Gilets verts et Rouge-bruns, l’étrange alliance

par Philippe Nadin
samedi 15 décembre 2018

Les événements récents ont précipité un processus alors jusque là en germe. J'entends par là l'alliance insolite de l’extrême droite et de l’extrême gauche à la faveur des troubles.

De la même manière, un rapprochement s'est esquissé entre les Gilets jaunes et ce que d'aucuns voudraient appeler les Gilets verts, soit une fraction des écologistes. Alliance pourtant que rien ne prédisposait à voir le jour, tant leurs représentants se retrouvent dans des classes sociales éloignées éloignées durablement, au regard de la richesse. La leçon à en tirer n'est elle pas qu'il faut rejeter une grille de lecture marxiste des événements, classe contre classe, pour y préférer l'idée d'une saine coopération entre les différents acteurs du jeu.

 

Sur le front le plus exposé, celui des casseurs, on retrouve aussi (mais loin d’être exclusivement) des adhérents de groupuscules gauchistes d'un coté, ou identitaires de l'autre. Ils partagent en commun la même plate forme de revendications sociales radicales, telles qu'elles sont mises en avant sur les différents sites de Gilets jaunes.

Au sein des gauchistes, les anarchistes sont de loin les plus nombreux, ils restent en effet persuadés tout comme au début du XXème siècle que seule l'action violente verra leur cause triompher. Chez les identitaires, un lent travail de refondation de la doctrine en vue d'un rapprochement avec les communistes, au moins sur le plan stratégique a été mûri à travers la popularité de figures du mouvement comme le fracassant Batskin et certains du GUD, oreilles écoutées de l'actuel RN.

La question à se poser serait de savoir dans quelle mesure ce rapprochement insolite entre rouges et bruns va au delà d'une simple évidence tactique ou bien signale t'il une réelle convergence de vues. Le constat semble partagé en tout cas. Les moyens aussi, seul l'objectif diffère encore, mais pour combien de temps ? Des passerelles idéologiques existent déjà pour favoriser ce rapprochement, comme celles émergées autour de la figure controversée d'Alain Soral, ou de façon plus nuancée de Philippot jadis, pour le rôle qu'il joua auprès de Marine Le Pen (tout comme Soral d'ailleurs qui sera évincé lui aussi bien plus vite). Au delà un respect mutuel n'est il pas né à la faveur des combats de rues, dans ce que l'on peut appeler une fraternité d'armes, chez ces hommes qui, il faut le reconnaître et quoique l'on en pense bravent tous les dangers.

Le seul réel point de discorde réside dans la question migratoire dont les deux camps ont fait un totem à leur manière. Mais comme par miracle, la question est mise sous le boisseau, en raison de concessions jusque là nouvelles de l’extrême gauche à ce débat. Là encore le même constat d'une crise identitaire semble émerger, malgré de grandes différences dans les solutions préconisées.

 

Autre rapprochement de taille, celui de plus en plus affirmé entre les écologistes et les Gilets jaunes pour lesquels l'expression Gilets verts est d'abord un mot avant d’être un mouvement structuré.

L'idéal qui leur est commun d'une société nouvelle privilégiant la convivialité contre la compétitivité en séduit plus d'un. Et sans doute se recrutent t ils chez les plus modérés. A la décroissance prônée par les écologistes correspond un nouveau modèle anti productiviste et donc d'une moindre qualité de vie, mais cette fois librement consentie et non pas pauvreté subie. Autant les Gilets jaunes proviennent de milieux populaires et peu instruits, autant les écologistes se recrutent chez les bobos, soit les classes moyennes supérieures instruites et à fort niveau de vie. Ils sont eux aussi un ferment révolutionnaire et leur situation de privilégiés ne leur donne pas pour autant des œillères. A la vision clivante voulant réduire e mouvement des Gilets jaunes à un affrontement de classe, cette alliance offre un cinglant démenti. La prise de conscience certaine d'une nature en danger devant le triomphe de la machine semble de plus en plus partagée, indépendamment des fractures politiques traditionnelles.

Autant d’éléments qui traduisent dans la société un réel ferment révolutionnaire.


Lire l'article complet, et les commentaires