Folie vaccinale et carcérale d’un pouvoir en perdition. Tout va bien se passer en 2022, n’est-ce pas ?

par Renaud Bouchard
mardi 28 décembre 2021

« Si ces Prisons longtemps relativement négligées attirent comme elles le font l'attention du public moderne, ce n'est peut-être pas seulement, comme l'a écrit Aldous Huxley, parce que ce chef-d'oeuvre de contrepoint architectural préfigure certaines conceptions de l'art abstrait, c'est surtout parce que ce monde factice, et pourtant sinistrement réel, claustrophobique, et pourtant mégalomane, n'est pas sans nous rappeler celui où l'humanité moderne s'enferme chaque jour davantage, et dont nous commençons à reconnaître les mortels dangers. »

 « La véritable horreur des Carceri est moins dans quelques mystérieuses scènes de tourment que dans l'indifférence de ces fourmis humaines errant dans d'immenses espaces, et dont les divers groupes ne semblent presque jamais communiquer entre eux, ou même s'apercevoir de leur respective présence, encore bien moins remarquer que dans un recoin obscur on supplicie un condamné ».

Marguerite Yourcenar, Le cerveau noir de Piranèse, 1959[i]

 

 

Lorsque Giovanni, Battista Piranesi, dit Piranèse, publie en 1749-1750, à Rome, chez l’éditeur d’origine française Giovanni Bouchard, la première version de la suite de ses « Inventions capric[ieuses] de prisons » (Invenzioni capric [sic] di carceri), il y a tout lieu de croire qu’il pense produire une œuvre achevée[ii].

 

G-B Piranesi – Pl. XI

 

Sans doute en va-t-il de même avec le trio actuel regroupant MM. Macron, Castex et Véran, respectivement chef de l’Etat, Premier ministre et ministre de la Santé de la république de France.

Car il faut que chaque citoyen qui y vit puisse en être convaincu : nous sommes en train d’assister à l’édification d’une œuvre princeps en matière d’emprisonnement et de contraintes pseudo-étatiques et pseudo-sanitaires.

L’édifice juridique se veut grandiose et labyrinthique au point que le vulgum pecus est instamment poussé à y entrer à son tour – happé pour être exact -, afin de s’y perdre et errer éternellement en entendant l’écho d’ordres et d’injonctions contradictoires proférés dans les hypostyles, les salles gigantesques, les escaliers grandioses et les machines à tourmenter des prisons – les Carceri - du génial Piranèse.

En France, le conseil des ministres a donc adopté ce 27 décembre 2021 le projet de loi sur le controversé pass vaccinal, attestant d'un schéma vaccinal complet. Un conseil sanitaire dont les conclusions qui fuitaient comme s’il se fût agi d’une citerne rouillée aux tôles disjointes s'était tenu au préalable pour faire le point sur la situation sanitaire causée par le variant Omicron.

La mesure, qui a suscité de nombreuses critiques et sérieux froncements de sourcils désapprobateurs dans l'opposition et la société civile, va désormais devoir suivre une procédure purement formelle en franchissant encore - normalement sans encombres -, quelques balises pour donner le change et revêtir les oripeaux d’un juridisme parlementaire de pacotille avec le passage en commission à l'Assemblée à partir du 29 décembre 2021 avant son arrivée au Sénat le 5 janvier 2022.

« Vite ! » Tel est le mot d’ordre.

Car l'exécutif veut en effet que le Parlement examine le projet de loi le plus rapidement possible et l’adopte sans barguigner afin de pouvoir l'appliquer dès la première quinzaine du mois de janvier.

Son entrée en vigueur est en effet prévue dès le 15 janvier 2022, selon le texte de loi consulté par l'AFP.

La présentation du passeport vaccinal (le nom a été modifié) – précieux sésame -, sera désormais obligatoire pour chaque citoyen désireux d’accéder librement « aux activités de loisirs, aux restaurants et débits de boisson, aux foires, séminaires et salons professionnels ou encore aux transports interrégionaux, notamment ferroviaires. »

Juridisme et folie carcérale appliqués à une population apeurée, conditionnée et pour tout dire manifestement totalement abrutie, concourent donc à l’édification d’une architecture politique qui sera la gloire de ce régime aux abois et complètement à la ramasse.

G-B. Piranesi – Pl. XIV
Légers, bien à l’aise à ces altitudes du délire, ces moucherons ne semblent pas s’apercevoir qu’ils côtoient l’abîme.

 

« Ce n’est pas une ébauche, un soupçon, un nuage, ni ouï-dire, ni complot. Ce sont les signes d’un trésor, ou bien les chiffres d’un langage secret. N’entre pas ici qui le veut. On apprend à lire, à déchiffrer, à pénétrer. On entre dans un monde lourd et trapu. On y apprend à voir. On y découvre des vestibules, des escaliers et des couloirs. On y apprend le sens du labyrinthe et à toucher les pierres qui faisaient peur. Mais dans un silence habité une odeur de soleil s’installe. Chacun s'élève lentement et va de palier en palier toujours plus haut, là où les salles sont les plus vastes, On y apprend encore. Comme au-delà des murs le chantier se poursuit, galeries et corniches conduisent jusqu’au seuil qu’il faut franchir. Après, on y apprend toujours à déchiffrer, à lire... », comme l’écrit Pierre Seghers à propos de l’œuvre de Piranèse[iii].

On remarquera juste un détail manquant : dans son zèle architectural, le conseil des ministres a omis de préciser quelles seraient les dates et les contenus des décisions qui seront rendues par le Conseil d’Etat et le Conseil Constitutionnel.

Il y a encore tant à faire...On ne peut pas tout dire tout de suite au troupeau d'esclaves, n'est-ce pas ?

Plaisanterie mise à part, nous en sommes-là.

Tout ne peut donc que très bien se passer en 2022, n’est-ce pas ?

Forcément, ça va bien marcher.

Prenons date, voulez-vous ?

Meilleurs Vœux et Bonne Année 2022 !

 

 

 

[i] Sous bénéfice d’inventaire, Paris, Gallimard, 1962, 271 p. (comprend : Les visages de l’histoire dans l’Histoire Auguste. - Les Tragiques d’Agrippa d’Aubigné. -Ah, mon beau château.-Le cerveau noir de Piranèse. -Présentation critique de Constantin Cavafy.-Humanisme et hermétisme chez Thomas Mann)

 

A propos de Piranèse, source des citations en exergue. Vidéo intéressante, quoique la bande-son soit un peu « convenue ».

http://vadeker.net/articles/Les_prisons_imaginaires_de_Piranesi.html

https://www.yourcenariana.org/content/sous-b%C3%A9n%C3%A9fice-dinventaire

 

[ii] Préaud Maxime, « Les prisons libres et closes de Jean-Baptiste Piranèse », Revue de la BNF, 2010/2 (n° 35), p. 11-17. DOI : 10.3917/rbnf.035.0011. URL : https://www.cairn.info/revue-de-la-bibliotheque-nationale-de-france-2010-2-page-11.htm

 

[iii] Pierre Seghers, Piranèse, Ides et Calendes (1993).


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