Fusions de communes : le mouvement est lancé

par Fergus
lundi 9 novembre 2015

Incontestablement, cela bouge du côté des communes. Ici et là sur le territoire national, des regroupements significatifs sont en marche. C’est notamment le cas à Cherbourg où la ville portuaire, naguère popularisée par Jacques Demy, va fusionner avec quatre de ses voisines...

Le Code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit deux types de fusions : la fusion simple et la fusion-association, cette dernière étant née d’un texte législatif voté en février 2010. Dans le premier cas, les anciennes mairies deviennent de simples annexes de la mairie du chef-lieu. Dans le second cas, elles gardent un statut de « mairie-déléguée » – présidée par un « maire délégué » – et conservent des prérogatives en matière d’établissement d’actes d’état-civil et d’action sociale. C’est ce deuxième schéma qui a été choisi par les 5 communes de l’actuelle Communauté Urbaine de Cherbourg (CUC) qui vont fusionner au 1er janvier 2016, la nouvelle entité reprenant à son compte les compétences de la CUC.

Sont concernées les actuelles communes de Cherbourg-Octeville (37 121 habitants) – déjà le résultat d’une fusion intervenue en 2000 –, Équeurdreville-Hainneville (17 319 habitants), Tourlaville (15 868 habitants), La Glacerie (5 691 habitants) et Querqueville (5 104 habitants). La fusion ayant été actée par les membres de la CUC le 7 septembre puis, à une écrasante majorité, par les élus des communes concernées le 8 septembre, c’est une nouvelle commune de 81 103 habitants pour qui verra le jour le 1er janvier sur une superficie de 68,54 km². Cette commune se nommera Cherbourg-en-Cotentin.

Les objectifs poursuivis par les élus s’inscrivent dans le cadre d’une démarche de mutualisation des ressources financières et des compétences humaines, mais aussi de rationalisation des budgets de fonctionnement et d’investissement. Avec pour ambition d’être « assez forts dans la Normandie de demain » comme le soulignait il y a quelques mois le président de la CUC Benoît Arrivé. À cet égard, les dispositions légales visant à favoriser de tels regroupements ont incontestablement joué en faveur d’une accélération de la fusion : grâce à la décision intervenue avant la date butoir du 1er janvier, le maintien des dotations de l’État au niveau de 2013 apportera en effet un bonus de 47 millions d’euros à la nouvelle entité relativement à la somme actualisée des dotations dont auraient bénéficié les anciennes communes.

En définitive, le seul véritable point de réticence lié à cette démarche concerne les 2 300 employés municipaux de Cherbourg-en-Cotentin. Il est en effet probable que, d’ici à l’arrivée de la nouvelle équipe d’élus issue de l’Élection municipale de 2020, des ajustements à la baisse seront, sinon mis en œuvre avant cette échéance, du moins envisagés pour être opérationnels après le scrutin dans le cadre d’une refonte des attributions. Ce volet social explique sans aucun doute le vote « contre » des élus étiquetés Front de Gauche ou appartenant à la gauche dissidente, seuls adversaires affichés de la fusion avec un élu de droite de Querqueville lors du vote du 8 septembre.

La position des élus du FdG est en l’occurrence loin d’être illégitime, mais elle se heurte à la question du pragmatisme économique appliqué à une collectivité locale : doit-on privilégier l’emploi du moment, ou se projeter dans le futur en modernisant les structures avec, à la clé, des perspectives de développement potentiellement favorables à l’emploi au sein des équipes municipales de la collectivité ? Les élus du « Grand Cherbourg » – un projet dont l’idée a été relancée dès 2009 par Bernard Cazeneuve – ont massivement privilégié la deuxième alternative.

L’exemple de Dunkerque semble leur donner raison. Après une fusion réussie avec Malo-les-Bains en 1970, le grand port nordiste a ensuite fusionné avec Petite-Synthe et Rosendaël en 1972, puis Mardyck en 1980. En 2010, nouvelle fusion avec Saint-Pol-sur-Mer et Fort-Mardyck, devenues à cette date « communes associées ». Aujourd’hui Dunkerque compte 91 386 habitants, soit une dizaine de milliers de plus que le nouveau Cherbourg, et nul courant politique audible ne semble en mesure de démontrer dans l’agglomération que cette démarche a été négative, bien au contraire.

