France inter : La loi des 5 W, et la mort de John Le Carré
par velosolex
mardi 15 décembre 2020
Comment construit-on un journal audio ? Parler de la mort de Gérard Houillet, qui fut jadis l’entraîneur des bleus, est-elle l’information qui doit faire l’ouverture d’un journal ? C’est pourtant ainsi que le journaliste d’inter a ouvert son journal à 13 heures, ce 14 Décembre. La disparition d'Anne sylvestre, à 86 ans avait donné le premier titre de l’info, prenant la moitié du journal le premier Décembre.
Sans remettre en cause l’immense qualité de la créatrice des « fabulettes », et le trou sidérant qu’elle va laisser dans la création Française, une telle OPA sur l’information dans un journal de la radio publique, émettant à la mi journée était-elle raisonnable, au vu de la richesse de l’information…
Survenue le même jour que le décés de Gerard Houillet, la disparition annoncée de John Le Carré, auteur Anglais internationalement reconnu ne pouvait peser lourd. Aucun commentaire ! Exit l’auteur de « L’espion qui venait du froid » et de tant de chefs d’œuvres, écrits depuis un demi siècle.
C’est ainsi, le journal général d’inter de 13 h. Le même rata pour tout le monde ! Si ça vous plaît pas, et que vous voulez manger à la carte, faut aller sur la toile. Ou lire le journal. Car même dans les gazettes régionales, ces informations apparaissent. John le Carré. https://bit.ly/37kjaKV « Des livres lumineux sur un monde de mensonges » titre aujourd’hui par exemple « Le Figaro ».
Bref, un type bien utile à interviewer, même post mortem, à cette époque de Brexit atteint de hoquet, avec son Bojo chaque jour au réveil, répétant le même bulletin météo, comme dans le scénario d’« Un jour sans fin »
C’est dingue comment on est pisté très vite, malgré le masque covid réglementaire. Encore plus vite que dans un roman de John Le Carré, qui vous apprenait qu’on est jamais trop prudent. J’avais déjà des contacts…
Il y a des protocoles incontournables dans la vie d’un journal. Le matin il y a une réunion de rédaction, afin de dégrossir les sujets. J’ai plus ou moins mis à jour ce qu’on peut appeler le timing primitif ( Le journal - 24 heures dans une rédaction) https://bit.ly/3qUK6bS
Extrait :
-La première chose à faire est de relire les notes que vous avez prises pendant la conférence de rédaction. Cela vous permettra de vérifier que vous avez bien compris ce qui a été décidé pendant cette réunion. Grâce à cette relecture, vous pourrez vérifier également quels sont les éléments ou informations qui vous manquent ou qui sont incomplets.
-Inscrivez sur une liste les tâches à accomplir jusqu’au journal. Vous devez écrire ces éléments dans un ordre logique. Il s’agit ici de faire une sorte de « check list » de votre journal, sur le modèle de celle utilisée par l’équipage d’un avion avant le décollage. Vous pourrez barrer la liste au fur et à mesure de l’accomplissement des différentes tâches.
-Lisez la note de liaison rédigée par votre confrère, présentateur de l’édition précédente. De la même façon lisez le script de son journal. Si vous n’avez pas pu écouter l’édition précédente en direct, procurez-vous une copie et écoutez-la.
-Lisez les lancements des reportages qui sont déjà en boîte. Les reporters doivent laisser leurs reportages avec des éléments de lancement en précisant l’angle choisi.
-Ecoutez attentivement les sons qui sont disponibles. Notez les débuts et les fins de chaque son pour vous aider à rédiger les lancements. Notez la durée de chaque son.
-Communiquez avec les reporters. Faites-vous préciser les choses qui vous interpellent à la lecture des lancements et à l’écoute des sons. Renseignez-vous pour savoir qui est sur le terrain et quand ils vont rentrer. Téléphonez aux correspondants des autres rédactions pour vérifier que vous avez bien tous les éléments.
-Enfin pensez au rythme et à l’équilibre du journal. Avant de commencer à rédiger, ayez une idée précise de la forme finale de votre journal. Pour cela, posez-vous quelques questions : Est-ce que vous avez assez d’informations en bref ? Est-ce que vous n’avez que des papiers-plus-son ? Avez-vous des informations pour chaque grande région du pays ? N’avez-vous pas trop de sujets politiques et rien sur la vie quotidienne ?
Avec ça en tête, on pouvait sans doute briller à un entretien de sélection à radio France, mais pas au « secret intelligence service ». Allez savoir si avec tous les bouquins de John Le Carré que j’ai lus, je pourrais pas donner le change. Toutes les compétences sont appréciées. Enfin, ça dépendait qui on avait en face, de l’autre coté du bureau d’embauche.
J’avais imaginé je ne sais pourquoi, qu’un souci d’éthique, et de représentation des événements les plus importants du jour présidaient aux choix des sujets pour les journalistes d’un journal.
En cherchant encore un peu sur le net, j’ai trouvé quelque chose qui fait sens. Une sorte de mantra qui est à l'information, ce que 3,14 est au cercle. C’est simple ! Il faut répondre aux 5 W (de l’anglais : « What Who Where When Why, ou en français : Quoi Qui 0ù Quand Pourquoi ? »
Cela constitue la règle fondamentale, incontournable, impérative du journalisme. Il ne peut pas y avoir de compromis sur les quatre premiers W, nous dit on. L’auditeur a besoin de repères : Où ça s’est passé, quand, qui est concerné, qu’est-ce qui s’est passé ! »
Ca, c’est du débriefing ! C’était assez facile à comprendre et à se rappeler. Applicable d’ailleurs à beaucoup de situations. Je me suis demandé si Gerard Houiller en avait pas fait profit auprès des bleus ? Il faut tout de même savoir ce qu’on fait quand on traverse le terrain avec une balle au pied. Où est le but, et à qui on va envoyer la balle, quand, et pour quel usage ?
