Frégates de Taiwan : le dossier Clearstream vu de Taiwan

par Philippe Vassé
mercredi 1er août 2007

La presse taiwanaise reparle de plus en plus du dossier des frégates Lafayette et des à-côtés de la vente de ces navires par la France à Taiwan. De manière très « neutre », les médias taiwanais s’interrogent sur les informations en provenance de Paris concernant le dossier Clearstream et citent les sources françaises.

Les récents ennuis judiciaires qui accablent l’ancien Premier ministre français, Dominique de Villepin, en marge de ce que tous appellent "le dossier Clearstream" (perquisitions, possibilité de mise en examen avec plusieurs charges retenues contre lui), ont fini par attirer l’attention des médias taiwanais.

Tous ou presque, hier samedi 28 juillet 2007, se contentaient pour l’instant de citer la dépêche AFP (donnée ci-dessous en version anglaise tirée du journal Taipei Times) sur les événements en France. Tout en soulignant bien que la dépêche de l’AFP indique comme point de départ de l’affaire Clearstream le contrat de vente des frégates Lafayette et ses à-côtés occultes.

Un petit rappel utile et salutaire quand la justice française se lance sur des dossiers secondaires au détriment du principal : celui des comptes de nationaux français qui auraient touché des commissions occultes dans l’affaire dite "des frégates de Taiwan".

"Fausse liste" contre "vraie liste Clearstream"

Les médias et commentateurs politiques taiwanais, comme les humoristes locaux, évoquent avec une certaine "neutralité", presque suisse, la problématique de "l’affaire Cleartstream" en France.

Tous énoncent qu’il y a bien dans le dossier judiciaire français en cours contre l’ancien Premier ministre français cette fameuse "fausse liste", dite de "clients Clearstream", dont les juges d’instruction recherchent les auteurs réels et de possibles donneurs d’ordre en arrière-plan.

De leur côté, nombre de commentateurs et analystes, en mode off pour l’instant, s’interrogent sur des points qui leur paraissent poser des questions plus essentielles dans ce dossier et qui, ici, sont de vraies interrogations essentielles.

Pointons brièvement ces questionnements intrigués :

. Si une "fausse liste" de personnalités françaises qui auraient été impliquées dans les commissions occultes liées au contrat des frégates a été créée sur la base d’une "liste réelle" que l’auditeur de Clearstream Florian Bourges aurait fournie à un agent présumé de la DGSE, informaticien annoncé, E. Lahoud, pourquoi la justice française se préoccupe-t-elle avec tant de moyens et de dynamisme d’abord de cette "fausse liste" au lieu de s’intéresser à la supposée "vraie liste originelle" et à... Clearstream ?

. De nombreuses personnes en Europe ayant soupçonné Clearstream d’être un organisme financier qui aurait, selon eux, facilité ou couvert les opérations financières occultes liées au contrat commercial franco-taiwanais, certains à Taiwan se demandent pourquoi, si la justice française a vraiment la preuve de l’existence d’une "vraie liste" validant donc de manière sûre la "fausse", elle a clos en mai 2007, juste après les élections présidentielles françaises, l’instruction sur les commissions occultes liés à la vente des navires de guerre, sans avoir vraiment enquêté sur la banque luxembourgeoise en relation avec cette éventuelle "vraie liste" ?

Il découle de ces interrogations légitimes que les analystes et les citoyens à Taiwan se montrent plutôt "circonspects" sur les poursuites judiciaires qui suivent la piste de la "fausse liste" alors que les "recherches" à partir de la "vraie liste" donnée par Florian Bourges semblent ne pas mobiliser avec autant de vigueur ladite justice française.

Vu de Taiwan, et s’agissant de l’argent des citoyens du pays, ces remarques ont quelque légitimité d’expression.

Une enquête rapide et efficace face à une instruction lente et close

Toujours en off, du fait des délicates relations entre Paris et Taipei sur ce sujet complexe, des observateurs notent que l’on pourrait voir dans "l’acharnement judiciaire et la rapidité de l’enquête en cours contre l’ancien Premier ministre plus qu’un règlement de comptes purement politique entre "amis" du même parti".