 

Le Maine-et-Loire, laboratoire de la réforme

À l’image de Cherbourg-en-Cotentin, d’autres regroupements significatifs interviendront, ici le 15 décembre 2015, là le 1er janvier 2016, dans un cadre plus rural. Ce sera notamment le cas en différents lieux du Maine-et-Loire qui, à bien des égards, apparaît comme un département pionnier en la matière dans le cadre des fusions-associations nées de la loi de 2010. Qu’on en juge à travers le cas des cinq regroupements les plus emblématiques du département :

Baugé-en-Anjou réunira l'ensemble des dix communes de l’actuelle Communauté de communes de Baugé : Baugé-en-Anjou – déjà issue de la fusion de quatre communes en 2013 –, Bocé, Chartrené, Cheviré-le-Rouge, Clefs-Val d'Anjou, Cuon, Échemiré, Fougeré, Le Guédeniau et Saint-Quentin-lès-Beaurepaire.

Beaupréau-en-Mauges réunira l'ensemble des dix communes de l’actuelle Communauté de communes du Centre-Mauges : Andrezé, Beaupréau, La Chapelle-du-Genêt, Gesté, Jallais, La Jubaudière, Le Pin-en-Mauges, La Poitevinière, Saint-Philbert-en-Mauges et Villedieu-la-Blouère.

Chemillé-en-Anjou réunira l'ensemble des douze communes de l’actuelle Communauté de communes de Chemillé : Chanzeaux, La Chapelle-Rousselin, Chemillé-Melay, Cossé-d'Anjou, La Jumellière, Neuvy-en-Mauges, Sainte-Christine, Saint-Georges-des-Gardes, Saint-Lézin, La Salle-de-Vihiers, La Tourlandry et Valanjou.

Montrevault-sur-Èvre réunira l'ensemble des onze communes de l’actuelle Communauté de communes de Montrevault : La Boissière-sur-Èvre, Chaudron-en-Mauges, La Chaussaire, Le Fief-Sauvin, Le Fuilet, Montrevault, Le Puiset-Doré, Saint-Pierre-Montlimart, Saint-Quentin-en-Mauges, Saint-Rémy-en-Mauges et La Salle-et-Chapelle-Aubry.

Sèvremoine réunira l'ensemble des dix communes de l’actuelle Communauté de communes de Moine-et-Sèvre : Le Longeron, Montfaucon-Montigné, La Renaudière, Roussay, Saint-André-de-la-Marche, Saint-Crespin-sur-Moine, Saint-Germain-sur-Moine, Saint-Macaire-en-Mauges, Tillières et Torfou.

 

Au total, 86 communes vont être fusionnées pour ne plus en faire que 12 dans ce seul département. Et ce n’est sans doute que le début d’un mouvement appelé à s’amplifier dans les prochaines années, non seulement en Maine-et-Loire, mais également dans d’autres départements de France. Certes, tout ne se passe pas partout sur le territoire aussi facilement qu’en Anjou : il suffit à cet égard de se référer à l’échec de la fusion des 9 communes de la Communauté de communes de Fillière dans l’Isère. Mais cet échec n’est que relatif : les 7 communes ayant voté la fusion vont relancer la procédure pour ce qui les concerne.

Malgré la mise en œuvre d’un processus vertueux de fusion, le travail à accomplir reste considérable : lors du dernier scrutin municipal de 2014, il subsistait encore en France près de 27 000 communes de moins de 1 000 habitants et, parmi elles, près de 3 500 communes de moins de 100 habitants, souvent administrées de manière peu pertinente par des élus aux compétences limitées, des maires « exogènes » trop souvent absents, ou des conseillers municipaux trop âgés, de santé précaire, voire inscrits sur les listes uniquement pour atteindre le quota requis de 7 élus* ! Dans un pays soumis à des dizaines de milliers de textes législatifs et règlementaires de référence, la place n’est plus à ces entités de taille dérisoire dont la majorité des attributions et des moyens ont, à juste titre, progressivement migré vers les communautés de communes.

Dans un tel contexte, le processus de fusion est incontestablement en marche. Souhaitons qu’il connaisse une accélération significative dans les années à venir pour permettre à notre pays de moderniser sa structure administrative afin de la rendre enfin plus efficace en matière de gestion territoriale. Cela dit, il ne faut pas se leurrer : il reste encore bien des étapes à franchir, et le poids des inerties comme celui des baronnies rendent la tâche d’autant plus ardue que le personnel politique brille généralement plus par son goût pour la communication que par son courage décisionnaire.

Le processus de fusion n’en va pas moins dans le sens de l’histoire, et un nombre croissant de nos compatriotes – notamment chez les jeunes – est désormais conscient que le maintien d’un découpage administratif datant du 18e siècle et largement calqué sur les paroisses de l’époque est une survivance absurde. Une survivance qui, dans les territoires ruraux, n’a plus de sens qu’en termes de folklore à la Clochemerle. C’est sympathique, mais très loin des exigences de compétence que nécessite la complexité de la vie moderne.

 

C’est notamment le cas dans les micro-communes de montagne qui ne comptent plus que quelques dizaines d’habitants.

 


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