Fonds de pension : des vessies, des lanternes et des fous furieux

par Michel Koutouzis
lundi 12 juillet 2010

 D’après l’agence d’infos économiques Bloomberg, la Chine, la Norvège, Singapour et le Koweït ont déjà perdu plus de quatre milliards de dollars à cause du désastre écologique en Louisiane. Mais ils ne sont pas les seuls. Le désastre fait tache d’huile chez tous les actionnaires de fonds de pension qui misaient sur la redistribution généreuse de dividendes de la BP en oubliant que cela était possible grâce aux impasses faites sur la politique de sécurité environnementale pratiquées par le pétrolier britannique une fois qu’il avait décidé de « garantir » un sixième des revenus des retraités.
 
Et voilà que la City, mais aussi les retraités, le gouvernement mais aussi l’opposition travailliste, se mettent à blâmer le président américain qui, par sa politique « le pollueur sera le payeur », « s’attaque aux plus démunis, aux retraités, aux petits investisseurs » qui comptaient, pour arrondir leur retraite misérable voir inexistante, aux quelques sept milliards de livres de versement de dividendes du pétrolier. Le titre du Daily Telegraph (10/6/2010) résume la situation : « Barack Obama tient sa botte à la gorge des retraités britanniques ».

Bien entendu, le journal, fervent défenseur du libéralisme sauvage, s’arrête là.

On est hélas habitués à un monde ou le marché distribue les profits et fait payer par les Etats les pertes. (Quitte à les accuser juste après d’être des dépensiers frivoles). On est hélas habitués à subir ses analystes qui exigent, avec la cadence d’un métronome à grande vitesse, la privatisation des retraites, des entreprises stratégiques (énergie entre autres), qu’elles envoient ensuite aux tartares de la faillite (Californie, Grande Bretagne, etc.). On est hélas habitués à voir, et de plus en plus, des millions de retraités dépendant des résultats des financiers, résultats qui se font en déconnexion absolue avec le monde tel qu’il est. Financiers qui exigent en même temps (et le prennent en compte pour leurs « évaluations ») une modernisation des Etats aux frais du contribuable (routes, chemins de fer, aéroports, systèmes d’assurances, éducation, etc.) et, en même temps, leur paupérisation, voir leur extinction (baisse d’impôts, privatisations dans le domaine de la sécurité, de la poste, de la défense nationale, du contrôle des aéroports, etc.).

Le marché s’offusque qu’on lui demande des comptes, il se croit le seul à pouvoir évaluer (les autres et lui-même). Juge et partie, roitelet irresponsable, enfant gâté exigeant qu’on lui rachète chacun des jouets qu’il casse, en lorgnant parallèlement sur ceux de son voisin. 

Pour revenir au désastre écologique qui, très logiquement dans ce système irrationnel, devient un désastre des pensions, nos retraités à qui on a vendu une pérennité de revenus grandissants, non seulement n’auront pas leurs dividendes mais ils sont techniquement solidaires de BP. En d’autres termes, ils assument aujourd’hui une baisse d’un tiers du capital de la compagnie, et demain, sans doute, ils paieront ses pertes. Ils seront aussi les dindons de la farce au cas d’une reprise par une autre compagnie pétrolière qui exigera, pour l’achat, une minimalisation des créances. Et si la faillite de milliers d’épargnants et de retraités n’est pas suffisante, l’Etat mettra la main à la poche.

En conséquence, les travailleurs anglais (mais pas seulement) se trouvent dans une situation surréaliste : ils s’obligent solidaires non pas des victimes du raz de marée pétrolier en Louisiane mais de ceux qui l’ont provoqué. En espérant de la sorte pouvoir manger demain. C’est pourtant mal barré : chaque baril déversé sur le golfe du Mexique coûte plus qu’une pension mensuelle dorée (4 000 euros). D’autant plus que BP est entrain de perdre beaucoup plus à la bourse (un tiers de sa valeur) que ce que lui coûtent effectivement les mesures anti-pollution engagés et le dédommagement des victimes. Jusqu’où ira la logique prédatrice de l’immédiat ? 


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