François Fillon se pose en champion du sarkozysme

par Henry Moreigne
lundi 8 septembre 2008

Invité en guest star pour clôturer luniversité dété de lUMP de Royan, François Fillon a, en ouvrier besogneux assuré le service après-vente du sarkozysme. Fort de la domination de lUMP, le Premier ministre sest livré, à la limite de larrogance, à une attaque à larme lourde contre la gauche et le PS en particulier. Le chef du gouvernement naura eu de cesse de le marteler dans un exercice dautopersuasion : lUMP et Nicolas Sarkozy ont gagné la bataille idéologique contre la gauche. La preuve ? Ladoption du RSA.

Reprenant systématiquement la ligne de communication fixée par lElysée, les ténors de lUMP nont eu de cesse de souligner le contraste entre « le campus » de lUMP et luniversité dété du PS. Certes, au premier regard, lunité affichée par lUMP tranche avec les dissensions du PS révélées une semaine plus tôt à La Rochelle. Les perspectives ne sont pas pourtant aussi idylliques que lUMP tend à lassurer. Lunité de façade est essentiellement assurée par un mode de fonctionnement stalinien, tout est décidé par le chef suprême : Nicolas Sarkozy.


Le Premier ministre a dressé de façon avantageuse le bilan quil partage avec Nicolas Sarkozy et évoqué une victoire idéologique quil juge totale sur la gauche. Le Premier ministre en est convaincu : « il ny a pas de succès politique sans domination intellectuelle », « Le plus grand mérite de Nicolas Sarkozy, cest davoir remporté la bataille des idées ». Symbole de cette nouvelle droite décomplexée qui nhésite pas à alterner mesures libérales et étatistes : le RSA.

De façon très manichéenne, dans un schéma de pensée partagé avec son mentor, François Fillon a dessiné aux militants UMP une France caricaturale dont la césure serait la place du travail dans la société. Contre une gauche trop favorable à lassistanat incarné par un RMI jugé ghetto, la droite aurait réussi à redonner sa place à la valeur travail. « Nous sommes sortis dun marasme intellectuel qui a coûté si cher à la France » a asséné François Fillon revenu une énième fois sur la réforme symbolique des 35 heures. « Ils (les Français) savent désormais que le partage du travail était un leurre ». « Le RSA, cest le symbole de la politique de réforme que nous proposons », a-t-il lancé, avant daccuser le RMI dêtre devenu « non plus le filet de sécurité quil devait être, mais un statut permanent ».

Le Premier ministre se targue dêtre lartisan dun nouveau droit social français dont Nicolas Sarkozy serait le grand architecte. Un nouveau droit qui donnerait la priorité au travail sur lassistance. Dans les faits pourtant, on peut redouter quelle ne se limite à opposer les pauvres aux moins pauvres. Car, à linverse des dirigeants de lUMP, les Français ont découvert que le travail ne garantissait plus contre la pauvreté.

Si le Premier ministre a vanté le concept du « travailler plus », il a singulièrement omis de sattarder sur labsence du « gagner plus ». Cest pourtant que réside toute la fragilité de lidéologie prônée par François Fillon, sur la question du déséquilibre dans le partage, dans la redistribution équitable, des richesses produites. A cet égard, ladoption promise du RSA risque de constituer une victoire à la Pyrrhus. Les modalités du financement du bébé de Martin Hirsch attestent du déséquilibre actuel avec un bouclier fiscal qui exonère de leffort collectif des très riches toujours plus riches mais qui met à contribution des classes moyennes en voie de paupérisation.

Selon le chef du gouvernement, la rupture promise serait au rendez-vous. Les classes moyennes, cœur de notre démocratie, en proie à une baisse de leur pouvoir dachat, en doutent légitimement. Le pays a offert au chef de lEtat un rare crédit, un boulevard pour mener à la hache une politique de réformes dans le sens répétitif du toujours moins et du recul de lEtat social. La patience des Français arrive désormais à son terme. Après les efforts, ils attendent des résultats. Comme la rappelé François Fillonpassé la conquête du pouvoir vient la phase délicate de laction. Or, la crise économique rogne les marges de manœuvre du gouvernement à la tête dun Etat quil a contribué à rendre exsangue avec ladoption du paquet fiscal. Dans la même journée, Christine Lagarde était contrainte de reconnaître que la croissance dont elle garantissait un niveau oscillant entre 1,7 et 2 % devrait finalement plafonner aux alentours d’1 %.

« Nous sommes en quête de modernité. Ils sont enfermés dans le passé » a lâché François Fillon à légard de la gauche, visiblement trop heureux de sortir de son rôle de simple exécutant dans lexécutif de la république. Selon le Premier ministre, « lUMP cest laudace, lopposition cest le conservatisme ». Laudace dIcare. Dans un monde déboussolé, les Français sont nostalgiques dun passé les choses étaient plus simples, plus compréhensibles et dans lequel surtout les lendemains étaient porteurs dun avenir meilleur. Dans un monde qui tourne déjà trop vite, le tourbillon du sarkozysme, qui défait plus quil ne construit, pourrait bien être ressenti comme anxiogène.


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