Fillon et l’avenir judiciaire de Jacques Chirac
par Elie Zonlebon
mercredi 21 mars 2007
« Je pense que les Français, quel que soit le jugement qu’ils portent sur Jacques Chirac, qu’ils l’aiment ou qu’ils ne l’aiment pas (...) considèrent que c’est un homme qui a consacré sa vie à notre pays et à l’action politique, et qui mérite, lorsqu’il quittera le pouvoir, d’être tranquille et d’assumer une retraite paisible", a estimé, sur Radio J, François Fillon, le conseiller politique de Nicolas Sarkozy, interrogé sur une éventuelle convocation judiciaire du président de la République.
Cette petite phrase est-elle vouée à passer totalement inaperçue ? N’y a-t-il rien d’absolument honteux ou scandaleux dans ces propos de complaisance ? Ne doit-on pas s’insurger haut et fort contre cette tolérance d’appareil ou doit-on considérer que finalement, si grande soit sa faute, par le seul fait de consacrer sa vie ou une partie de celle-ci à la chose politique, on gravite au-dessus des lois et bien loin du commun ? Doit-on cautionner une Justice facultative et à la carte pour ces nouveaux nobles parce qu’ils servent de nobles causes et une Justice obligatoire et unique pour les modestes, dont certains d’entre eux, d’ailleurs, consacrent aussi, mais dans l’ombre, leur vie aux autres et à leur pays ? M. Fillon aurait-il eu la même délicatesse, la même générosité toute désintéressée pour quelqu’un n’appartenant pas à sa si belle famille politique ?
M. Fillon, cessez, de grâce, de prétendre savoir ce que les Français considèrent vraiment, quand assurément vous n’y comprenez rien, ou pire quand vous leur prêtez à dessein votre souhait d’une immunité généralisée pour les politiques, espérant, par ces procédés douteux, donner l’impression que cette idée est réellement partagée par la majorité des Français. Ces derniers aspirent, je crois, à se reconnaître dans une Justice à une seule vitesse, la même pour tous, répondant ainsi au principe fondateur de notre société : l’égalité. Evoquer, comme vous le faites, les circonstances atténuantes de service à la nation pour réclamer une amnistie de M. Chirac n’est pas digne d’un élu de la République.
Certes, il serait préjudiciable pour l’honneur de la France de voir un ancien président condamné. Ne le serait-il pas davantage de voir qu’au nom de la sauvegarde de ce même honneur, on soustrait un ancien président à la Justice de son pays et que l’on préfère lui assurer une retraite bien tranquille ? La presse étrangère qui s’est repue goulûment des frasques de M. Chirac, apprécierait à n’en point douter le dessert que vous et vos amis lui préparez.
Dans un rêve un peu fou où vous appartiendriez à un gouvernement de M. Sarkozy, par pitié, M. Fillon ne briguez pas le poste de garde des Sceaux, contentez-vous de Matignon.