Je ne sais pas qui avait inventé la recette. Mais elle me semblait en concordance parfaite avec le monde de John Le Carré. Et plus loin dans le temps avec celui de notre cher Sherlock Holmes.
("Hé Bien ! C’est formidable. Au début, j'ai cru que vous étiez intelligent, mais je m'aperçois que ça n'était pas si malin, au fond !" - Mr. Wilson dans La Ligue des rouquins), où Holmes expose un vrai raisonnement, logique, rationnel, basé sur l’observation, la déduction, et la synthèse, et qui ne laisse aucune place à l'intuition.
Un doute m’est venu. Et si l’enquêteur utilisait cet arsenal pour authentifier l’auteur d’une crotte de chien, oubliant le cadavre criblé de balles qui est allongé sur le trottoir d’en face ?
Depuis, vingt-cinq médias internationaux ont enquêté sur la violence meurtrière dont sont victimes les journalistes au Mexique. . https://bit.ly/2IT3nJI
Ce genre de personnes se remettant sur l’enquête vous fait retrouver la foi en la gente humaine, après que les assassins vous l’ai fait perdre.
Sur inter, j’ai tout de même trouvé le journal de 13 heures bien décevant, (écoutable en pod cast https://bit.ly/2IPSqsn ). Il me semblait tenir au mieux de la composition artistique, au pire relevé d’un exercice de manipulation.
Le silence est en soit une forme de complicité, aurait pu dire Sherlock Holmes !
Au fond il suffit simplement de faire son métier, c’est à dire ce que les autres exigent de vous :
« En soi, la pratique du mensonge n’a rien d’éprouvant. C’est une question d’habitude professionnelle, une ressource que la plupart des gens peuvent acquérir."
« L’espion qui venait du froid, de John Le Carré-1973 »
https://bit.ly/2LqlAPx John Le Carré, les autres et moi – JDD
Le chroniqueur d’inter s’est attardé sur les tests de recherche du covid pratiqué au Havre, la ville d’Edouard Philippe. Puis s’est appesanti sur le résultats d’un sondage fait sur un millier des « 16-26 ans » concluant à un accroissement formidable de la confiance des jeunes envers les élus et personnels politiques, (du local au national dans le même lot)... Beaucoup, peut-être encouragés par les résultats des marcheurs-néophytes en politique, se verraient pourquoi pas faire une carrière…
Il n'y a pas que le covid pour imposer des masques. https://bit.ly/3oPn0l6  ;  ;
Peut-être est il plus judicieux de tirer des bords sur nos chers morts ? Cela met tout le monde au garde à vous, et occupe l’espace médiatique. A un jour près Giscard a failli se télescoper à la page des obsèques avec Anne Sylvestre. On en aurait fait une fabulette, parlant de la rencontre de Blanche-Neige et du chasseur.
Pas sûr que c’aurait été jugé de bon goût ! L’humour est bien plus difficile à manipuler actuellement que la langue de bois.
Mais enfin ils sont morts à un jour d’écart, comme il convient. Les nécros étaient prêtes dans les boites. Une célébrité par jour ! Peut-être est là un quota à ne pas dépasser ? Pour la mort des anonymes dont les circonstances sont fâcheuses, au point de rendre l’événement remarquable, c’est un autre problème.
Mais il semble que certains jugent inutiles d’en parler.
Ce drame a pourtant fait la une non seulement des journaux régionaux, mais a bénéficié aussi d’une grande couverture médiatique de la plupart des grands titres. https://bit.ly/3qZ8ARa
Il est possible que l’info ait été diffusé sur inter et les chaînes publiques, mais en catamini, en tous cas pas dans les grands titres. Comme dans toutes les affaires liées à un sujet sensible, ce triste accident fait sens, car situé à la rencontre du partiiculier, de l'événementiel, et des lobbys agissant. .
On comprend que le tableau de chasse soit si fâcheux, au terme de cette battue aux sangliers, que certains journalistes n’ont même pas eu besoin de conseils pour s’autocensurer, et préférer parler d’autre chose. Dans cette affaire, poser la règle des 5 W, What-Who-Where-When-Why revient à poser cinq chefs d'accusation.
On comprendra la timidité à la traiter et ce comment des informations faisant sens s'avèrent explosives. Là où un journal comme « Le canard enchaîné » se met à cancaner, d’autres rentrent vite au poulailler.
Un jeune homme est mort. Cela a été un drame pour ce qui restait de sa famille, mais d’un village, voir d’une région. Il faisait l’unanimité par sa gentillesse et sa générosité, toujours prêt à donner un coup de main aux autres. Bien que nés de parents Anglais, Morgan Keane était né dans la région. Il appartenait à cette communauté Franco Anglaise, déjà secoué par le Brexit.
Morgan Kean avait toute la vie devant lui. Il aurait pu devenir écrivain. Un nouveau John Le Carré.
Il y a des gens qu’on a connus que par les journaux, ou par les livres qui restent longtemps vivants en nous.
Ils surnagent du tri sélectif des jours.