D’aucuns soulignent en s’étonnant que le dossier dit de la "fausse liste Clearstream" ait été aussi promptement traité, avec des moyens importants, au nom de la morale publique et de la transparence du milieu politique alors que la lenteur et l’absence de soutien public des autorités françaises (notamment via le veto répété du "secret-défense" opposé aux juges d’instruction) ont freiné, puis permis d’enterrer le dossier d’instruction judiciaire sur les commissions occultes supposées liées à la vente des frégates.

Y aurait-il ici deux poids deux mesures dans la volonté de transparence du monde politique et de la morale publique ?

La voix de la sagesse populaire taiwanaise

Une source taiwanaise requérant l’anonymat, mais qui connaît bien le dossier des frégates Lafayette a sa petite idée sur les réponses qui pourraient être apportées à ces questions de bon sens.

Selon ce citoyen taiwanais bien informé, comme on dit en France, " tout se passe comme dans un spectacle de magie : on attire l’attention du public et des médias par de grandes gesticulations sur une affaire burlesque de politique interne franco-française de "fausse liste" afin d’éviter de vérifier soigneusement les allégations de certains proches du dossier initial sur le rôle possible de Clearstream et les comptes de ses éventuels clients français, en relation avec des commissions occultes".

Et cette source de conclure sa réflexion par ces mots : " La France serait mieux inspirée de faire la lumière complète sur la vérité dans cette affaire qui, sinon, continuera à nuire profondément et longtemps à l’image extérieure de son pouvoir politique et judiciaire."

La voix de la sagesse taiwanaise sera-t-elle entendue à Paris ?

D’autant que, pas très loin de la capitale française, en Suisse, les tractations officieuses progressent, le gouvernement taiwanais actuel désirant fortement pouvoir intégrer, dans son bilan à présenter aux électeurs avant les élections locales du début 2008, le rapatriement des 490 millions de dollars d’argent public national toujours pour l’heure "bloqués" dans les banques helvétiques dans ce dossier des frégates.

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Dépêche AFP diffusée à Taiwan (en anglais)

French judges query former prime minister LAFAYETTE LINK : Dominique de Villepin could face slander charges over allegations that top politicians had secret accounts to hold bribes from a 1991 ship sale to Taiwan AP,

PARIS Saturday, Jul 28, 2007

Former French prime minister Dominique de Villepin appeared yesterday before judges who are investigating his suspected role in a smear campaign that targeted President Nicolas Sarkozy before he became president, judicial officials said. Villepin’s office has said it expects preliminary charges to be filed against him in the affair, a scandal that has shaken France’s political world to the core.

The unusual, complex case stems from an attempt in 2003 and 2004 to discredit Sarkozy, who was a government minister at the time and a political rival of Villepin within their conservative UMP party. Sarkozy and other prominent figures were falsely accused of having secret bank accounts in the Luxembourg clearing house Clearstream, purportedly created to hold bribes from a 1991 sale of Lafayette-class frigates to Taiwan.

Investigators are trying to pin down who was behind the smear campaign. He appeared at the Paris courthouse yesterday after returning from vacation in French Polynesia.

In a statement July 10, Villepin’s office said he had been summoned for questioning by investigating judges "who expect to file preliminary charges against him." The charges are expected to include "complicity in using forged documents" and "complicity in slanderous denunciations," judicial officials said, speaking on condition of anonymity. Villepin has denied wrongdoing in the Clearstream scandal, which shook up former president Jacques Chirac’s administration last year.

He said in the statement his actions were "strictly in the framework" of his jobs as foreign minister and interior minister at the time. Investigators searched Villepin’s home and office in the investigation after the discovery of his name in computer files belonging to a Defense Ministry official, General Philippe Rondot, who Villepin had ordered to investigate the affair. Rondot wrote in his notes that two key players told him they acted on orders from Villepin. Under French law, a minister or former minister has the right to argue that he should be judged by the special Court of Justice, which tries officials accused of wrongdoing in their functions. Among issues to be determined is whether Villepin would have acted in his capacity as a minister — as he contends.

If preliminary charges are filed against him, he could, therefore, contest them. Other prominent figures have been questioned in the case, including former prime minister Jean-Pierre Raffarin and Interior Minister Michele Alliot-Marie, defense minister at the time.

Chirac has refused to be questioned in the case, citing judicial immunity granted for acts during his presidential tenure. Preliminary charges mean that the investigating judge has determined there is strong evidence to suggest involvement in a crime. The filing gives the magistrate time to pursue a deeper probe while the suspects await either a trial or release if no crime is found.


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