Gaz chimique : de Libé à Trump, le déchaînement

par hommelibre
vendredi 7 avril 2017

Après Aylan sur une plage turque, voici Khan Cheikhoun. Le quotidien Libération fait aujourd’hui sa une très esthétique sur ces enfants morts. Sur fond noir, sans déco, sans contexte. Avec un titre : Les enfants d’Assad.

Jolie guerre

La chaine LCI est plus prudente en ce 6 avril et parle d’une attaque chimique « présumée ». Dès le début les informations ont été contradictoires. L’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH) a été en première ligne en annonçant 58 morts et 170 blessés.

Relayant l’opposition syrienne, cette ONG presque fantôme, dirigée par un individu basé à Londres et dont les informations ont jusqu’à ce jour été soit invérifiables soit ouvertement anti-Assad, a parlé d’une attaque aérienne.

François Hollande a rapidement pris le relais. On sait ce que valent ses paroles : rien. Gesticulations habituelles et volonté d’en finir avec Assad. Puis la communauté internationale, selon la presse, a accusé ouvertement le régime de Damas. La communauté internationale en question se résume à la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et les États-Unis.

Même le pape François s’y est mis et a lui aussi relayé la notion d’attaque délibérée. L’opposition syrienne, dont on ne sait plus qui elle est sinon qu’il s’agit très largement d’islamistes égorgeurs, a pointé le régime en mentionnant l’utilisation d’obus contenant du gaz toxique.

Avant même toute enquête les habituels pourfendeurs de Damas ont accusé ouvertement le régime. C’est sur ce déchaînement que Libé publie sa couverture esthétisante. La guerre en est presque jolie. Le quotidien fait le buzz. Il y a quelque chose de pourri au royaume de Libé.

MIT

Or nous savons aujourd’hui que toutes les informations concernant la Syrie sont hautement suspectes et orientées. Sur le cas dramatique de la petite ville de Khan Cheikhoun aucune enquête n’a encore eu lieu. Si des témoignages variés semblent accréditer la présence de gaz chimiques, rien ne permet à ce moment d’en désigner l’origine.

La Russie affirme qu’il s’agit de l’explosion d’un entrepôt des rebelles qui fabriquent eux-mêmes des substances chimiques hautement toxiques. Comme le souligne Kad dans son blog c’est plausible.

L’attaque au gaz d’août 2013, déjà attribuée au régime de Damas, avait conduit la communauté internationale à envisager une intervention militaire directe contre la Syrie. On n’a toutefois jamais eu de confirmation d’une responsabilité du régime après l’enquête des Nations Unies.

Au contraire des affirmations occidentales de l’époque, le prestigieux MIT (Massachussetts Institut of Technologie), affirmait même que l’attaque avait été perpétrée depuis une zone rebelle.

Depuis lors les armes chimiques détenues par Damas ont été détruites sous contrôle international. Le régime aurait-il pu discrètement reconstituer des stocks ? Je l’ignore. Par contre en novembre 2016 une autre attaque au gaz chimique a été perpétrée par, semble-t-il, Daesh. On n’a pas vu de déchaînement médiatique à ce sujet. Il n’y a pas eu non plus d’enquête des Nations-Unies, à ma connaissance. Deux poids, deux mesures.

 

De l’eau dans le gaz

Aujourd’hui le mal est fait, alors qu’il n’y a pas de preuve de responsabilité. Donald Trump monte en première ligne et menace on ne peut plus clairement le régime syrien d’une intervention armée. On se demande s’il osera ce qu’Obama avait renoncé à faire. Je le crains.

Mais pourquoi cette prise de position et cette menace, sans enquête, sans preuve ? Trump tente-il de ressouder l’Amérique autour de lui par une nouvelle guerre ? Veut-il se rallier les républicains frondeurs, alors qu’il est empêché de mener sa politique par une guerre interne sans précédent menée par le camp démocrate et une partie de son propre camp ? Il y a de quoi être troublé.

Ne renonçons pas à nous demander à qui sert cette campagne. La guerre de Syrie est une guerre du gaz. Assad refuse depuis des années le passage d’un gazoduc qatari sur son territoire. Ce gazoduc est destiné à faire concurrence au gaz russe qui alimente largement l’Europe.

Le recul de Daesh, la fin possible de la guerre et l’écrasement de l’opposition djihadiste (partiellement soutenue par des pays occidentaux), laisse maintenant très peu de temps pour renverser Assad et mettre en place un régime favorable au gaz des pétromonarchies.

Or si Trump met ses menaces à exécution, un désordre bien plus grave qu’en Libye pourrait survenir et engendrer d’autres monstres de type Daesh.

La responsabilité de la presse occidentale est aujourd’hui immense. Elle peut pousser à la guerre ou freiner les ardeurs effarantes du Donald. Et je ne suis pas sûr que cette presse privilégie la paix.

En attendant, nos coeurs saignent pour la Syrie.

 


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