Fonds de pension : des vessies, des lanternes et des fous furieux
par Michel Koutouzis
lundi 12 juillet 2010
Bien entendu, le journal, fervent défenseur du libéralisme sauvage, s’arrête là.
On est hélas habitués à un monde ou le marché distribue les profits et fait payer par les Etats les pertes. (Quitte à les accuser juste après d’être des dépensiers frivoles). On est hélas habitués à subir ses analystes qui exigent, avec la cadence d’un métronome à grande vitesse, la privatisation des retraites, des entreprises stratégiques (énergie entre autres), qu’elles envoient ensuite aux tartares de la faillite (Californie, Grande Bretagne, etc.). On est hélas habitués à voir, et de plus en plus, des millions de retraités dépendant des résultats des financiers, résultats qui se font en déconnexion absolue avec le monde tel qu’il est. Financiers qui exigent en même temps (et le prennent en compte pour leurs « évaluations ») une modernisation des Etats aux frais du contribuable (routes, chemins de fer, aéroports, systèmes d’assurances, éducation, etc.) et, en même temps, leur paupérisation, voir leur extinction (baisse d’impôts, privatisations dans le domaine de la sécurité, de la poste, de la défense nationale, du contrôle des aéroports, etc.).
Le marché s’offusque qu’on lui demande des comptes, il se croit le seul à pouvoir évaluer (les autres et lui-même). Juge et partie, roitelet irresponsable, enfant gâté exigeant qu’on lui rachète chacun des jouets qu’il casse, en lorgnant parallèlement sur ceux de son voisin.
Pour revenir au désastre écologique qui, très logiquement dans ce système irrationnel, devient un désastre des pensions, nos retraités à qui on a vendu une pérennité de revenus grandissants, non seulement n’auront pas leurs dividendes mais ils sont techniquement solidaires de BP. En d’autres termes, ils assument aujourd’hui une baisse d’un tiers du capital de la compagnie, et demain, sans doute, ils paieront ses pertes. Ils seront aussi les dindons de la farce au cas d’une reprise par une autre compagnie pétrolière qui exigera, pour l’achat, une minimalisation des créances. Et si la faillite de milliers d’épargnants et de retraités n’est pas suffisante, l’Etat mettra la main à la poche.
En conséquence, les travailleurs anglais (mais pas seulement) se trouvent dans une situation surréaliste : ils s’obligent solidaires non pas des victimes du raz de marée pétrolier en Louisiane mais de ceux qui l’ont provoqué. En espérant de la sorte pouvoir manger demain. C’est pourtant mal barré : chaque baril déversé sur le golfe du Mexique coûte plus qu’une pension mensuelle dorée (4 000 euros). D’autant plus que BP est entrain de perdre beaucoup plus à la bourse (un tiers de sa valeur) que ce que lui coûtent effectivement les mesures anti-pollution engagés et le dédommagement des victimes. Jusqu’où ira la logique prédatrice de l’immédiat ?