Génération 25-40 ans : génération de la dernière chance ?

par La fronde économique
jeudi 28 mai 2009

Dressons le tableau à grands traits. La génération actuellement aux commandes politiques, économiques et médiatiques (grosso modo les 55-70 ans), ne veut et ne peut pas véritablement changer de mode de développement, si ce n’est à la marge, une pincée de social par ci, un zeste d’écologie par là, mais surtout ne touchez pas aux fondamentaux et focalisez vous sur « la nécessité de relancer à tout prix la machine économique ». Qui plus est, en France plus qu’ailleurs, ces dirigeants ont tendance à s’accrocher à leurs rochers de pouvoir tels d’indécrottables bigorneaux, non pas au service de grands idéaux ou de belles causes, mais plutôt pour préserver leurs privilèges et défendre leurs intérêts. Nourrie et formée au productivisme progressiste des Trente Glorieuses, cette génération a laissé s’installer (et même susciter) les Trente Odieuses du néolibéralisme (1980-2010), achetant quelque part la soumission de la génération suivante, en lui faisant miroiter et croire à un avenir radieux, matérialiste et individualiste - au final illusoire. Marquée par les années 80 et le triomphe du néolibéralisme, aveuglée le « There are no alternatives » de Thatcher et le Veau d’or de Wall Street et de ses yuppies, cette génération 40-55 ans n’a pas assez joué son rôle politique de transformation sociale. Par ailleurs, pour réellement changer la donne, on ne peut attendre la prise du pouvoir par la génération qui arrive (13-25 ans) - très marquée par l’écologie et donc potentiellement porteuse d’un changement radical de société - car il sera trop tard. En effet, le temps presse. Tous les experts sérieux [1] s’accordent à dire qu’il ne reste que 15 à 20 ans pour changer véritablement de cap, sous peine d’arriver à une situation très critique, à côté de laquelle la crise actuelle ne serait qu’un épiphénomène… En effet, la croissance démographique, l’insuffisance des ressources renouvelables, la raréfaction des ressources fossiles, la progression des émissions de gaz à effet de serre, l’extension mondialisée du mode de vie occidental, le changement climatique déjà amorcé, le creusement des inégalités, etc. vont converger vers un final explosif, à moins de changer fondamentalement de modèle et de perspective.

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La balle est donc au fond dans le camp de la génération 25-40 ans. Bien sûr, je caricature un peu, je force le trait, mais si ce constat est à nuancer (méfions nous des généralisations et n’idéalisons ou ne diabolisons aucune génération !), il me paraît néanmoins avéré et même partagé, consciemment ou non, par beaucoup de personnes de cette génération de la « dernière chance » à laquelle j’appartiens. Une génération assez âgée pour s’être confrontée au monde, à l’entreprise, à l’économie et avoir pris conscience des limites et des dérives du système actuel. Assez âgée aussi pour s’être véritablement engagée dans différentes causes. Mais pas assez âgée pour être aux manettes et peser sur la marche du monde, se retrouvant alors reléguée au rang de spectateur d’une débâcle annoncée… Une génération qui relativise le clivage gauche / droite, ou en tout cas, n’en fait plus l’alpha et l’oméga de toute vision ou combat politiques. Une génération qui a grandi et mûri avec la chute du Mur de Berlin, la crise permanente (avec un chômage élevé), les grandes grèves de 1995, la montée de l’altermondialisme, l’affirmation de la Chine, de l’Inde et de la Russie, les difficultés chroniques de l’Europe politique, l’explosion d’Internet, l’irruption des périls écologiques, etc. Autant d’expériences qui l’ont marqué, ont nourri sa vision du monde et, pour une part, ont fortement déterminé un engagement civique, économique ou politique. Dans les ONG, l’économie sociale et solidaire, les syndicats, le patronat, les collectivités, les mouvements sociaux, etc. je vois et croise de nombreuses personnes de cette génération, actives et engagées, qui en ont assez de cette situation et essaient d’agir concrètement à leur niveau, pour répondre aux défis colossaux qui s’imposent à nous et dessiner un monde meilleur. Ils le font de manière plus pragmatique que leurs "grands aînés" des 55-70 ans, et plus ambitieuse que celle de leurs "grands frères" des 40-55 ans. Cette génération charnière 25-40 ans va hériter d’une France aux dettes abyssales, d’une Europe encore engoncée dans les dogmes néolibéraux, d’un « Choc des Civilisations » annoncé, de « la plus grave crise financière depuis celle de 1929 », d’une planète qui, quoi qu’il soit fait, se réchauffera d’au moins 2 °C, etc. Quelle belle perspective ! Et pourtant on garde l’espoir. L’improbable est toujours possible et même probable, l’Histoire n’est pas linéaire, l’avenir n’est pas écrit, et il arrive in fine rarement ce qui a été prévu ! La conjonction de crises actuelles (financière, économique, sociale, écologique et de plus en plus, politique) est autant porteuse de désastres que de bienfaits potentiels. L’élection d’Obama aurait-elle été possible sans 8 années de Bush et la crise financière ? Pas si sûr… La « métamorphose » chère à Edgar Morin est plus que jamais nécessaire. Il arrive un moment où on dit basta. On veut prendre le pouvoir. On veut imposer de nouvelles idées, de nouvelles pratiques économiques, démocratiques et politiques, non pas pour « se servir » ou pour en jouir, mais pour changer de cap avant que le pire n’arrive et redonner du sens à un intérêt général qui est aujourd’hui autant invoqué que bafoué. Alors, camarades de la « dernière chance », qu’est-ce qu’on fait ? www.lafronde-economique.net --------------------------------------------------------------------------------


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