FN : changer de nom sera fatal

par Jean Beaumont
jeudi 8 mars 2018

Au départ, le changement de nom voulu par Marine Le Pen devait constituer l'acmée du congrès de ce prochain weekend.

Il faut noter que, devant l'insuccès de son initiative dans les retours de questionnaires, Marine Le Pen a viré de bord : pour éviter d'être contestée par des militants sur ce sujet, le nouveau nom choisi par la chef ne sera pas plébiscité lors du Congrès mais après, au cours d'un vote obscur par mail, contrairement à ce qui avait été annoncé maintes fois en fanfare. RTL a évoqué le chiffre de 80 % de militants se déclarant contre, dans le sondage interne. Sans confirmer le chiffre fourni par la radio, Marine Le Pen avait du reste laissé entendre lors de ses voeux à la presse en Janvier dernier que son projet de rebaptiser le FN ne suscitait pas l'enthousiasme espéré. "Par nature, un appareil politique est conservateur", a-t-elle reconnu à contre-cœur sur ce sujet, évoquant les "forces d'inertie" existantes. 

L’euthanasie du nom FN, déguisée en renaissance, est en réalité une façon de détourner l’attention sur le seul fait important issu de cette présidentielle désastreuse : il faudrait débarquer Marine Le Pen, ce qui est impossible techniquement. Nul n’ignore plus que la candidate a montré une incompétence presque surréaliste lors du débat du second tour contre Macron. Un article très construit et argumenté du Monde a démontré que pas moins de dix neuf (19 !) affirmations fausses, ou totalement inventées, ont été proférées par Marine Le Pen, ce qui conduit à la moyenne impressionnante d’une contre-vérité toutes les six minutes. Bravo les fiches compulsivement consultées par la candidate à la dérive !

Après de nombreux revers électoraux récents, le changement de nom risque fort de coûter cher, car une marque vieille de 40 ans, ça a de la valeur. Pourquoi changer de nom, et est-ce bénéfique ?

Il est évident que la Présidente s'inspire directement de l'aggiornamento auquel s'est soumis le Mouvement social italien (MSI) – le parti héritier du leader Benito Mussolini – en 1995. Lors de son congrès à Fiuggi, Gianfranco Fini avait engagé une "refondation" (sic), tendant la main aux formations de la droite libérale italienne modérée et ne laissant à l'aile la plus dure du MSI que le seul choix de faire scission. La néo-formation italienne « Alliance nationale » est devenu ensuite, certes, un parti de gouvernement – le vaniteux Gianfranco Fini se hissant jusqu'à la présidence du Parlement – mais le faux Duce a disparu bien vite, et son parti avec, dans les oubliettes de l'Histoire.

Marine Le Pen rêve ouvertement de voyage de noces avec Wauquiez, qui chasse sur les même terres qu'elle, et à terme de maroquins, après une défaite de Macron en 2022. Sauf que le changement de marque est, la plupart du temps, un échec en politique. « Ce que vous gagnez d'un côté, vous le perdez de l'autre. Vous égarez un label que bon nombre d'électeurs historiques du FN, fiers d'une marque qui entretient une certaine idée de rébellion contre les partis traditionnels  », observe Arnaud Mercier, professeur à Paris II-Assas et auteur de "La Communication politique" (éditions du CNRS). Il ajoute : « Le changement de nom pourrait être perçu chez cet électorat historique comme un assagissement du FN, qui deviendrait alors un parti comme les autres. Ce qui n'est précisément pas gage de fidélité à un vote futur ». Alors, un nouveau baptême sur les fronts baptismaux, cela fonctionne-t-il ? « Il y a très peu d'études sur l'efficacité d'un nouveau nom. Dans le comportement électoral, on considère que la filiation partisane joue un rôle important et que l'étiquette compte par-dessus tout. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, les forces politiques n'ont jamais changé de nom  », rappelle Thierry Vedel, chercheur au centre de recherche politique de Sciences Po (Cevipof).

Marine va dévoiler le nouveau nom ce dimanche ("les Nationaux"). Ce sera peut-être, paradoxalement, son chant du cygne politique.


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