France sociale (2) de l’assistance à l’assistanat

par Perceval
samedi 19 novembre 2016

A l'heure où une association (le secours catholique) estime légitime de donner des leçons de morale au personnel politique de notre pays (en interpellant des candidats à la primaire de la droite qui auraient oublier le social dans leur programme), il faut peut être essayer de comprendre pourquoi et comment le social est devenu un tel produit d'appel en France, une incantation politique qui empêche le pays tout autant que les pauvres de s'en sortir.

La pauvreté au XXI ème siècle en France est relative, elle est d'abord un outil statistique (et relatif)
Un "pauvre" avec 850 euros par mois mérite-t-il d'être qualifié de pauvre au regard de la pauvreté mondiale ?

Que dit l'observatoire des inégalités à ce sujet ?

Entre 1970 et 2009, le seuil de pauvreté à 50 % avait doublé de 400 à 850 euros (en euros constants, c’est-à-dire une fois que l’on a retiré l’inflation). Cette évolution est due à l’utilisation d’une définition relative de la pauvreté : le seuil de pauvreté dépend donc de la richesse d'une société, très peu de pauvres chez nous vivent dans le dénuement, la vraie pauvreté est sans doute ailleurs (le manque de liens sociaux, l'isolement, le grand âge ou la maladie)

Dans le monde la banque mondiale place quant à elle le seuil de pauvreté à 1,90 $ par jour soit environ 50 euros environ par mois et par personne.

1) La pauvreté dans l'hexagone est en fait très relative et traduit très imparfaitement le niveau de dénuement des personnes (on peut vivre correctement dans la Creuse avec 800 euros par personne et très mal en région parisienne avec cette somme ou même le Smic).

2) La montée en volume des ayants droits en France pourrait avoir provoqué un nouveau phénomène : l'optimisation sociale (tout comme on parle aussi d'optimisation fiscale)

Tout comme on distingue classiquement l'optimisation fiscale, la fraude fiscale et l'évasion fiscale en matière sociale on peut aussi désormais parler d'optimisation, de fraude ou même d'évasion sociale.

Ceux qui dénoncent les riches, les patrons ou les privilégiés (qui écraseraient les pauvres comme au XIX ème siècle) oublient cette nouvelle tendance : l'optimisation sociale de personnes qui s'arrangent volontairement pour ne pas dépasser les seuils des aides sociales ou y rester tout au long de leur vie. (un logement HLM pour la vie par exemple alors que ce logement ne devrait être accessible qu'un temps limité lors de l'installation en Ile de France d'un nouvel arrivant par exemple).

3) Comment certains parviennent-ils à optimiser socialement leur activité ?

Pour optimiser son activité plusieurs stratagèmes sont envisageables :

a) Ne pas gagner d'argent officiellement et "bénéficier" donc du RSA et de toutes les aides périphériques. Il a été maintes fois démontré que le niveau de vie d'un ménage sans aucune activité face à celui d'un autre ménage dont les deux membres gagnent le SMIC, que le ménage des Smicards comparé à ceux qui ne travaillent pas (HLM offert, CMU, transports gratuits, aide pour la cantine, pour le chauffage, pour EdF, pour les télécoms, pour la redevance TV, pour les impôts locaux, pour les vacances...).

Ne pas avoir des revenus ne signifie pas ne pas travailler officieusement

Il va sans dire que celui qui ne gagne pas d'argent officiellement a toute latitude (et tout le temps) pour travailler officieusement pour peu qu'il soit un peu débrouillard et habile (bricolage, jardinage, mécanique, vente sur le bon coin, brocantes...)

L'argent gagné officieusement n'entre pas évidemment dans le calcul des aides, ni des charges sociales, ni du fisc et on peut être sans travail, non imposable et vivre assez bien en France.

b) Ne jamais travailler plus ou travailler mieux pour ne pas sortir du système des aides

Si dans un pays ordinaire (en Europe) les aides sociales sont considérées comme ponctuelles, provisoires, pour permettre de passer un cap (difficile), les aides en France n'ont pas toujours cette rigueur et elles peuvent servir à incruster des familles dans la pauvreté, dans la demande incessante d'aides sociales sans leur donner l'envie ou même la possibilité de devenir autonomes et dignes.

