas de la même importance.

8) Est-ce que l’argument d’un soulèvement fomenté par les Etats-Unis permettra à ces mêmes tribuns complaisants, à la compassion parcimonieuse et sélective, de qualifier les prochains insurgés de réactionnaires à la solde de l’Oncle Sam ?

Et pour finir :

9) Quelles fautes le peuple cubain a-t-il commises pour mériter un sort aussi cruel et injuste - un tel dénuement, un tel abandon, un tel mépris ?

10) Dans les années à venir, quel prix le peuple cubain devra-t-il encore payer et... pourquoi ce peuple en particulier ?

Ceux qui comptent sur Chavez pour prendre la relève de Castro (diable ! pourquoi les fils dépensent autant d’énergie à ressembler à leur père ?) n’ont pas d’illusion à se faire : dans son combat légitime contre l’hégémonie économique, culturelle et militaire américaine, pétro-dollars ou pas, Chavez échouera car Chavez est un homme qui divise et qui ne rassemble pas, chez lui - à l’intérieur des frontières du Venezuela - comme à l’extérieur - sur le continent sud-américain.

Chavez semble n’avoir trouvé qu’un seul allié dans la région : le régime de Castro ; régime par avance condamné. Et à ce sujet...

Rares sont les pays qui, se libérant d’un joug (qu’on situera, en ce qui concerne Cuba, à gauche, avec toutes les réserves qui s’imposent), s’orientent vers ce qu’on pourrait appeler, une troisième voie. Très vite, ces pays libérés... vont au plus fort car ils ont besoin de stabilité, de sécurité, d’une aide économique importante et de cash (et pas seulement d’un pourboire ou d’une aumône).

Pour cette raison, après la chute du système et/ou du régime castriste (nb : chute indépendante du décès de Castro puisque son système peut lui survivre) Cuba se rapprochera inévitablement des Etats-Unis (et du Brésil qui assurera d’ici-là le leadership sur le continent sud-américain).


C’est alors que Chavez se retrouvera bien seul.

Si au Venezuela, les perdants d’hier deviennent les gagnants d’aujourd’hui au détriment de tous ceux qui, sous le régime précédent, y trouvaient leur compte, et si Chavez n’est pas capable de rallier à sa cause les classes moyennes de son pays, il échouera. Il sera renversé ou bien, c’en sera fini de la liberté dans ce pays puisque Chavez ne pourra se maintenir au pouvoir qu’en la bafouant.

Quant à l’Europe - géant culturel et économique mais... - paradoxe suprême ! - nain militaire et politique (allez savoir pourquoi ! alors qu’elle possède toutes les qualités requises qui pourraient faire d’elle une puissance, proposant ainsi une alternative à l’hégémonie américaine), cette Europe-là a encore laissé passer une belle opportunité lors des dernières élections en Amérique du Sud. Elle aurait dû se rapprocher de cette région et des Etats qui, ne remettant pas en cause la liberté, refusent le diktat économique et culturel américain - ce diktat la concernant tout autant.

La littérature sur Cuba est abondante : celle des analystes et puis aussi, la littérature de ceux qui ont dû quitter cette île pour, intellectuellement, artistiquement et économiquement ne pas mourir.

Cet article s’adresse en priorité non pas à ceux qui ont de bonnes raisons de soutenir Castro - raisons qui n’ont pas grand-chose à voir avec un souci quelconque pour ce peuple ; mon article s’adresse à ceux qui se sentent obligés de soutenir Castro sous prétexte que des hommes tels que Ignacio Ramonet, qui n’est pas un imbécile, le soutiennent.

Disons-le haut et fort : l’anti-américanisme est au cœur du soutien au régime de Castro. Anti-américanisme inacceptable - celui-là - puisqu’il vit (à Cuba) et SE vit (en Europe) SUR LE DOS du peuple cubain - entre autres peuples.

Si l’on n’est pas capable de penser l’anti-américanisme (hégémonie prédatrice dans les domaines culturel, économique et militaire) sans passer à la trappe la liberté et l’épanouissement des peuples, alors, il faudra expliquer comment, un tel anti-américanisme se justifie... moralement.

Toutefois, si l’anti-américanisme n’est pas en cause mais... un amour incommensurable pour le peuple cubain, que l’on me prouve alors que le régime castriste était bien - et demeure - depuis un demi-siècle (et pour les siècles à venir sans doute ?) le meilleur régime qui soit et par voie de conséquence, le meilleur régime pour tous les peuples, à commencer par ceux de l’Amérique et Centrale et Latine et du Sud.

