Gauche des cocus, droite des puceaux

par Florian Mazé
lundi 21 novembre 2022

Le paysage politique et métapolitique est fort endommagé. Les faux rebelles pullulent, « social justice warriors » ou « dissidents », adversaires autoproclamés du « système » crispés sur des positions grotesques à la gauche de la gauche ou à la droite de la droite, particulièrement sur Internet, YouTube et réseaux sociaux. Ces « influenceurs » de gauche et de droite s’adonnent à des combats de catch qui ne mènent à rien.

À ma gauche, le SJW « gauchiasse », comme on dit à droite, progressiste, féministe, écologiste à géométrie variable, droit-de-l’hommiste, pro-racaille, constructiviste, multiculturaliste, immigrationniste, diversitaire, transhumaniste, etc. C’est la gauche des cocus, la gauche du vivre-ensemble, la gauche inclusive du tout-va-bien-avec-toutes-nos-différences. L’ennui, c’est qu’à force de chercher le vivre-ensemble à tout prix, on en arrive à la tolérance obligatoire. Une bien curieuse tolérance : les représentants (réels ou supposés) de la (réelle ou supposée) vieille société blanche, patriarcale, hétéronormée doivent plier le genou devant les « forces » qui sont censées la contredire, voire la détruire, et qui en réalité substituent de nouvelles tyrannies, procédurières et hystériques, à des formes anciennes de domination, contestables il est vrai, mais pas toujours aussi cauchemardesques qu’on nous le dit.

 

Pour cette raison, cette gauche sociétale, « sociétaliste », mérite bien son qualificatif de gauche des cocus. La gauche, autrefois, c’était le monde du travail, les augmentations de salaires, l’amélioration de la sécurité mécanique dans les usines, la diminution des cadences… Aujourd’hui, le travailleur ne s’y retrouve plus. Mais lui n’est pas cocu, il est simplement victime des dérives de la gauche. Le « gauchiasse », lui, est ontologiquement cocu. Il a voulu un monde idéal, il se retrouve avec une dystopie.

 

Une dystopie dont il est, lui aussi, victime. Par exemple, on ne compte plus les gauchistes accusés de violences, réelles ou supposées, contre leurs compagnes. L’arroseur arrosé. On ne compte plus les gauchistes anti-sécuritaires agressés par des racailles, comme le reste de la population. Dieu se rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes disait, semble-t-il, Bossuet.

 

La gauche, c’est le vivre-ensemble, une valeur qui en soi n’a rien de déplorable. Mais ce vivre-ensemble est chaque jour contredit : 1) par l’entre-soi bobo gauchiste, une manière de vivre qui est tout sauf du vivre-ensemble, et 2) par les conséquences toxiques de gauchisme sur le reste de la société. En matière de sécurité, par exemple, la gauche aurait pu et dû lancer le slogan suivant : « Résolument sécuritaire et pas du tout raciste ! ». Elle a lancé une autre idée : « Résolument antiraciste et pas du tout sécuritaire ! » En matière sexuelle, autre exemple, la gauche a prôné la liberté des mœurs. Mais on se retrouve avec un puritanisme gauchiste, où bientôt chaque personne devra remplir un formulaire en trois exemplaires dûment authentifiés en préfecture pour faire des galipettes sans craindre une procédure pour harcèlement sexuel. Bref : cocus jusqu’à l’os. Un cocu qui parle du vivre-ensemble, c’est comme un conseiller conjugal en instance de divorce.

 

A ma droite maintenant, le dissident « droitardé », droitardé mental comme on dit, à juste titre, à gauche. La sottise inverse. Depuis la logique d’Aristote, on sait pourtant que le contraire d’une proposition fausse peut être également faux. On a vu surgir une droite plus ou moins extrême, réactionnaire, antiféministe, anti-écologique, anti-droits de l’homme, ultra-sécuritaire, naturaliste, essentialiste, mono-culturaliste, homophobe, xénophobe, sexophobe, anti-philosophique, fanatique religieuse, obscurantiste, anti-scientifique, on en passe et des meilleures. Cette droite, vous la reconnaîtrez facilement, c’est la droite « République de Gilead » imaginée par Margaret Atwood, une sorte de dystopie théocratique fascisante.