L'assistance n'est plus conçue en France dans une dynamique de mobilité mais comme le maintien dans une impasse sociale pour un nombre croissant d'habitants qui renoncent à jouer tout rôle autre que celui d'ayant droit

Dans certains pays comme la Suisse par exemple (le pays le plus compétitif au monde) les aides sociales que reçoit une personne sont remboursables, porter à son débit, pas un droit illimité et acquis à attendre que le pays vous aide. En matière de chômage si celui-ci est quasi absent du territoire de la confédération helvétique c'est que les aides sociales sont vécues à la fois comme une déchéance (il est honteux de mendier de l'aide auprès de l'Etat) et un ultime filet auquel presque personne ne fera appel (l'assistance ne peut fonctionner que si ses bénéficiaires sont peu nombreux, responsabilisés et conscients qu'elle ne sera pas illimitée)

4) Le basculement de l'assistance vers l'assistanat

Dans les années 70, sans doute après la première crise de l'énergie, notre pays a basculé progressivement dans l'assistanat généralisé via

- des allocations en tout genre et pour tous (y compris les riches qui sont pressurés par l'impôts mais qui bénéficient par ailleurs de niches fiscales diverses et variées rendant la fiscalité illisible et hyper complexe)

-de très hauts niveaux de prélèvements (sociaux notamment) via une CSG qui pénalise toute l'activité et décourage aussi bien les investisseurs (de vils actionnaires ou bailleurs) que les travailleurs (qui s'ils travaillent beaucoup seront pénalisés par des taux progressifs d'impôts)

- le maternage de toute la population à toutes les étapes de la vie (dès 2 ans dans des écoles garderies jusqu'à la fac censée former des révolutionnaires en chambre)

- l'encadrement et la restriction des libertés des citoyens via des formulaires à remplir sans cesse, une administration inquisitrice et un flicage généralisé sous prétexte de terrorisme ("le meilleur des mondes")

5) une dépense sociale devenue à la fois gigantesque (plus de 560 milliards par an en comprenant les retraites) et contre productive

L'Etat ne parvient plus à garantir aujourd'hui l'équité, la justice sociale, ni même une répartition juste basée sur le travail et l'activité, il est devenu pour le plus grand nombre un simple guichet payant des allocations.

Si l'Etat a pu être providentiel après la seconde guerre mondiale (lors du rattrapage des 30 glorieuses) plus nous avançons dans le XXI ème siècle moins celui-ci rend de services aux citoyens :

- il ponctionne une part insupportable de la richesse nationale pour faire fonctionner ses propres services (qui malgré l'informatique consomment de plus en plus de moyens)

- il étouffe l'activité du secteur privé sous les règlementations, la complexité et même parfois la concurrence qu'il fait au privé

- il remplit de plus en plus mal ses fonctions régaliennes qui sont la sécurité intérieure, la défense et la justice (l'Etat social rend impécunieux l'Etat régalien)

Vers un dépérissement de l'Etat au XXIème siècle ?

Relisons ce que disait il y a 150 ans Engels sur la fin de l'Etat (son dépérissement)

Ces classes [sociales] tomberont aussi inévitablement qu’elles ont surgi autrefois. L’État tombe inévitablement avec elles. La société, qui réorganisera la production sur la base d’une association libre et égalitaire des producteurs, reléguera toute la machine de l’État là où sera dorénavant sa place au musée des antiquités, à côté du rouet et de la hache de bronze. »

Engels 1884

 

L'Etat providence correspondait en fait à un moment précis de l'histoire entre industrialisation, modernisation et reconstruction (après guerre). Désormais les citoyens ont-ils encore besoin d'une organisation comptant plus de 5 millions de salariés et qui prétend tout faire à leur place (les soigner, les éduquer, les protéger, les loger, les distraire) alors que les résultats de ces actions, prétendument sociales, sont très criticables ?

 


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