France : le forcing ADN a réussi, mais une pétition est lancée

par FAMA
jeudi 4 octobre 2007

Ça y est. Une promesse électorale du président français Nicolas Sarkozy, concernant le contrôle du regroupement familial, va pouvoir être respectée en France. Cette fois-ci, elle le sera contre vents et marées ! Mais la communauté des « réticents » ne compte pas baisser les bras de sitôt.

En effet, le Sénat français a adopté, mercredi soir, en dépit de la polémique grandeur nature soulevée autour de la question, l’amendement dit Hyest-Hortefeux, des noms de Jean-Jacques Hyest président UMP de la commission des lois du Sénat et du ministre de l’Immigration Brice Hortefeux. Cet amendement autorise le recours à des tests ADN pour contrôler le regroupement familial en France.

Il aura passé au Sénat, grâce à 176 voix contre 138 sur les 323 votants donc 314 suffrages exprimés. Ceux qui ont voulu que cet amendement passât, à savoir les sénateurs de la majorité UMP, même si ce n’était pas forcément tout le monde, ont argué qu’il assurait « des garanties supplémentaires » aux demandeurs de visas par rapport à l’amendement Mariani, du nom de l’élu du peuple Thierry Mariani. En septembre dernier, ce « premier » amendement a été adopté par les députés, mais vite rejeté par la suite, par la commission des lois du Sénat.

Sur ce point, cette décision n’a surpris personne, vu les réactions violentes qu’il a suscitées en France. Réactions ayant fait entrevoir que ce serait sa version atténuée qui passerait. Ceci, en dépit des déclarations, en son temps de Sarkozy et de Brice Hortefeux disant qu’ils n’y étaient pas hostiles. Le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, lui, avait fait part de ses réticences, ainsi que Fadela Amara, secrétaire d’État à la Politique de la ville. Lequel avait estimé qu’une telle disposition « jetterait l’opprobre sur les étrangers qui veulent venir chez nous ».

Mais cette fois-ci, nul ne pouvait prédire le contraire de ce que les sénateurs, forcément de la majorité UMP, ont servi aux Français. Car, en dehors du fait que c’était une volonté du candidat Sarkozy, son Premier ministre François Fillon a, comme s’il voulait influencer la décision des sénateurs, défendu à visage découvert le recours à des tests ADN pour contrôler le regroupement familial en France. N’avait-il pas invité les Français, en dépit de la contestation grandissante tant à droite qu’à gauche, à éviter « sur le fond, les polémiques et la caricature » et que son gouvernement était « décidé en tout état de cause, à utiliser les techniques modernes de biométrie au service d’une politique maîtrisée de l’immigration ». M. Fillon était ainsi, mercredi, face aux députés de l’Hexagone.

Le « passage » donc, comme sur des roulettes, de cette disposition permettant de vérifier par test ADN la filiation des candidats à l’immigration dans le cadre du regroupement familial, ne pourrait-il pas être pris pour un forcing réussi. En ce sens qu’en dehors de la réticence d’élus et de personnalités non moins influentes (par exemple le député UMP Hugues Portelli), celle de quelques chefs d’Etats et de gouvernements des pays africains ayant une forte communauté expatriée en France, avait été notée.

Il s’agit, entre autres du chef de l’Etat sénégalais qui n’avait pas caché son hostilité vis-à-vis de l’amendement Hyest-Hortefeux. Me Abdoulaye Wade, dont le pays compte plusieurs milliers d’expatriés en France, avec plus de 9 000 étudiants, avait fait savoir son point de vue sur la question, lundi, lors d’une conférence de presse donnée à Dakar.

Sur ce, le président sénégalais réagissait en ces termes : « S’il est vrai que chaque pays est libre d’adopter les mesures qu’il veut imposer à l’entrée des étrangers sur son territoire, la pratique de l’ADN est une violation de la liberté individuelle, une atteinte à l’intégrité physique sans que l’on soit sûr qu’elle n’est pas exempte d’erreur. Il vaut mieux demander purement et simplement à quelqu’un de ne pas entrer dans le territoire national, que de le soumettre à des opérations qui portent atteinte à cette liberté ».

De son côté, le ministre français de l’Immigration Brice Hortefeux ne l’entend pas de cette oreille. Car, après avoir proposé aux Français, certainement pour atténuer la virulence des débats, de soumettre les tests génétiques à l’autorisation d’un magistrat civil et de limiter le test ADN à la recherche d’une preuve de filiation avec la mère, mais jamais avec le père, il répondra aux propos du président sénégalais en adressant une correspondance à l’ambassadeur du Sénégal à Paris.

C’est le quotidien national sénégalais, Le Soleil, qui a révélé le contenu du message de Brice Hortefeux. Selon l’édition de mercredi de ce journal, il s’agirait de ce qui suit : « Je viens d’apprendre par une dépêche, que le président Wade était contre les tests d’ADN prévus par le nouveau projet de Loi sur l’immigration. Je vous demande de bien vouloir lui faire part de ma volonté de tout faire pour gommer les effets négatifs de l’amendement Mariani, en proposant, moi-même au Sénat, de faire suivre aux étrangers la même procédure qui est appliquée aux citoyens français, dans ce domaine et qui exige l’autorisation préalable d’un magistrat, ce qui éviterait toute discrimination entre Français et étrangers ».

N’empêche, en France, les opposants à l’amendement Hyest-Hortefeux, ont lancé, mercredi, une pétition intitulée « Non aux tests ADN », sous l’égide de Charlie Hebdo. Sur son site internet, Charlie a annoncé parmi les premiers signataires de cette pétition qui aura recueilli plus de 10 000 signatures en moins de 24 heures, des noms de personnalités aussi influentes que : « Isabelle Adjani, Raymond Aubrac, François Bayrou, Laurent Fabius, Dan Franck, René Frydman, François Hollande, Axel Kahn, Bernard-Henri Lévy, Pierre Mauroy, Jean Claude Mailly, Jeanne Moreau, Patrick Pelloux, Ségolène Royal, Jorge Semprun, Dominique Sopo, Francis Spizner, Bernard Thibault, Lilian Thuram, Philippe Val, Dominique de Villepin ».
 

Boubacar Diassy

Crédit photo : LyonMag 


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