Fond National

par T.R.
vendredi 11 décembre 2015

Très chers AgoraVoxeurs,

Après les attentats, voici venu le temps du hold-up politique de l'extrême droite française. Après la stupeur des balles, voici comme prévu le tremblement du repli sur soi, de la bêtise humaine maquillée en politique, histoire de nous asphyxier un peu plus. C'est l'heure des petites phrases racistes, de la stigmatisation honteuse, des coups de filet policiers hasardeux en "état d'urgence", des commentaires sur les réseaux sociaux à vomir de honte et des éditos de toutes parts s'éparpillant tant sur le fond que sur leur forme.

On est pile entre "l'entre-deux-tours", le temps de réfléchir à la calotte qui arrive droit dans nos neurones, le temps de lire ici et là des articles fâcheusement fascisants, de lire des commentaires déchaînés de gens paumés dans leur haine du système, haine des autres, haine de la politique.

Où sont les discours fédérateurs ? Où sont les actes politiques sensés ? Où est la stratégie politique de lutte contre ce qui est la peste historique de nos démocraties : l'extrémisme politique ? Où sont nos intellectuels, qui historiquement arrivent toujours à élever certains débats ? Onfray ? Il appelle à voter FN sans le dire, mais en le suggérant avec une finesse perverse, qui fût pourtant l'arme intellectuelle de ses plus brillantes analyses philosophiques.


Hagards et défaits, les caciques de droite comme de gauche rament et s'essoufflent avant de couler, et nous avec. Le Front National pavoise avec bêtise et superficialité. Les électeurs leur pardonnent tout, puisqu'ils veulent "foutre le bordel", sans se rendre compte qu'une fois le FN au pouvoir, il sera impossible de l'y déloger.

Les lendemains heureux seront pour plus tard. Le dîner de Noël s'annonce libéré dans ses paroles. Tonton Claude pourra à souhait vomir sa haine des arabes entre le foie gras et le saumon, pendant que tati Clotilde pourra rajouter son grain de sel, exprimant - enfin - ce qu'elle avait jamais osé dire "on est chez nous !". Et nous dehors. "Tu connais la différence entre un Arabe et ... " ta gueule tonton, finis ta soupe et étouffe toi avec, ça t'évitera de raconter d'autres insanités.

Bref, de quoi recracher les mets les plus délicats dans son assiette, nous qui manifestement n'étions plus dedans depuis quelques temps déjà.
Vous aviez les cadeaux ? Il vous restera le papier, qui vous sera manifestement bien plus utile.

Tous ces gens, dont on était heureux que la parole fût rarissime tant ils avaient honte eux-mêmes de leurs pulsions salaces, peuvent désormais se lâcher, car ils sont en train de gagner. La télé prend une forme très amère, et la lecture s'impose comme une bulle d'oxygène.

Le repli sur lui-même d'un pays doutant de son avenir, des politiciens embourgeoisés s'accrochant à leur poste comme un organe dans du formol, des têtes connues depuis 30 ans qui viennent nous parler de "renouveau", une droite française totalement perdue à force d'aller chasser le FN, et une gauche qui tient à sauver la face mais qui au fond d'elle-même comprend parfaitement que son existence a perdu son sens politique et sa proximité envers ses électeurs, font un tout qui est très inquiétant quant à l'avenir de notre démocratie, de notre vivre-ensemble.
Jamais on n'a pu se sentir autant en décalage par rapport à notre pays. Celui de la liberté, de la culture, de l'ouverture d'esprit, de la fête, des découvertes et une forme de fierté à pouvoir discuter de tout, critiquer tout, râler avec bienveillance sur nous-mêmes. Une fierté d'avoir certaines connaissances, de vivre dans un pays de passions pour la culture, l'art, la lecture, les émissions politiques.

Désormais c'est la suspicion. Un article partagé par un ami facebookien ventant les mérites du FN, et c'est le blocage immédiat, avec un clic rageur en se disant "comment j'ai pu avoir ce con dans mes amis depuis autant de temps ?". Et puis, les commentaires pleuvent, jusqu'au moment où on craque : on répond à l'un des commentaires et on s'embarque avec dégoût dans la défense perdue de ce qui nous paraît être le bon sens le plus absolu : celui de l'ouverture d'esprit et de l'intelligence des autres, sans parler de corriger les multiples désinformations partagées par une jeunesse totalement paumée politiquement, ne se donnant même plus la peine de voter et cédant sans combattre à la facilité d'un "de toute façon ils sont tous pourris", sans autre forme de procès.

Voilà comment, au fil du temps, l'extrémisme politique se construit. L'histoire ne nous a rien apporté, 70 après le pire moment de notre humanité. Le passé se perd aussi vite que l'avenir et le présent devient soudainement très étrange.
Dimanche, on se demande bien ce qu'on aura gagné. Le droit sans doute de se poser plus rapidement certaines questions, et surtout le devoir d'y apporter beaucoup plus rapidement des réponses face à l'immensité de la bêtise humaine, celle qu'on voyait dans Strip-Tease sur France 3, et qui est en passe de devenir la réalité de tous.

Ouvertement vôtre et à dimanche avec Tati Clotilde et Tonton Claude !
 


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