 

En France, malheureusement, l’allégeance au catholicisme intégriste ultra-conservateur est comme un rite de passage pour les « influenceurs » de droite. Même les identitaires néo-païens se sont efforcés de partager les mêmes valeurs matrimoniales réactionnaires que leurs petits copains cathos-tradis-conspis. Même les protestants de type Jean Robin ont cru bon de faire la même chose, réactualisant le puritanisme calviniste ou luthérien, dont la rigidité morale n’a rien à envier au catholicisme le plus inquisitorial.

 

Pour cette raison, c’est une droite des puceaux. La droite, au départ, c’était un certain conservatisme, plus ou moins ouvert selon les personnalités, avec un dose variable de sécuritarisme. Aujourd’hui, même le sécuritarisme, légitime en lui-même, se trouve abandonné dans les revendications de cette droite sociétale. Les « influenceurs » savent bien qu’ils ne pourront pas grand-chose contre les racailles, compte-tenu de la complaisance des institutions officielles à l’égard des délinquants et criminels de droit commun (alors même que toute opposition politique ou métapolitique prend des risques importants, un trait déjà prévu par Orwell dans 1984).

 

Alors, les « influenceurs » droitardés ont trouvé un nouveau terrain d’exercice : la sexualité et ceux qui en ont une… Puisqu’on ne peut s’en prendre aux voyous, cette droite des lâches va s’en prendre aux bons vivants. Arrivent alors les chaînes YouTube où les puceaux et demi-puceaux, bodybuildés ou maigrichons, hypocrites ou pas, invitent les ensoutanés les plus moyenâgeux. Et l’on nous explique sempiternellement la même salade : la loi naturelle, mesdames, messieurs, oui la loi naturelle, rien que la la loi naturelle, toute la loi naturelle ! Et sinon, flammes de l’Enfer pour tous ceux qui violent la loi naturelle ! Et pour ce type d’influenceurs – ils se reconnaîtront – la loi naturelle, c’est ne pas connaître un seul orgasme en dehors du mariage authentique devant Dieu et avec l’intention explicite de procréer. Bref : une politique et une religion de puceaux, quoique partisans de la procréation à tout crin.

 

Il faudra pourtant qu’un jour les partisans de la loi dite naturelle (en réalité, « loi de Dieu », pour ces théocrates) m’expliquent en quoi la continence parfaite est naturelle. Avant de replonger le nez dans mon catéchisme, et dans le catéchisme de nos Youtubeurs, j’avais plutôt tendance à penser que la chasteté perpétuelle était la pratique sexuelle la plus contre-nature qui soit. Mais, bon, j’ai dû me tromper.

 

Par ailleurs, il faudra aussi qu’on m’explique comment, dans un système planétaire de plus en plus exigu, et qui manque de plus en plus de ressources, la croissance sans limite de la population humaine serait de nature à résoudre tous nos problèmes. « Nature » matrimoniale contre nature planétaire, alors ? Mais bon, demander à un théocrate de penser, c’est comme demander à nos magistrats actuels de faire quelque chose contre la délinquance. Bref : la droite des puceaux ne s’intéresse qu’à une chose : le sexe, et ceux qui ne détestent point la chose, ce qui traduit assez leurs frustrations et leurs obsessions (il n’y a pas besoins de grandes études psychanalytiques pour s’en rendre compte).

 

Et, au final, puisque nous parlons du sécuritaire, la voyoucratie et l’oligarchie – prédateurs d’en haut et prédateurs d’en bas – n’ont rien à craindre de tous ces « influenceurs », rien à redouter, ni de la gauche des cocus, ni de la droite des puceaux.

 

Alors, détachons nous de ces imbéciles !

 

Le monde est une vallée de larmes, un océan de précarité où nagent de fortes menaces, pas la peine d’en rajouter avec des extrémismes toxiques et ridicules qui font le jeu du pouvoir établi en prétendant le combattre.


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