Si d’aventure, ce système est le meilleur qui soit pour le peuple cubain seul, que l’on m’explique quel est ce caractère propre à ce peuple (la spécificité donc ! de lieu, d’histoire et de culture) qui fait que ce dernier ne peut espérer et ne doit, en aucun cas, compter depuis un demi-siècle et pour les siècles à venir, sur un autre mode d’organisation de vie en société.

Dans le cas où ce caractère spécifique n’existerait pas, qu’est-ce qui, alors, prédestine ce peuple à un tel régime depuis plus de deux générations... et ce régime, au soutien, depuis un demi-siècle, d’hommes et de femmes dits de gauche qui vivent dans une Europe riche et prospère.

Une Europe de l’Ouest qui, de 1958 à nos jours, a pourtant permis - sauf erreur de ma part - à nombre d’hommes et de femmes de s’ouvrir à l’infinité de tous les possibles dans les domaines économique, artistique, scientifique et philosophique...

Et ce, grâce à la démocratie !

Nous y voilà donc !

La haine contre la démocratie et une économie constituée, en grande partie, d’entreprises et d’initiatives privées, serait-elle la cause de ce soutien ? (Haine derrière laquelle se cache le désir de tout contrôler : les hommes et la production - toute production : production des biens et des services, productions intellectuelle et artistique.)

Faut-il rappeler à ceux qui se disent de gauche que la démocratie (et accessoirement, une économie d’entreprises et d’initiatives privées, accompagnée d’un Etat fort, d’un Etat présent sur le terrain social, entre autres) c’est, non seulement, la liberté mais aussi et surtout : l’énergie et le mouvement !

Une quête, cette démocratie, pour plus de justice et plus d’opportunités pour chacun d’entre nous ; quête qui parfois, et souvent, doit appeler à la lutte ; un cadre constitutionnel cette démocratie - juridique, légal : que sais-je encore ! - pour que cette lutte puisse avoir lieu sans dommages irréversibles pour ceux qui la conduisent (et ceux qui s’y opposent) ; lutte ayant pour but d’obtenir des changements souhaitables, accompagnés de résultats probants ; considérés comme tels par le plus grand nombre.

L’ingratitude !

Quelles conclusions tirer de cette haine à l’encontre d’un mode d’organisation de l’existence qui a pourtant permis à ceux qui soutiennent de tels régimes, de s’entreprendre et d’advenir dans une Europe libre (entre deux soutiens éhontés à Castro - soutiens aux justifications toujours plus fumeuses les unes que les autres au fil du temps) ?

Finit-on fatalement par mordre la main qui vous a permis de vous tenir debout et qui vous a nourri ?

(Il n’y a que des intellectuels nés dans une démocratie pour faire l’éloge d’un régime tel que celui de Castro. Demandez donc aux intellectuels des pays de l’Est libérés ; il ne leur viendrait pas à l’idée de soutenir de tels régimes !)

Ceux qui sont nés dans ce mode d’organisation de l’existence qu’est la démocratie (liberté pour tout être humain d’entreprendre, de s’entreprendre et d’advenir), seront-ils les derniers à le défendre ?

Ou bien, y a-t-il chez eux le désir de jouir seuls de ce bien en en privant les autres ? (Tout comme ces dictateurs qui se sont entrepris et qui sont advenus au détriment de ceux dont ils ont un jour contrôlé les vies pour mieux les amputer ! En tant qu’être humain, Castro a pu advenir et se tenir debout... mais pour son seul bénéfice.)

Par conséquent, y aurait-il chez ceux qui, dans les démocraties, soutiennent le régime de Castro et tous les régimes de cette nature (qu’ils soient dits de droite ou de gauche), des autocrates - voire... des despotes - par procuration ? Castro étant un des derniers à pouvoir assouvir ce penchant chez ceux qui se disent de gauche !

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Faute de pouvoir conclure sur toutes ces questions, tout en leur accordant le bénéfice du doute... empressons-nous de suggérer à ceux qui entretiennent depuis tant d’années avec le régime castriste des liens si étroits, de se rapprocher de tous ceux qui, à Cuba - et même s’ils se gardent bien de l’afficher - reconnaissent la nécessité d’en finir avec cette haine de l’initiative et de l’entreprise privées et de cesser de penser que la démocratie renforce inévitablement l’hégémonie culturelle, économique et militaire des Etats-Unis.

C’est là, sans aucun doute, le meilleur service que ceux qui soutiennent Castro depuis un demi-siècle, puissent rendre au peuple cubain.

Tout en gardant à l’esprit que le Brésil est le meilleur des alliés sur le long terme (et non Chavez), c’est tout un continent qui attend Cuba !


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