Grand Orient de France : des francs-maçons demandent la « suspension temporaire » de Mélenchon

par Martin de Wallon
mardi 30 octobre 2018

Son comportement « vis-à-vis des magistrats, des policiers et des journalistes » du chef de file de La France insoumise a été critiqué par plusieurs membres de l’obédience.

Dans une biographie parue en 2012, celui qui est depuis devenu le leader de La France insoumise (LFI) avait indiqué être entré au Grand Orient de France (GODF) en 1983. Vendredi 26 octobre, l'exécutif du même GODF a demandé à sa justice interne « la suspension temporaire » de Jean-Luc Mélenchon en raison de son « comportement vis-à-vis des magistrats, des policiers et des journalistes », a précisé l’entourage du GODF à l’AFP. Le 16 octobre dernier, des perquisitions ont en effet été menées, chez M. Mélenchon et dans différents locaux, dans le cadre d’enquêtes sur les comptes de campagne présidentielle 2017 du leader de LFI et sur les assistants d’eurodéputés de son parti. Dans des vidéos prises lors de ces perquisitions, M. Mélenchon apparaît en train de bousculer un représentant du parquet ainsi qu’un policier qui s’interpose. Suite à ces faits, une enquête préliminaire a été ouverte le 17 octobre pour « actes d’intimidation contre l’autorité judiciaire » et « violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique » lors de ces perquisitions. Par ailleurs, une plainte a été déposée par Radio France après les propos de Jean-Luc Mélenchon qualifiant de « menteurs » et d’« abrutis » les journalistes de Franceinfo et appelant ses militants à les « pourrir ».

 

Une quarantaine de membres de l'obédience ont fait pression sur l'exécutif du GODF pour qu'il se saisisse du cas Mélenchon. Après débat, la décision de saisine de la justice maçonnique a été prise à une écrasante majorité de « 30 voix pour et 3 voix contre », a précisé l’entourage du GODF à l’AFP, en soulignant que c’est un fait rare. Parce que c'est une procédure dite d'urgence, les juges internes au Grand Orient devraient se réunir dans environ deux mois, l'intéressé visé par la demande de suspension ayant été invité à présenter sa défense devant la justice maçonnique. Cette dernière n'est pas tenue de répondre favorablement à la demande de l'exécutif de l'obédience : la chambre suprême de la justice maçonnique, indépendante du conseil de l’ordre, devra trancher en toute autonomie, et ce « au mieux dans deux mois », selon cette source.

 

« Son comportement vis-à-vis des magistrats, des policiers et des journalistes », notamment son opposition virulente lors des perquisitions au siège de LFI et chez lui le 16 octobre, ont déplu à certains membres de la plus grande association maçonnique française. Les hauts dignitaires de l'obédience redoutent sans doute que l'enquête et la plainte dont M. Mélenchon fait l'objet ne ternissent l'image de l'institution, forte de 53000 membres. L'émoi suscité par les images où l'on voit le leader de LFI bousculer un vice-procureur de Paris semble avoir joué un rôle déterminant. Plutôt marquée à gauche, l'organisation maçonnique est réputée pour son attachement au « respect de la République et de la liberté de la presse », que représentent magistrats, policiers et journalistes, a-t-on ajouté.

 

Jean-Luc Mélenchon n'est pas le premier homme politique à avoir intégré l'organisation maçonnique. Le fait que Manuel Valls ait longtemps appartenu au GODF n'est pas un secret. On a autrefois longtemps parlé, au sujet de la loge, d'un “Etat dans l'Etat”, tant étaient nombreux les membres maçoniques de l'administration. On peut cependant douter de l'influence que le GODF a encore dans les plus hautes sphères du pouvoir. Les pouvoirs publics consultent certes les obédiences sur la bioéthique ou la fin de vie. Mais la franc-maçonnerie n'est plus une force para-politique. Elle tente juste de pallier le passage à vide des partis. Alors que les Français ne croient plus beaucoup à l'action des élus, le GODF cherche à revenir dans le jeu non pour participer au combat politique, mais pour délivrer un message que les partis ne portent plus, pour montrer un projet, un espoir, une voie, défendre des valeurs.

 

La franc-maçonnerie sait que son influence ne se mesure plus au nombre de parlementaires ou de ministres initiés, d'autant plus qu'ils ne sont plus la voix et l'instrument du projet des obédiences, comme au début du XXe siècle. Par exemple, Daniel Keller, grand maître du GODF, parle de l'avenir de l'Europe, des enjeux écologiques, des sujets nouveaux pour les francs-maçons. Mais la franc-maçonnerie est plurielle : les obédiences dites "sociétales", principalement le GODF, ne sont plus vraiment majoritaires.


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